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mis à jour le 13 novembre 2020

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Icebergs au Groenland
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : Tous droits réservés

Près de 40 ans de données satellitaires du Groenland montrent que les glaciers de l’île ont déjà tellement diminué que même si le réchauffement climatique devait s’arrêter aujourd’hui, la calotte glaciaire continuerait de fondre.

La calotte glaciaire du Groenland, pourtant âgée de plus de 30 millions d’années, ne résistera pas au réchauffement climatique induit par nos activités polluantes.

Le point de basculement a déjà été dépassé : le volume de neige qui s’accumule chaque année pour reconstituer le glacier est inférieur au volume de fonte de la calotte.
« Nous avons examiné les observations de télédétection pour étudier comment la décharge et l’accumulation de glace ont varié », explique Michalea King, auteur principal de l’étude publiée le 13 août dans la revue Nature Communications Earth and Environment, et chercheur au Byrd Polar and Climate Research Center de l’Université d’État de l’Ohio (Etats-Unis). « Et ce que nous avons constaté, c’est que la glace qui se déverse dans l’océan dépasse de loin la neige qui s’accumule à la surface de la calotte glaciaire. »

Pour arriver à cette conclusion inquiétante, les scientifiques ont analysé les données satellitaires mensuelles de plus de 230 grands glaciers du Groenland qui se déversent dans l’océan. Leurs observations montrent quelle quantité de glace se transforme en icebergs ou fond directement. Ils indiquent également la quantité de neige qui tombe chaque année – le moyen pour la calotte glaciaire de se reconstituer.

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Prise de vue aérienne de la calotte glaciaire du Groenland. Les petits lacs de fonte et les rivières associées sont très visibles
Crédit : Bernt Rostad / Flickr – Licence : CC BY

Durant les années 1980 et 1990, le bilan était équilibré permettant de conserver le volume de la calotte glaciaire. : environ 450 milliards de tonnes (gigatonnes – Gt) de glace étaient perdus chaque année par vêlage ou fonte mais cette même masse était alors remplacée par des chutes de neige.

Puis tout s’est emballé au début des années 2000 : la perte de glace a atteint puis dépassé les 500 gigatonnes par an tandis que les chutes de neige sont restées stables à 450 Gt. Ainsi, la calotte glaciaire du Groenland perd 50 Gt de glace par an.

Cela signifie maintenant que même si nous arrivions à stopper le changement climatique dans son élan – ce qui serait littéralement un miracle -, le bilan resterait négatif et la calotte glaciaire continuerait à rétrécir pendant un certain temps. « La retraite des glaciers a plongé la dynamique de toute la calotte glaciaire dans un état constant de perte », déclare Ian Howat, co-auteur de l’article, professeur de sciences de la terre et universitaire distingué à l’Ohio State. « Même si le climat devait rester le même ou même devenir un peu plus froid, la calotte glaciaire perdrait encore de la masse. »

Michalea King précise que les grands glaciers du Groenland ont reculé, en moyenne, d’environ 3 kilomètres depuis 1985, ce qui est “beaucoup“, a-t-elle déclaré. En outre, de nombreux glaciers ont suffisamment rétréci pour se retrouver dans des eaux plus profondes, ce qui signifie que plus de glace est en contact avec l’eau. L’eau chaude de l’océan fait fondre la glace des glaciers et empêche également les glaciers de revenir à leurs positions antérieures.

Comment l’eau de fonte du Groenland s’évacue-t-elle vers la mer ?

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La vallée glaciaire pressentie et sa rivière probable s’écoulant de l’intérieur des terres du Groenland jusqu’au fjord Petermann – Groenland
Christopher Chambers et al, The Cryosphere, November 12, 2020 – Licence : DR

L’eau de fonte de la calotte glaciaire, notamment celle située loin des littoraux, doit s’évacuer sous la forme d’une multitude de rivières, voir même d’un fleuve sous-glaciaire comme le suggère une étude publiée en novembre 2020 dans Cryosphere.

Ainsi, les modèles informatiques suggèrent que l’eau de fonte provenant de l’intérieur des terres du Groenland pourrait couler sur toute la longueur d’une vallée sous-glaciaire et sortir au fjord Petermann, le long de la côte nord de l’île, à 500 mètres sous le niveau de la mer.

Des relevés radar et des modèles mathématiques estiment que le substrat rocheux du Groenland est enfoui sous 2 à 3 km de glace et serait traversé par une longue vallée de 1 000 km de long ! Cependant, elle pourrait ne pas être complètement franchissable pour l’eau de fonte.

Christopher Chambers et Ralf Greve, scientifiques de l’Hokkaido University’s Institute of Low Temperature Science ont élaboré, en collaboration avec des chercheurs de l’Université d’Oslo, des scénarios pour voir ce qu’il se passait si la vallée était ouverte et que la fonte de la calotte glaciaire augmentait au centre du Groenland.

Il pourrait très bien y avoir un cours d’eau sous-glaciaire qui coule le long d’une vallée semblable à un lit de rivière. Celle-ci s’étendrait alors du site de fusion jusqu’à son exsurgence au fjord Petermann, situé à plus de 1 000 kilomètres sur la côte nord du Groenland.
Des relevés radar supplémentaires sont nécessaires pour confirmer que les simulations sont exactes“, précise Greve, qui a développé le modèle utilisé dans l’étude, appelé Simulation Code for Polythermal Ice Sheets (SICOPOLIS).

Mieux connaître le système hydrologique de la calotte glaciaire du Groenland pourrait permettre d’appréhender ses réactions et modifications sous le climat bien plus chaud qui se met en place.


La fonte du Groenland est une catastrophe

Une étude de l’Université de Lincoln (Etats-Unis) publiée fin juillet 2020 montre que les côtes du Groenland ont vu leur température augmenter de 4,4 °C en hiver et 1,7 °C en été entre 1991 et 2019. Or, chaque degré supplémentaire pendant l’été correspond correspond à une perte d’environ 116 milliards de tonnes de glace chaque année.

En extrapolant à 2100, la fonte de la calotte glaciaire du Groenland devrait augmenter de 10 à 12,5 cm le niveau moyen des océans dans le monde. Cela semble “gérable” mais c’est considérable pour les littoraux.

Cette nouvelle confirme que nous ne pourrons plus inverser, à court et moyen terme, le processus d’augmentation du niveau de la mer.

C’est un défi colossal pour les littoraux de notre planète car la calotte glaciaire du Groenland est le premier contributeur à l’élévation du niveau des océans qui concernera pas moins de 300 millions de personnes d’ici 2050.

En 2019, la fonte de glace de la calotte glaciaire du Groenland a augmenté le niveau des océans de 2,2 millimètres en seulement deux mois.

La fonte totale de la calotte glaciaire du Groenland conduirait le niveau des mers à s’élever en moyenne de 7 mètres partout dans le monde.

De plus, la couche de glace du Groenland contient environ 10 % de l’eau douce du monde. Cette quantité supplémentaire d’eau douce qui se mêlerait à l’eau de mer (salée) pourrait jouer sur tout le climat de l’Europe.

Michalea King voit le bon côté des choses en indiquant que ces nouvelles données pourront « nous aider avec des stratégies d’adaptation et d’atténuation. Plus nous en savons, mieux nous pouvons nous préparer. » En effet, plus que jamais, l’heure est à l’adaptation, vu que nous n’avons pas été capable d’empêcher le changement climatique.


Références
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