Nous nous sommes posé la question de la défaite politique et de ses effets sur des personnalités qui ont été à la pointe des affaires pendant une longue période, pour Camille Darsières par exemple,  qui, dans l’ombre avait conservé une certaine prééminence sur son parti en dépit de son échec électoral. Claude Lise en quelque part subit un sort identique à celui d’un homme qui après avoir été son ami au sein du même parti était devenu son rival le plus ardent en politique : nous en sommes le témoin. L’interview du Président du RDM, Sénateur de la République française.


Claude Lise, non plus Monsieur le président, même s’il est difficile, après 19 années de présidence du Conseil général de ne plus vous appeler ainsi, nous dirons Monsieur le Sénateur, quel est votre état d’esprit après cette campagne pour les cantonales qui avaient été annoncées comme devant être une Bérézina de votre groupe politique, mais qui malgré tout vous a fait perdre votre siège de président du Conseil général ? Etes-vous un homme malheureux ?

Je suis, en fait, très serein. Vous savez, j’ai un tempérament qui ne me porte pas à l’abattement dans l’adversité. Et puis, je suis doté d’une véritable carapace qui s’est forgée dans les épreuves d’un long parcours de vie militante et politique. J’ai appris depuis longtemps que rien n’est jamais vraiment acquis, surtout dans le domaine politique ; un domaine où il faut apprendre à faire la part des comportements à géométrie variable dictés par les seuls intérêts personnels du moment ; où il faut s’attendre, par conséquent, aux trahisons les plus viles. Et Dieu sait si j’en ai été victime !

Pour en revenir plus précisément aux dernières cantonales, j’étais convaincu que le néo-ppm allait amorcer un recul. C’est bien ce qui s’est passé : partout, il a vu ses résultats en baisse par rapport à 2004. Et il a connu une sévère défaite à Sainte-Marie avec l’élimination dès le premier tour de Fred Lordinot qui était l’un de mes plus farouches opposants au Conseil général.

A Fort-de-France, je savais que seule une forte mobilisation des électeurs pouvait contrer la machine municipale. Elle ne s’est malheureusement pas produite. Mais les résultats n’ont pas du tout été à la hauteur des attentes des responsables progressistes ; par exemple, sur le 6ème canton, où le candidat RDM, Joël Bardet, et sa suppléante ont réalisé un score remarquable. En tout cas, ce qu’il faut bien souligner, c’est que le néo-ppm et ses alliés ont fait, sur l’ensemble des cantons sortants, plus de 6000 voix de moins que les candidats se réclamant de la majorité que je présidais. Je ne peux donc tirer un sentiment d’échec de ces élections.

Alors, bien sûr, je n’ai pu me maintenir à la présidence. C’est la conséquence du mode de scrutin propre au Conseil général. S’il s’était agi d’une élection à la proportionnelle, les choses auraient été évidemment bien différentes. Au vu du nombre de cantons gagnés de part et d’autre, je savais que l’élection à la présidence serait très serrée. Je m’étais préparé à l’éventualité de la situation qui s’est présentée et j’avais annoncé à mes amis qu’en cas de troisième tour, je m’effacerais devant mon ami Alfred Sinosa.

Pour être sûr de l’emporter au bénéfice de l’âge ?

C’était, bien sûr, la solution logique dans l’hypothèse où le groupe « Ensemble pour une Martinique nouvelle », composé du néo-PPM et ses alliés, présentait la candidature de Rodolphe Désiré de 4 ans mon ainé mais plus jeune qu’Alfred Sinosa.

Mais c’est madame Manin qui a été maintenue, vous pouviez donc gagner ?

Oui; à condition que l’on retrouve toujours 22 voix de chaque côté et un vote blanc. Or, il ne faut pas oublier ce à quoi l’on a assisté pendant l’interruption de séance précédant le 3eme tour : des pressions exercées ouvertement sur certains élus, soit directement par des personnalités politiques arrivées à point nommé dans la salle, soit par appel téléphonique. En l’occurrence, l’auteur du vote blanc a reçu sur son portable une engueulade qui à certains moments s’entendait même à distance.

Dans ces conditions, rien n’était sûr. On ne pouvait même pas exclure une stratégie subtile consistant à faire voter Désiré, malgré une annonce officielle de candidature Manin. Ce qui compte, en effet, c’est le résultat obtenu au dépouillement.

Mais, je vous avoue que ce qui a été le plus déterminant pour moi, c’est le souci de ne pas donner l’image d’un homme accroché à son fauteuil de président à n’importe quel prix. Car cela aurait signifié quoi de me faire élire au bénéfice de l’âge ? Cela aurait signifié le choix d’assumer une présidence sans majorité, donc avec un handicap majeur face à un bloc d’opposition qui, depuis 2006, a amplement démontré sa volonté d’obstruction systématique, au mépris de l’intérêt général de la Martinique. Dans ces conditions, il valait mieux chercher une solution viable, une solution permettant au Conseil général de pouvoir fonctionner normalement et donc de continuer à jouer le rôle qui lui revient dans une conjoncture particulièrement difficile.

Cela pouvait être le cas avec la candidature d’Alfred Sinosa, à condition, bien sûr, que les dirigeants de « Bâtir le Pays Martinique » acceptent d’assumer leurs responsabilités à cet égard. Cela aurait été d’autant plus normal de leur part que le groupe « Bâtir » a pleinement participé à l’action de la majorité pendant toute la mandature écoulée, deux de ses membres ayant même assumé d’importantes fonctions au sein de cette majorité (Claire Tunorfé en commission permanente et Alfred Sinosa comme président de la commission des finances depuis 2004). Bâtir avait l’occasion d’avoir la présidence du Conseil général avec une majorité d’au moins 24 sièges. La preuve a pu être ainsi faite, de façon irréfutable, que l’objectif de la direction de « Bâtir » n’était pas tant de conquérir la présidence du Conseil général que de servir les desseins hégémoniques du néo-PPM.

Pierre Samot voulait peut-être faire élire, pour la première fois, une femme à la tête du Conseil général ?

Si tel était son objectif, pourquoi ne me l’a-t-il pas proposé ? Lorsque je l’ai rencontré le vendredi 18 février, il ne l’a pas fait. Je peux préciser d’ailleurs que, ce jour là, il ne m’a absolument pas confirmé les rumeurs qui couraient sur l’éventualité d’une candidature d’un élu de son parti contre moi.

En tout cas, je peux vous affirmer que si la proposition m’avait été faite de m’effacer en faveur de Josette Manin, pour permettre à une femme d’accéder, pour la première fois, à la présidence du Conseil général de la Martinique, j’aurais accepté sans hésitation. Et, pour moi, cela n’aurait pas consisté à céder la place à une femme parce que c’est une femme. Ce n’est pas là ma conception de la promotion de la femme. Je l’aurais fait en faveur d’une femme ayant participé sans réserve à la politique menée depuis des années sous ma présidence. Une femme ayant, par conséquent, la possibilité d’assurer la continuité de la politique menée. Et je suis convaincu que pas une voix de la majorité qui me soutenait ne lui aurait manqué.

Le reste de l’interview est disponible dans le magazine papier, en vente partout…

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