Eruption de mai 2015 du Piton de la Fournaise

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Le célèbre Piton de la Fournaise (île de la Réunion) entre régulièrement en éruption, une nouvelle occasion pour que les curieux de se presser pour admirer l’évènement. Si le risque est plutôt bien encadré et géré par les autorités, certaines précautions sont à prendre pour profiter au mieux de ce spectacle exceptionnel.

Situé sur l’île de la Réunion (Océan Indien), le Piton de la Fournaise, un bouclier basaltique, est né il y a environ 530 000 ans. Il forme, avec son aîné le Piton des Neiges (3071 m, point culminant de l’océan indien), le massif volcanique de La Réunion une île entièrement volcanique de 3,5 millions d’années qui résulte de l’activité d’un puissant point chaud[1].

Du haut de ses 2 632 mètres d’altitude, le Piton de la fournaise, un volcan effusif[2] au sud-est de l’île, est l’un des plus actifs au monde avec plus de 200 éruptions en seulement 350 ans. Il suscite à la fois la fierté et la curiosité de ses 800 000 habitants, qui se rassemblent nombreux pour assister à ses éruptions. Il est étroitement surveillé depuis la terrible éruption de 1977[2] par l’un des plus importants observatoires volcanologiques au monde : l’observatoire volcanologique de La Réunion qui réunit des dizaines de chercheurs et ingénieurs passionnés et dévoués 24h/24h.

Une centaine d’instruments prennent littéralement le pouls du volcan : trémors volcaniques, sismiques, déformations du sol, composition chimique de l’air et des laves… Et depuis maintenant près d’un mois, ils enregistrent un regain d’activité notable.

Déjà 4 éruptions depuis le début de l’année 2015

 

D’après les 40 dernières années d’observation du volcan, il y a une éruption tous les 18 mois en moyenne. Or, depuis fin 2014, le Piton de la Fournaise connaît un regain d’activité : 5 éruptions se sont déjà succédé dont une qui est encore en cours depuis le 24 août 2015. Des fontaines de lave dont la hauteur est estimée entre 100 et 250 m jaillissent du nouveau piton qui s’est formé au sud-est du piton de la Fournaise en seulement 4 semaines.

l’augmentation de l’activité sismique constatée le 1er février 2015, le Piton de la Fournaise est entré en éruption le mercredi 4 février à 11h (heure Réunion). L’éruption s’est achevée 12 jours plus tard en soirée.

Cette activité est exceptionnelle depuis 2007[3], alors que le volcan connaissait sa plus forte éruption depuis au moins un siècle, avec l’émission de 220 millions de m3 de lave !

Les volumes de lave qui sont émis ces derniers mois sont variables : de 0,4 millions de m3 à 9 millions de m3 pour la dernière avec un flux de lave stabilisé à environ 5 à 10 m3/s[4] (contre 60 m3/s dans les premiers instants de l’éruption). A ce titre, la déformation du volcan et la remontée de magma vers la surface est continue depuis près d’un mois, ce qui n’était pas le cas lors des précédentes éruptions de l’année 2015.

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Philippe Kowalski montre l’arrivée de l’éruption du 24 août 2015 enregistrée par les instruments de surveillance.

© C. Magdelaine / notre-planete.info

Actuellement, un seul cône du volcan est actif. D’une hauteur de 25 mètres, il abrite un petit lac de lave qui s’épanche par un tunnel formant une coulée principale. La coulée, bien visible du Piton de Bert, semble se stabiliser à 3 kilomètres de la faille.
Il faudrait un débit plus important pour que la coulée atteigne les grandes pentes, il n’y a donc pas de risque pour l’instant que la route des laves soit coupée. Les coulées sont principalement composées de laves lisses (pahoehoe) émises par des bouches éphémères présentent sur la zone du champ de lave refroidi en surface (tunnels).

Comment expliquer ce regain d’activité ? Les scientifiques avancent prudemment une hypothèse : “Le magma primitif, plus chaud, remonte d’une grande profondeur d’environ 20 km. Il pousserait celui qui est déjà stocké dans de petites pochettes sous la surface. Sous lapression, celles-ci se vidangent en surface sous la forme d’éruptions fissurales.” nous explique Nicolas Villeneuve, chercheur et directeur de l’observatoire. Il s’agirait donc d’un cycle relativement classique.

Combien de temps peut encore durer cette éruption ? Impossible à prédire ! l’éruption actuelle peut s’arrêter dans quelques jours comme durer plusieurs années comme ce fût le cas dans le passé. En général, une éruption dure de un à quelques jours, la situation actuelle est donc exceptionnelle.

“Au matin du vendredi 2 octobre à 7h00 (quarantième jour d’éruption) l’éruption se poursuivait. Le niveau d’activité reste comparable à celui enregistré les jours précédents”, indique l’observatoire volcanologique de La Réunion.

Le 19 octobre 2015, le trémor s’est brutalement arrêté puis a repris progressivement le 22 octobre alors que l’activité effusive avait cessé. Cependant, il y a toujours des projections de lave associées à de petites explosions à l’intérieur de l’évent.

Au final, “le 31 octobre 2015 après un peu plus de 67 jours d’activité, l’éruption qui a débuté le 24 août 2015 à 18h50 s’est arrêtée dans sa phase effusive. Le 17 novembre 2015, la préfecture de La Réunion a communiqué sur la fin officielle de l’éruption et le retour à la phase de vigilance.” a précisé l’observatoire.

Septembre 2016 : nouvelle éruption

Après une crise sismique débutée à 7 h 35 (heure locale), l’éruption a débutée à 8 h 41 (heure locale) le 11 septembre 2016. Le flanc nord du Piton de la Fournaise connaît une nouvelle éruption depuis le 11 septembre 2016 : une faille s’est ouverte déversant des coulées de lave et laissant jaillir une dizaine de fontaines de lave de 15 à 30 m de haut, se répartissant sur plusieurs centaines de mètres et visibles du Pas de Belcombe.

Février 2017 : nouvelle éruption modérée

Après un mois de janvier 2017 calme, le gonflement du volcan et la sismicité volcano-tectonique superficielle (0 à 2 km de profondeur) ont repris de manière significative depuis le 22 Janvier. Ceci “montre que les apports profonds de magma ont repris et viennent alimenter le réservoir superficiel situé aux alentours de 1,5 à 2 km de profondeur sous les cratères sommitaux”, note l’observatoire volcanologique de La Réunion.

En effet, le 1er février 2017, un évent éruptif d’une dizaine de mètre de hauteur d’où s’échappe des fontaines de lave de 20 à 30 mètres de haut a été observé. L’éruption a débuté le 31 janvier 2017 à 19h40.

2019 : nouvelles éruptions

Après des éruptions en février, mars puis juin 2019, le Piton de la Fournaise, est de nouveau entré en éruption lundi 30 juillet vers 12h00 heure locale : “Suite à la crise sismique débutée ce jour le 29/07/2019 à 05h13 heures locale, le trémor volcanique, synonyme d’arrivée du magma à proximité de la surface, est enregistré depuis 12h00” peut-on lire sur le site internet de la préfecture.

 

Année 2020 : 3 éruptions

Le volcan a connu 3 éruptions cette année :

Le piton de la Fournaise est entré en éruption lundi 10 février à 10 h 50. Des fissures éruptives d’un kilomètre de long étaient visibles sur le flanc Est du cône terminal à 2 000 mètres d’altitude précise l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise.

Jeudi 2 avril 2020, après la détection de plus de 90 séismes volcano-tectoniques superficiels entre 8h15 et 8h51 heure locale, vers 12h20, un trémor volcanique a été enregistré, suivi d’une coulée de lave sur le flan Est du volcan.

La 3e éruption de l’année (4 décembre) s’est manifestée par des fissures éruptives sur le flanc ouest du massif volcanique. La lave est désormais visible depuis l’un des sentiers de randonnées en périphérie de l’enclos mais aussi sur la webcam en direct et en full HD, du Piton de La Fournaise actualisée toutes les demi-heures.

Le préfet de La Réunion a déclenché la phase d’alerte 2-2 “éruption en cours dans l’enclos Fouqué” du dispositif Orsec volcan, ce vendredi à 15h. L’accès du public à l’enclos, depuis le sentier du Pas de Bellecombe ou depuis tout autre sentier est interdit jusqu’à nouvel avis.

Année 2021 : deux éruptions pour le Piton de la Fournaise

Le 9 avril 2021, après plus de 700 séismes volcano-tectoniques superficiels, le Piton de la Fournaise est entré en éruption à l’intérieur de la caldera de l’Enclos Fouqué.

 

<22 décembre 2021, le volcan est entré en éruption pour la deuxième fois de l’année pendant cinq jours. Trois fissures éruptives se sont ouvertes dans l’enclos et sont visibles depuis le Piton de Bert.

La gestion du risque volcanique sur le piton de la fournaise

L’île de la Réunion compte déjà plus de 800 000 personnes. Or, chaque éruption volcanique suscite la curiosité des habitants, sans compter les centaines de milliers de touristes qui se rendent sur l’île chaque année. Les premières heures d’une éruption sont donc l’occasion d’un cortège interminable de voitures (jusqu’à 6 000 par nuit et des kilomètres de bouchon) pour se rendre aux parkings d’où partent des sentiers pour se rendre au plus près de l’évènement Résultat : des embouteillages (le premier date de 1961) avec des personnes bloquées des heures en altitude.

Ainsi, la 4e éruption du volcan a entraîné le déclenchement de l’alerte 2-2 du plan « ORSEC Volcan » qui mobilise 7 pompiers et un infirmier déployé sur site avec un Poste Médical Avance, nous montre l’Adjudant chef Gironcel qui ajoute : “Ici, on y soigne surtout des bobos de randonneurs mal préparés, y compris des hypothermies, car avec 2 300 m d’altitude, les nuits sont fraîches“. Et c’est surtout la nuit que les imprudents, venus admirer le spectacle de la lave jaillissante du piton, risquent le plus. Malgré tout, les badauds sont plutôt bien équipés et les interventions médicales se limitent à seulement quelques unes par jour, conclut le pompier.

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Poste médical avancé au piton de la Fournaise, un bon moyen de sécuriser et de rassurer les personnes qui se rendent au volcan.

© C. Magdelaine / notre-planete.info

A chaque nouvelle éruption, l’observatoire volcanologique de La Réunion est submergé d’appels téléphoniques : “jusqu’à 700 par jour” nous explique Philippe Kowalski, ingénieur en électronique et directeur adjoint de l’observatoire : médias, grand public, autorités… tout le monde s’intéresse aux moindres soubresauts du volcan. Sauf que la situation devient vite ingérable.

Pourtant, le risque volcanique semble relativement faible : les autorités veillent à sécuriser le site lorsque les volcanologues lancent l’alerte et le volcan se caractérise par des coulées de lave qui avancent relativement lentement (environ 2,5 km/h au niveau du front de la coulée). Mais le massif volcanique est parcouru par des failles et des fissures qui ne sont pas visibles en surface et qui peuvent, à tout moment, apparaître à plusieurs centaines de mètres et engloutir une personne (ce fût le cas en 2003), voir un village (le village de Bois Blanc a été évacué par précaution en 2002).

De surcroît, si les éruptions actuelles se cantonnent en ce moment dans une zone appelée l’Enclos qui entoure le piton de la fournaise sur un rayon de quelques kilomètres, 8 éruptions ont eu lieu hors de cette zone en 3 à 4 siècles. Pire, une éruption au centre de l’île n’est pas impossible puisque, sa période de retour est d’un millénaire. Or “la dernière de ce type est justement arrivée il y a environ 1000 ans, après ce ne sont que des statistiques“, nous indique Philippe Kowalski. L’enjeu est toutefois important puisque 150 000 personnes y sont exposées et que la population de l’île ne cesse d’augmenter[5].

Mais au quotidien, c’est la foule de curieux qui pose le plus grand défi : si les autorités sont plutôt prudentes et ferment les accès à la caldeira sous l’avis de l’observatoire, la pression touristique pour admirer le volcan est telle qu’en décembre 2014, l’enclos a été réouvert alors que le risque était toujours présent, déplore Nicolas Villeneuve. Néanmoins, il tempère : “en général, la préfecture est particulièrement attentive aux recommandations de l’observatoire“.

Ce qui est plus troublant, ce sont les actes réguliers de vandalisme à l’accès qui mène à l’Enclos et la défiance de certaines personnes envers le travail des scientifiques de l’observatoire. Certains aimeraient pouvoir prendre le risque et avoir la liberté de s’approcher toujours plus près…

Un spectacle familial et sécurisé

Entre la première activité économique de l’île, le tourisme, et la prise en compte du risque, le compromis n’est pas toujours évident. Toujours est-il que l’île de la Réunion bénéficie de conditions très avantageuses pour observer sereinement l’un des plus impressionnants spectacles sur Terre : le volcan est très bien surveillé et encadré (sentiers balisés, accès dangereux fermé…) de sorte qu’avec quelques précautions liées à l’altitude, toute la famille peut apprécier cet évènement, même de loin !

 

<Fournaise démarrée le 24 août 2015 avec des vidéos prises sur site, au plus près, le 17 octobre 2015

Matthieu Ballanger, accompagnateur en moyenne montagne spécialisé dans le volcanisme, nous conseille d’ailleurs de venir plutôt quelques jours après l’entrée en éruption du volcan. En effet, la foule est moins nombreuse, on évite les embouteillages et donc les conditions d’approche sont plus faciles. Le paysage qui nous y attend est tout simplement extraordinaire ; pas étonnant que certaines scènes du film la Planète des Singes y furent tournées.
La valeur ajoutée d’un guide est d’ailleurs essentielle pour bien comprendre la dynamique du phénomène tout en profitant de conseils avisés pour la sécurité de tous. Les plus fortunés pourront également profiter d’un survol en hélicoptère, époustouflant mais peu respectueux de la quiétude de lieux.

On ne peut absolument pas en dire de même pour d’autres régions volcaniques comme l’Indonésie où les touristes peuvent sans difficulté se rendre seuls et sans équipement sur des cratères actifs en état d’alerte très élevé : un risque inconsidéré et sérieux.

Notes

  1. Un point chaud naît de la présence inhabituelle de matériel mantellique profond et chaud à la base de la lithosphère. Une telle anomalie thermique est générée par l’ascension vers la surface de remontées mantelliques sous la forme d’un panache. L’île de la Réunion est ainsi née d’éruptions volcaniques successives, formant une montagne de 7 km d’altitude dont 3 sont situés au-dessus du niveau de la mer, c’est la deuxième plus “haute” montagne sous-marine du globe, après Hawaï. Ce point chaud est à l’origine, bien des années auparavant, des trapps du Deccan en Inde, des Maldives ou encore de l’île Maurice.
  2. Une partie du village de Piton Ste Rose a été détruit.
  3. Les années 1890, 1985 et 1986 ont connu 5 éruptions par an.
  4. Le débit moyen des éruptions depuis 1931 est d’environ 0,3 m3/s.
  5. En 1941, il n’y a avait que 240 000 habitants sur l’île, près de 4 fois plus actuellement
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