Le Fonds mondial pour la nature appelle l’ONU à négocier un traité sur le sujet. Les plastiques à usage unique constituent plus de 60 % de la pollution marine.
Déchets sur une plage de Colombo, au Sri Lanka, en juin 2018. Entre 19 millions et 23 millions de tonnes de plastiques arrivent chaque année dans les eaux de la planète, dont une bonne partie finissent en mer.
L’image est parlante : « Du plus petit plancton à la plus grosse baleine », le plastique est omniprésent dans les océans, avertit, mardi 8 février, le WWF. Le Fonds mondial pour la nature rappelle que cette invasion de plastique menace la biodiversité marine et appelle les dirigeants du monde entier à s’engager rapidement vers un traité sur le sujet.
A quelques semaines d’une assemblée environnement de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui pourrait lancer des négociations sur un tel accord, le WWF publie un volumineux rapport sur les impacts de la pollution plastique sur les océans, la biodiversité et les écosystèmes marins. Synthèse des conclusions de plus de 2 000 études scientifiques distinctes sur ces questions.
Premier constat, cette contamination « a atteint toutes les parties des océans, de la surface aux grands fonds marins, des pôles aux côtes des îles les plus isolées ». Entre 19 millions et 23 millions de tonnes de plastiques arrivent chaque année dans les eaux de la planète, dont une bonne partie finissent en mer, selon les estimations. Un danger croissant, même si le WWF reconnaît un manque de données sur d’éventuelles répercussions sur les humains de cette présence de produits aux composants chimiques.
Le nombre de microplastiques devrait doubler d’ici à 2050
Les produits sont pour une bonne part des plastiques à usage unique, que de plus en plus de pays interdisent mais qui constituent toujours plus de 60 % de la pollution marine. Ils se dégradent au fur et à mesure de leur séjour dans l’eau, devenant de plus en plus petits, jusqu’au « nanoplastique », d’une taille inférieure au micromètre (millième de millimètre).
De sorte que, même si plus aucun plastique n’arrivait dans l’océan, le nombre des microplastiques devrait y doubler d’ici à 2050. Or, selon les estimations citées par le WWF, la production de plastique dans le monde devrait doubler d’ici à 2040. Les représentants de l’industrie estiment toutefois probable que la production ralentisse et permette d’éviter ce doublement.
Mais pour Eirik Lindebjerg, responsable du dossier plastique au WWF, « nous atteignons un point de saturation pour les écosystèmes marins qui fait peser une menace non seulement sur des espèces données mais affecte tout l’écosystème ». Au-delà des photos emblématiques de phoques ou de tortues se débattant avec des sacs plastique ou des débris de filets de pêche, c’est toute la chaîne alimentaire qui est affectée. Une étude de 2021 a ainsi répertorié 386 espèces de poissons ayant ingéré du plastique sur 555 testées.
Selon d’autres scientifiques, examinant une des grandes espèces de pêche commerciale, jusqu’à 30 % d’un échantillon de cabillauds pêché en mer du Nord avaient des microplastiques dans l’estomac. Côté harengs, une étude a retrouvé des microplastiques dans 17 % d’un échantillon pêché dans la Baltique.
Les oiseaux sont eux aussi exposés. Dans le nord-ouest de l’Atlantique, 74 % des oiseaux de mer examinés par une étude avaient mangé du plastique ; 69 %, selon une autre étude à Hawaï.
Des limites déjà atteintes en Méditerranée
Eirik Lindebjerg compare la situation à la crise climatique et ses « budgets carbone », quantité maximale de CO2 pouvant être rejetée dans l’atmosphère avant certaines conséquences. « C’est la même chose avec le plastique. Ce que nous montrons dans ce rapport, c’est qu’il y a une limite à la pollution que peuvent absorber nos écosystèmes », poursuit l’expert. Une limite déjà atteinte côté microplastiques en plusieurs points du globe, relève le WWF, notamment en Méditerranée, dans la mer Jaune et et la mer de Chine orientale (entre la Chine, Taïwan et la péninsule coréenne) et dans la banquise arctique.
« Nous devons considérer la question comme celle d’un système fini qui n’absorbe pas le plastique et c’est pourquoi nous devons aller vers zéro émission, zéro pollution, aussi vite que possible », insiste Eirik Lindebjerg. Car chercher à nettoyer les océans est « extrêmement difficile et cher », et il est bien moins coûteux et plus efficace d’agir en amont.
Le WWF en appelle donc au démarrage rapide de pourparlers en vue de l’élaboration d’un accord international sur le plastique. Le sujet sera au menu d’une réunion de l’ONU sur l’environnement, du 28 février au 2 mars, à Nairobi, au Kenya.
L’accord devrait au minimum, selon le WWF, permettre d’établir des standards mondiaux de production et de « recyclabilité » réelle. « Et qui puisse aussi aboutir à la disparition de certains produits dont nous n’avons pas besoin », veut espérer Eirik Lindebjerg.