Observatoire des inégalités.
QUESTIONS CLÉS 4 mai 2021
Les inégalités environnementales, on en parle beaucoup, mais on en donne rarement la définition. Un essai d’éclaircissement, sur une notion qui peut prendre plusieurs formes.
L’expression « inégalité environnementale » peut se diviser en deux dimensions complémentaires. Une dimension territoriale : les inégalités environnementales, à un moment donné, en fonction du lieu où l’on se trouve. Une dimension temporelle : les inégalités environnementales dans le temps, entre générations. Essayons d’y voir plus clair.
L’environnement, au fond, qu’est-ce que c’est ? Le mot vient du latin virare (qui a aussi donné le mot « virage » par exemple). C’est ce qui est autour de nous : là où nous vivons, nous travaillons, etc. C’est de l’air, de l’eau, des sons, des paysages, etc. On peut y ajouter la notion de danger : être dans un lieu plus ou moins exposé à un risque naturel ou industriel (tempête, pollution, etc.). L’environnement comprend aussi l’ensemble des ressources naturelles, des sources d’énergie aux minerais en passant par les animaux et les végétaux.
Première dimension : une inégalité environnementale, c’est être situé, à un moment donné, dans des environnements de valeur inégale. Vivre au bord de la mer, à côté d’un incinérateur ou d’une centrale nucléaire, travailler dans un bureau ou dans une usine avec des produits chimiques, cela n’a pas les mêmes conséquences sur la santé et le bien-être. Pour que l’on puisse parler « d’inégalité », il faut pouvoir hiérarchiser ces environnements. Ce qui est plus ou moins objectif. Par exemple, si le niveau de bruit est facilement mesurable, le seuil de la nuisance dépend aussi des personnes. Idem pour la température ambiante. Le degré de risque – par exemple vivre à quelques kilomètres d’une centrale nucléaire – est difficile à apprécier.
Attention : il faut distinguer ce qui relève de l’inégalité d’exposition (à la pollution ou à un risque, par exemple) et l’inégalité face aux conséquences de cette exposition. Habiter au bord d’une route mais avoir ou non un double ou triple vitrage, cela change beaucoup de choses. Les catégories les plus favorisées ont souvent les moyens de réduire les conséquences des inégalités environnementales. Une partie de ces dernières sont en fait des inégalités sociales, qui font qu’on subit plus ou moins les conséquences des problèmes environnementaux.
La deuxième dimension des inégalités environnementales, c’est l’évolution de l’environnement dans le temps. Il s’agit d’inégalités entre générations. On en parle souvent pour alerter de l’impact de nos modes de vie actuels sur l’environnement de demain. Par exemple, pour signaler que les rejets dans l’atmosphère de gaz à effets de serre vont élever le niveau des températures, ce qui rendra invivables certains territoires et en inondera d’autres. Ou que si l’on consomme toutes les énergies dites « fossiles » (celles qui ne se renouvellent pas), il n’en restera rien pour les générations suivantes.
Quand on parle d’inégalités environnementales, il faut donc préciser de quelle dimension on parle, dans l’espace ou le temps. Remarquons que ces deux dimensions se complètent et ne s’opposent pas. Demain – donc, notre seconde dimension –, il est possible que l’environnement des territoires qui sont déjà les plus dégradés aujourd’hui – première dimension – se dégrade encore plus. Enfin, il est très difficile de séparer inégalités environnementales et inégalités sociales, tant elles sont imbriquées : revenus et diplômes protègent beaucoup des nuisances. Avec une certaine limite : si nous consommons un jour toutes les ressources de la planète, sauf à migrer sur une autre, même les plus favorisés seront concernés.
Inégaux dans la dégradation de l’environnement |
---|
À côté des inégalités environnementales, il existe des inégalités dans la responsabilité de la dégradation de l’environnement. Par exemple, la puissance des véhicules, donc l’ampleur des rejets nocifs dans l’atmosphère, est liée aux revenus. Les plus riches portent une responsabilité plus grande dans certaines pollutions. D’une manière globale, les habitants des pays riches, par leur mode de vie, consomment plus de ressources naturelles et émettent plus de gaz à effet de serre que les habitants des pays pauvres. Parfois même, les premiers exportent leur pollution chez les seconds. Pensons par exemple aux vêtements ou aux composants électroniques de nombreux objets achetés par les habitants des pays riches : en sous-traitant la production de ces objets et le stockage des déchets à des pays aux normes sociales et environnementales moins strictes, nous nous exonérons de leurs nuisances, que nous transférons aux travailleurs et aux habitants voisins de ces industries. Au fond, il s’agit ici de désigner les responsables des inégalités environnementales, et non plus d’en exposer les conséquences. |
Photo / CC by Christian Ferrer Wikimedia