Fin des cycles horaires illisibles, simplification de la procédure pénale… Clôturant le Beauvau de la sécurité, le chef de l’Etat a répondu aux revendications des forces de l’ordre.

Par Antoine Albertini

Pour Le Monde

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Emmanuel Macron, président de la république, donne le discours de clôture et les conclusions du Bauveau de la Sécurité à l’Ecole nationale de Roubaix, mardi 14 septembre 2021 – 2021. JEAN CLAUDE COUTAUSSE POUR “LE MONDE “

En concluant, depuis Roubaix (Nord), sept mois de travaux du Beauvau de la sécurité, Emmanuel Macron n’a pas seulement entendu reprendre la main sur le dossier sécuritaire. Il a aussi, à l’occasion d’un véritable inventaire à la Prévert, coché toutes les cases ou presque des revendications policières, jusqu’à susciter l’engouement de Fabien Vanhemelryck, patron du syndicat Alliance, notoirement critique à l’endroit du président de la République. « C’est conforme à nos attentes, il a répondu à toutes nos sollicitations, on dit banco », s’est félicité sans détour le leader syndical, sitôt achevée la déclaration présidentielle.

« C’est vrai, c’était un discours globalement séduisant », renchérit Patrice Ribeiro, responsable du syndicat d’officiers Synergies, par ailleurs satisfait de l’abandon du projet de création d’une instance de contrôle indépendante des forces de l’ordre – une idée pourtant avancée par Gérald Darmanin au cours du Beauvau de la sécurité. Des annonces appréciées, donc, « à condition, toutefois, de se montrer vigilant sur [leur] mise en œuvre, tempère Matthieu Valet, du Syndicat indépendant des commissaires de police. Car les promesses n’engagent que ceux qui y croient, surtout en période électorale. »

« Plus de bleu sur le terrain », simplification de la procédure pénale, crédits en nette augmentation, garde-robe policière remise au goût du jour… Le président de la République n’a laissé aucune question sans réponse, au risque de la contradiction. Parmi les rares voix à dénoncer un « pur discours de campagne », Anthony Caillé, secrétaire national de la CGT-Police, fustige un « président qui veut simplifier la procédure pénale pour libérer du temps de travail et généralise l’amende forfaitaire délictuelle aux occupations de terrain illicites par les gens du voyage et aux gamins qui squattent les halls d’immeuble, une tâche qui va occuper les policiers pour peu de résultats. »

Si la fin de cycles horaires « illisibles »constitue en soi une décision bénéfique – et attendue –, plusieurs mesures annoncées par le président de la République ne manqueront pas, en outre, de se heurter au principe de réalité. A commencer par la formation des gardiens de la paix, portée à douze mois dès le 1er janvier 2022, et qui pourrait inclure la préparation au concours d’officier de police judiciaire, lequel nécessite cinq mois de cours. « C’est un examen très difficile, pas toujours à la portée d’un élève de 19 ou 20 ans sans bagage universitaire, et il réduirait à sept mois le temps d’école, au détriment d’autres apprentissages plus utiles aux gardiens de la paix à ce stade de leur carrière », décrypte une source syndicale.

Oubliée, la question du lien entre police et population

« N’empêche, estime Grégory Joron, patron d’Unité SGP-Police FO, majoritaire. Sur le fond comme sur la forme, entre les mesures budgétaires et l’affirmation de son soutien aux forces de l’ordre, il n’y a pas grand-chose à redire. Même s’il faudra sans doute des aménagements techniques et, aussi, penser aux personnels administratifs comme aux policiers adjoints. »

Afin de déminer le terrain, éléments de langage et primeur des annonces présidentielles avaient été distillés aux syndicats à l’occasion d’un dîner, lundi soir, dans les jardins de la place Beauvau, en présence du ministre de l’intérieur. Cet « effort bienvenu de courtoisie républicaine », selon un participant, est venu anticiper mais aussi compléter le train de mesures présidentielles par des « pistes de réflexion »relatives à plusieurs revendications « techniques » formulées de longue date par les organisations professionnelles.

Parmi celles-ci, la lancinante question des carrières au sein du corps d’encadrement et d’application, qui regroupe les grades les moins élevés de la police – et les moins susceptibles de progresser dans la hiérarchie. Soumises à un numerus clausus, ces règles d’avancement, qui freinent considérablement – quand elles ne l’empêchent pas purement et simplement – la carrière de certains fonctionnaires, pourraient ainsi être « décloisonnées ».

« Le président et le ministre ont le mérite d’apporter des réponses à des questions posées depuis très longtemps, souffle un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur.Mais dans ce cas, à quoi a bien pu servir le Beauvau de la sécurité ? » Initialement envisagé comme un aggiornamento de la police, le processus de consultation s’est conclu avec près de deux mois de retard sur le calendrier prévu, officiellement en raison des restrictions sanitaires d’avril-mai puis de la période de réserve électorale avant les régionales du mois de juin.

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L’exercice n’aura finalement laissé aucun espace à l’expression de la société civile, aura à peine abordé la problématique du lien entre police et population, et renvoyé aux calendes grecques la profonde réforme de l’institution qu’il se promettait de mener à bien. Mais sa conclusion a pleinement satisfait les syndicats, indispensables relais du pouvoir au sein d’un corps dont plus de huit fonctionnaires sur dix sont encartés.

Antoine Albertini

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