Béatrice Bellay, première secrétaire de la fédération socialiste de Martinique, se présente aux élections législatives pour la circonscription de Fort-de-France. Forte de ses nombreuses années au sein du Parti Socialiste, elle défend des valeurs d’égalité, de justice sociale et de démocratie. Ayant réussi à se hisser au second tour face à Johnny Hajjar, elle partage ses motivations, ses priorités pour la Martinique et sa vision face aux défis actuels, notamment la montée de l’extrême droite et la vie chère.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Béatrice Bellay, première secrétaire de la fédération socialiste de Martinique et candidate aux élections législatives de la circonscription de Fort-de-France. Je suis membre du Parti Socialiste depuis des décennies, un parti dont les convictions, l’idéologie et la doctrine politique sociale correspondent profondément à mes valeurs. Je me présente à ces élections car je crois fermement que le meilleur moyen de faire vivre la démocratie est de participer activement à ces moments cruciaux. Les élections sont non seulement une demande d’adhésion à une vision, mais aussi une opportunité de construire cette vision avec les citoyens. À l’heure où notre démocratie est menacée par l’arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir, il est essentiel de défendre nos principes démocratiques.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous étiez qualifiée pour le second tour ?

Beaucoup de joie, évidemment. C’était une immense satisfaction car cela signifiait que de nombreux Martiniquais avaient entendu notre message et nos engagements. Ils se reconnaissaient dans nos valeurs et nous offraient une chance de poursuivre notre travail. Cette qualification était une validation de nos efforts et une manifestation de confiance de la part de nos concitoyens.

Que souhaitent, selon vous, les personnes qui vous ont accordé leur confiance ?

Je crois que le vote en faveur de ma candidature exprime une volonté de renouvellement. Monsieur Johnny Hajjar représente le Parti Progressiste Martiniquais, un parti bien établi à Fort-de-France.

“Le soutien que j’ai reçu témoigne donc d’une certaine insatisfaction envers l’actuel statu quo. Les électeurs ont montré leur adhésion à une nouvelle approche du service public, de la mise en œuvre des politiques publiques, et à l’exigence que nous apportons dans l’action publique. Ils souhaitent une manière différente de gouverner, qui soit plus en phase avec leurs attentes et besoins actuels.”

Beaucoup de personnes ont voté le RN en Martinique. Selon plusieurs candidats, la plupart des personnes se tournant vers ce parti se sentent souvent abandonnés par les politiques locales. Est-ce votre avis ?

Le Rassemblement National a évidemment fait une percée lors des élections, mais son propos politique ne semble pas pérenne dans notre contexte. Cela traduit une manifestation de colère. Au premier tour de ces élections, en rencontrant des concitoyens, ceux qui nous disaient qu’ils allaient voter pour le Rassemblement National exprimaient une profonde colère et un sentiment d’abandon. Ils ressentent un abandon de la part de l’État car les politiques publiques nationales ne sont pas plus efficaces que les locales. Beaucoup vivent dans des conditions de précarité, souvent en deçà du seuil de pauvreté, et leur mécontentement se traduit par l’abstention ou un vote punitif en faveur du RN, sanctionnant ainsi les partis gestionnaires locaux et nationaux pour l’inefficacité des politiques publiques à améliorer leur situation.

Si vous êtes élue députée, par où débutera votre travail parlementaire ?

Pour moi, plusieurs domaines nécessitent une vigilance accrue. En ce qui concerne la politique publique liée au législatif, il est crucial d’améliorer notre système éducatif en lui accordant des ressources adéquates. C’est le moyen le plus efficace de former de nouveaux citoyens responsables. La santé est également une priorité : notre système hospitalier souffre d’un manque de moyens, ce qui compromet sa capacité à fournir des soins dignes. En outre, la vie coûteuse est un défi majeur que nous devons affronter. Des efforts ont été entamés il y a une décennie sous la direction du ministre Victorin Nurel et il est impératif de les poursuivre, en collaboration avec le monde économique martiniquais, afin de rendre la vie plus abordable.

Je suis particulièrement préoccupée par la question de la continuité territoriale. La Martinique ne bénéficie pas d’un traitement équitable par rapport à des territoires similaires comme la Corse, qui reçoit plus de deux-cent-vingt millions d’euros pour ses besoins de continuité territoriale. Cette disparité est injuste et va à l’encontre du principe d’égalité républicaine. Enfin, sur le plan économique, il est essentiel que l’État nous soutienne dans le développement de secteurs prometteurs tels que l’économie bleue, qui offre de nombreuses opportunités d’emploi dans des métiers d’avenir. Nous devons investir dans la formation et les compétences nécessaires pour saisir ces opportunités, notamment dans le domaine du nautisme, où la Martinique montre un potentiel dynamique à travers des événements comme la Route du Rhum.

Sur le thème de l’éducation, quelles sont vos perspectives ?

Sur le sujet de l’éducation, nous nous engageons fermement, notamment dans le cadre du programme du Front Populaire, à garantir une éducation gratuite pour les jeunes martiniquais. Il est essentiel que les familles, particulièrement celles monoparentales et à faibles revenus, puissent bénéficier de cette gratuité. Le coût du transport constitue une charge significative pour les parents, avec des abonnements mensuels variant entre 25  et 45 euros. Cela s’ajoute aux dépenses pour les vêtements, les fournitures, et autres biens, qui ont augmenté de quarante pour cent en raison de la vie chère. L’accès à l’éducation représente donc un fardeau financier considérable pour de nombreuses familles, d’autant plus que de nombreuses structures scolaires nécessitent des rénovations, sans compter le besoin urgent d’adaptation aux technologies numériques.

Il est impératif que notre système éducatif redevienne un vecteur de progrès social et d’ascension pour les jeunes, notamment en réponse aux taux élevés de décrochage scolaire. Par ailleurs, il est crucial de soutenir nos enseignants en les recrutant localement et en leur offrant des conditions de travail dignes. Proposer des concours locaux permettrait de retenir les talents locaux et de prévenir l’exil vers la France métropolitaine, une situation qui ne devrait pas être la norme après avoir réussi un concours. En résumé, la réforme de notre système éducatif doit viser à rendre l’éducation accessible à tous, à moderniser nos infrastructures, et à valoriser nos enseignants locaux pour assurer un avenir meilleur pour notre jeunesse martiniquaise.

Beaucoup d’élus ultramarins se battent constamment face à la vie chère en Outre-mer. Pratiquement tous s’accordent pour dire qu’il faut combattre ce problème ensemble, peu importe les opinions. Si vous devenez députée, quel sera votre rôle ?

Je crois qu’il est essentiel d’engager un dialogue ouvert avec les acteurs économiques afin de leur faire comprendre que nous sommes prêts, au sein du Front Populaire, à adopter une position ferme, y compris en utilisant des mesures de blocage des prix si nécessaire. Cependant, nous préférons une approche constructive. Actuellement, la structuration des prix en Martinique est largement artificielle, avec les mêmes acteurs qui multiplient les marges de façon excessive, notamment sur des produits de première nécessité, parfois jusqu’à deux, trois, voire quatre fois le prix réel.

Pour résoudre ce problème, il est impératif de comprendre en détail la manière dont les prix sont déterminés. Nous devons également exiger des entreprises, en particulier celles opérant dans des marchés captifs comme le nôtre, une plus grande transparence sur la formation de leurs prix et de leurs marges. En parallèle, pour lutter contre le coût élevé de la vie, nous devons promouvoir le développement d’une industrie locale. Cela implique que l’État, tout comme les collectivités, joue un rôle de catalyseur en soutenant la création de filières économiques, notamment dans le secteur agricole. Cela nous permettra de réduire notre dépendance aux importations et de renforcer notre économie locale.

Il est également crucial de rappeler à l’État que la forte consommation en Martinique contribue significativement à créer de l’emploi, mais souvent en dehors de notre territoire. Nous devons donc exiger que cette consommation soit mieux canalisée vers la création d’emplois locaux. Cela nécessitera une évaluation approfondie de l’impact économique de notre consommation sur le long terme, ainsi qu’un engagement de l’État à corriger les déséquilibres hérités de la période postcoloniale en nous offrant les moyens de développer notre économie de manière autonome. Une approche collaborative avec les acteurs économiques et un soutien actif de l’État sont essentiels pour résoudre la question de la vie chère en Martinique et pour permettre un développement économique durable et équitable.

Comment envisagez-vous de tirer parti de la position géographique privilégiée de la Martinique pour renforcer les échanges commerciaux avec le bassin caribéen ?

Notre position géographique privilégiée englobe non seulement le bassin caribéen mais aussi le bassin américain. Pour tirer pleinement parti de cette situation, il est crucial, tant au niveau national qu’européen, d’établir des systèmes d’équivalence et de normes harmonisées avec les produits en provenance d’Amérique du Sud et d’Amérique du Nord.

La Caraïbe représente notre bassin géographique et spatial, avec lequel nous devons renforcer nos dialogues et nos échanges. Je m’engagerai à promouvoir le développement de normes et de certifications équivalentes, comme cela est déjà le cas pour certains produits biologiques en provenance du Chili, voire parfois de Chine.

Il n’y a aucune raison valable pour ne pas élargir ces équivalences à d’autres domaines et produits. C’est un aspect sur lequel je mettrai également un point d’honneur à travailler et à défendre.

Propos recueillis par Thibaut Charles

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