Jeudi 10 mars dernier, le monde de l’art était réuni à l’Habitation Clément pour assister à l’inauguration de ce nouvel espace muséal qui présente et conserve la collection de la Fondation. Elle est constituée des œuvres d’artistes martiniquais et caribéens ayant exposé chez Clément. Bernard Hayot dans son discours inaugural a évoqué l’engagement de la Fondation pour la création contemporaine depuis presque 30 ans. Ce fut aussi la soirée de vernissage de l’exposition « Un Arte para todos los tiempos » de l’artiste cubain, Roberto Diago, invité à la galerie. L’Habitation compte à présent trois lieux d’expositions.

L’activité d’embouteillage des rhums Clément a dû être déplacée plus loin sur le site pour permettre la construction de ce que l’on peut appeler désormais un musée d’art contemporain. Car, en effet, la Pinacothèque (lieu de présentation de peintures) rempli les fonctions d’un « établissement dans lequel sont rassemblées et classées des collections d’objets d’intérêt artistique, en vue de leur conservation et de leur présentation au public » (Définition du Petit Robert).

C’est au célèbre architecte Bernard Reichen que l’on doit ce nouvel espace, conçu dans la continuité de la grande salle d’exposition construite en 2016. Les deux structures se répondent, à l’issue d’une réflexion sur les formes architecturales traditionnelles du site, traduites dans des matériaux contemporains. Pour la Pinacothèque l’architecte a utilisé un revêtement en céramique vernissée qui imite les ondulations de la tôle de couverture, matériau traditionnel aux Antilles. Comme pour la première salle d’exposition, les matériaux utilisés jouent avec la lumière naturelle et l’environnement somptueux des arbres tutélaires du parc. Deux lieux contemporains mariés à l’histoire architecturale de l’Habitation.

Une prouesse architecturale

La Pinacothèque est une galerie de 40 m de long avec une hauteur sous plafond comprise entre 4 et 8 mètres, d’une superficie de 550 m². Elle possède deux verrières monumentales qui laissent voir les grands arbres de l’Habitation et sa végétation luxuriante.

La lumière du plafond rétro-éclairé a surpris tout le monde jeudi soir, car elle fait l’effet d’une lumière naturelle de plein jour. La salle bénéficie des mêmes aménagements en cimaises, éclairages et conditions de conservation déjà en service dans le complexe d’exposition de 2016.

L’étage inférieur accueille 350m² de réserves pour les œuvres de la collection, aménagés selon les meilleurs standards de la conservation, ces espaces sont à la fois des lieux de préservation et d’étude de la collection.

Rappelons que cette collection provient de l’achat depuis une trentaine d’années, d’œuvres des artistes invités à exposer par la Fondation. Elle est riche de plus de 800 œuvres et de 250 signatures d’artistes contemporains de toutes les générations et de tous les courants. Les médiums traditionnels, peintures et sculptures y dominent. Elle est représentative de la création martiniquaise et caribéenne de ces dernières décennies.

Enfin un musée d’art contemporain en Martinique !

Depuis longtemps, auprès des institutions, les artistes martiniquais appellent de leurs vœux la conception d’un espace muséal pour la création contemporaine. C’est à présent chose faite avec ce nouveau lieu qui représente un long travail de mécénat, en faveur de la création mené par l’homme d’affaire martiniquais, l’esthète, Bernard Hayot.

De nombreux artistes martiniquais parmi les plus grands sont venus saluer cette œuvre.

Pour Habdaphai qui a mené bien des combats pour la reconnaissance des artistes, « C’est un espace que je trouve fantastique, c’est très beau.  C’est un super outil pour les artistes qui vont pouvoir tenir compte de ce que fait la Fondation Clément depuis des années pour valoriser notre travail. Même si nous, les artistes indépendants, avons fait un travail de fond pour faire accepter l’art contemporain, Bernard Hayot qui aime l’art et qui aime beaucoup son lieu, la Martinique, a fait tout un travail de mécénat et le résultat est là ! »

Pour Chantal Charron, le lieu rempli sa vocation muséale,  « C’est un espace magnifique, immense,  qui intègre les œuvres variées et de grandes dimensions, des artistes de la Caraïbe,  avec une lumière parfaite. Là on a une richesse, une chance extraordinaire de pouvoir se sentir ici comme dans les grands musées de Paris ou New York ! »

Selon Ernest Breleur, « Tout le monde se rend compte que c’est un bel espace. Je crois que Bernard Hayot a bouclé la boucle depuis la première galerie, les différents lieux d’exposition, jusqu’à ce lieu d’exposition permanente. Je crois que c’est extrêmement intéressant à la fois pour l’image de son industrie, pour l’image de la Martinique, pour la promotion des artistes de la région caribéenne, ça reste quelque chose de fondamental. Et cette image est dédiée à un rayonnement de la pensée antillaise. De ce point de vue-là, Bernard Hayot en tant que martiniquais a rempli sa mission d’industriel comme on le fait en France. On rêve que d’autres industriels de la Martinique s’y mettent aussi comme ça on aurait une grande diversité de propositions. En tous cas, il est un exemple pour les autres. »

Quant à Raymond Medelice « C’est un espace muséal magnifique, avec un éclairage exceptionnel, on se croirait en plein jour, pourtant il n’y a aucun projecteur visible. Les œuvres sont mises en valeur, la collection est belle et la sélection aussi car toutes les œuvres cohabitent bien ensemble. On ne peut que féliciter cette démarche. Mais il y a avant tout l’homme, Bernard Hayot aurait pu faire autre chose de son argent, mais il aime l’art. C’est formidable nous avons enfin un musée.”

Est-ce aussi, l’œuvre d’une vie en faveur des artistes de la Caraïbe ?

Bernard Hayot répond « Oui c’est un moyen de mettre en valeur les artistes de la Caraïbe. A la Fondation les œuvres de la collection étaient stockées dans un espace adéquat. A partir de maintenant, nous allons les exposer et les changer tous les ans. Je suis très content et très fier des artistes,  c’est un peu l’aboutissement d’un long travail de valorisation.” 

Parmi le public venu en nombre, certains ont dit, «Il n’y a que lui qui remplit cette mission de valorisation et de sensibilisation auprès du public de l’art contemporain de notre région. C’est une œuvre généreuse. Tout le monde est invité lors des vernissages. Les entrées sont gratuites sur le site pour venir visiter les expos… ». Ce soir-là, chacun aurait voulu rendre hommage à Monsieur Hayot.

 


Exposition Roberto Diago, « Un Arte para todos los tiempos », jusqu’au 2 mai 2023.

Extrait du catalogue de l’exposition

« La Fondation Clément accueille la première grande exposition personnelle à la Martinique d’un des plus importants et singuliers artistes cubains de sa génération, Roberto Diago. L’œuvre de Roberto Diago est marquée par un engagement social. Bien qu’il ne se soumette pas à un discours ou à un thème unique, c’est peut-être la dénonciation du racisme qui occupe le plus de place dans l’œuvre picturale et les installations de Roberto Diago. L’artiste défend ses idées à travers ses œuvres qu’elles soient figuratives, sculpturales, photographiques, installations et même à travers ses toiles monochromes, blanches ou noires. Diago sculpte, Diago peint mais il n’oublie jamais le but profond de son art. Il livre sa bataille contre le racisme et les différences. Au premier coup d’œil, on pourrait dire que ces œuvres-là se rattachent à l’art minimal. Oui mais pas seulement. Ses tableaux monochromes sont des métaphores. Diago inscrit sa différence et il est important de souligner cet aspect majeur et original de son œuvre : un tableau de Diago que l’on qualifierait à première vue de minimal parce qu’il est noir ou blanc ne l’est en fait pas car les deux simples taches rouges jetées sur le noir de la toile représenteront le sang versé, ou encore les cordes verticales scindant la blancheur sur d’autre toiles évoqueront les chaines de l’esclavagisme, le racisme. En peu de mots, Diago nous délivre son message avec beaucoup avec force et d’élégance et c’est en somme ce qui fait de son œuvre une œuvre si personnelle. L’exposition présentée aujourd’hui à la Fondation Clément, bien qu’elle n’ait pas été conçue à l’origine comme une rétrospective, jette un regard impartial et assez complet sur plus de 20 ans de carrière de l’artiste. Nous avons le plaisir de présenter des œuvres très anciennes, inédites, datant des années 1990, ainsi que des œuvres récentes qui ne ressemblent guère à celles de sa première période. Dans le même temps, le public aura la chance de pouvoir coexister avec non pas une, mais plusieurs des manifestations et techniques les plus récurrentes dans son œuvre : des œuvres bidimensionnelles, mais aussi des vidéos, des sculptures, des installations et des œuvres graphiques. » Gilbert Brownstone Commissaire de l’exposition


Philippe Pied

 


     


 

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