Lors de son récent séjour en Martinique, Lilian Thuram a fait une halte au Conseil régional. Au programme ? L’exposé des raisons de sa lutte contre le racisme et les discriminations, singulièrement auprès des jeunes en milieu scolaire…

Invité par le syndicat enseignant SE-Unsa (dans le cadre du programme éducatif « Nous autres »), la star s’est en effet rendu dans plusieurs établissements, afin d’échanger avec les élèves. Convoquant ses souvenirs – l’arrivée en France à l’âge de neuf ans, les écoliers qui l’appelaient « la noiraude » ; les cris de singe, quand il jouait en Italie – l’ancien international est revenu sur l’impérieuse nécessité, notamment pour les jeunes, de connaître leur Histoire, afin de mieux affronter propos et attitudes de vexation. Egalement la nécessité, fort de cette connaissance, de procéder à une déconstruction des discours racistes. L’homme fit souvent état, avec grand regret, du poids des survivances de la séquence esclavagiste et coloniale dans nos classifications (nos hiérarchies ?) pigmentaires et phénotypiques – chaben, milat, etc. –, mais aussi dans notre parler, singulièrement dans des expressions aussi tragiquement explicites que « lapo sové »… Toujours au chapitre discrimination, l’occasion était trop « belle » d’interroger Lilian Thuram sur l’« affaire des quotas » secouant actuellement les instances dirigeantes du football français.

Hier, la ministre des sports a dit que selon l’« enquête », rien ne permettait de démontrer qu’il y aurait une idéologie discriminatoire, voire raciste, au sein de ces instances. Que vous inspire cette déclaration ?

Lilian Thuram : Sincèrement je n’ai pas écouté la déclaration de la ministre. J’ai lu hier soir (le 11 mai dernier, ndr) des brèves de l’AFP (Agence France Presse). Moi ce que je retiens, c’est que le comité du football français, par Mr Patrick Braouezec, a dit – Lilian Thuram demande alors les brèves en question à un membre de son entourage, puis nous lit ceci : « Il faut abandonner toute réflexion sur la nationalité sportive ; c’est un faux débat. Le seul critère à prendre en compte au moment de la sélection d’un enfant de 12 ans, est la performance sportive. C’est inadmissible qu’y soient associées des caractéristiques liées à la couleur de peau, la religion, la morphologie. » C’est ce qui m’intéressait depuis le départ. Dès le départ, j’ai dit que c’était scandaleux de vouloir discriminer des enfants de douze ans. Donc ce qui est intéressant, avec la conclusion, c’est qu’il faut abandonner toute réflexion sur ça.

Aussi noble que soit cette déclaration, est-ce que ça ne risque pas d’être un vœu pieux ?

Ecoutez, sincèrement ça je ne peux pas le savoir. Mais je pense que c’est important de tenir cette conclusion. Après…

Vous y serez personnellement attentif, à cette traduction dans la réalité ?

Ecoutez, je ne sais pas si je serai attentif, parce que je dois avouer que je ne suis pas là à regarder toutes les formations, toutes les équipes (sourire), mais je pense que c’est important qu’il y ait eu cette conclusion. Parce qu’en fait, moi la conclusion qui m’intéressait c’était celle-là. Ce que j’ai dit dès le départ, c’est qu’on ne peut pas discriminer des enfants de douze ans, sur le fait qu’ils soient binationaux ou pas. Voilà.

Pour vous la discrimination était patente, évidente ? La volonté de discriminer en tout cas ?

Dans ce que j’avais lu, oui, bien-sûr. C’est pour ça que cette conclusion est intéressante. C’est elle qui m’intéresse.

Propos recueillis par Mike Irasque.

 

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