Le MI6 compte opérer un « espionnage vert » pour vérifier que les plus grands pollueurs du monde réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Premier dans le viseur des services secrets britanniques : la Chine.

Édimbourg (Écosse), correspondance

Dimanche 25 avril, Times Radio recevait un invité de marque : Richard Moore, le directeur du MI6 (pour Military Intelligence, section 6), l’équivalent outre-Manche de notre Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Après avoir longuement discuté de l’Afghanistan, de Daech et des troupes russes en Ukraine, le chef du service de renseignements extérieurs britannique a évoqué, dans les dernières minutes de l’interview, l’urgence environnementale : « Quand des personnes s’engagent sur le sujet du changement climatique, notre travail est de nous assurer que ces mêmes personnes mettent bien tout en œuvre pour respecter leurs engagements. »

Richard Moore a assuré vouloir « faire la lumière sur des pratiques que certains préféreraient garder discrètes ». Dans le viseur de cet « espionnage vert » ? La Chine, désignée par le patron du MI6 comme « le plus grand émetteur mondial » de gaz à effet de serre. La Chine est effectivement en haut du classement des pays les plus pollueurs, selon un rapport de 2020 réalisé par l’Union européenne ; le Royaume-Uni étant classé dix-septième en 2019.

Contacté au téléphone par Reporterre, Tom Burke, président de E3G, un think tank indépendant sur le dérèglement climatique, assure que ces déclarations n’ont rien d’étonnant : « Cela fait vingt ans que l’armée, aux côtés des scientifiques, se préoccupe du dérèglement climatique », ajoutant que le réchauffement de la planète représentait, sans aucun doute, « une menace pour la sécurité globale ».

Le militant écologiste se félicite d’ailleurs de cette initiative : « Il y a aujourd’hui beaucoup de scepticisme quant à la volonté de la Chine de réellement mettre en œuvre des politiques de lutte contre le réchauffement climatique. Je pense que cette inspection permettra de rétablir une certaine confiance entre les pays. »

Une surveillance à distance

Sur les méthodes employées pour mettre en place ce contrôle, le chef du MI6 est resté vague. À la question du journaliste « Des agents vont-ils être placés dans des champs à côté des usines afin de mesurer leurs émissions ? », Richard Moore a répondu dans un sourire : « J’aime beaucoup l’image, mais je crains que cela ne soit pas exactement nos méthodes. »

Pour Tom Burke, cette surveillance se fera à l’avenir à distance, via des moyens technologiques sophistiqués. Pour le moment, peu d’outils sont à disposition pour vérifier que les pays tiennent bien leurs engagements en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Aux États-Unis, l’ancien vice-président Al Gore a récemment lancé, avec d’autres organisations, le Climate TRACE (pour Tracking Real-time Atmospheric Carbon Emissions), un nouvel outil permettant de suivre à distance et en temps réel les émissions de gaz à effet de serre sur toute la surface du globe. Ce nouvel instrument de contrôle s’appuierait sur des images satellitaires, l’intelligence artificielle et plusieurs autres technologies complémentaires. L’équipe de Climate TRACE espère pouvoir lancer la première version de l’outil à l’été 2021.

Air pollué à Ningbo, en Chine, en 2013.

Les déclarations du chef du MI6 interviennent dans un contexte géopolitique particulier. Quelques jours avant l’interview de Richard Moore, Boris Johnson avait lui-même annoncé, mardi 20 avril, de nouveaux objectifs climatiques ambitieux pour son pays. Le Premier ministre britannique déclarait que le Royaume-Uni s’engageait à réduire ses émissions de 78 % d’ici à 2035, par rapport à leur niveau de 1990. Ce nouveau cap vient s’ajouter à celui établi en décembre 2020, qui visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 68 % d’ici à 2030.

De l’autre côté de l’Atlantique, le président américain Joe Biden a affirmé jeudi 22 avril, lors d’un sommet mondial sur le climat, que les États-Unis réduiraient leurs émissions de gaz à effet de serre d’« au moins 55 % » d’ici 2030, en comparaison du niveau des émissions de 2005. Il s’agit d’une avancée significative : lors de l’Accord de Paris, les États-Unis s’étaient engagés à réduire leurs émissions de 26 à 28 % d’ici à 2025 par rapport à 2005.

À l’occasion de ce sommet, la Chine, elle, a déclaré pour la première fois vouloir réduire son usage de charbon à partir de 2025, et a réitéré son engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.

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