Le Parlement a adopté, mardi, un projet de loi créant un statut unique pour ces professionnels. Artisans, commerçants, professions libérales… ils représentent trois millions de personnes en France.

Le Monde avec AFP

C’était une attente forte des quelque trois millions de travailleurs indépendants français : le Parlement a définitivement adopté, mardi 8 février, un projet de loi visant à « mieux les protéger » et à « faciliter leur vie ».

Le texte de compromis, auquel ont abouti députés et sénateurs en commission mixte paritaire, a été voté dans la journée par le Sénat à l’unanimité des suffrages exprimés, puis, en soirée, par l’Assemblée nationale, également à l’unanimité des suffrages exprimés. Dans les deux chambres la gauche s’est abstenue, jugeant le texte « insuffisant ».

Le projet de loi crée un statut unique pour les indépendants – artisans, commerçants, professionnels libéraux… –, qui opère une distinction entre leur patrimoine professionnel et leur patrimoine personnel. Les biens personnels seront désormais par défaut insaisissables en cas de faillite, alors qu’aujourd’hui seule la résidence principale est protégée.

Cette mesure, qui déroge au principe juridique de l’unicité des patrimoines, était une demande de longue date de ces travailleurs, dont l’activité fait par nature face à des risques importants, mis brutalement en lumière par la crise sanitaire du Covid-19. Elle entrera en vigueur trois mois après la promulgation de la loi.

Vigilance à l’égard des banques

La rapporteure au Palais-Bourbon, Marie-Christine Verdier-Jouclas (La République en marche, Tarn), s’est félicitée de voir aboutir « un texte attendu par trois millions d’entrepreneurs ». « Il ne faut pas néanmoins en attendre des miracles, car les créanciers les plus importants, notamment les banques, continueront d’exiger des sûretés spéciales sur certains biens de l’entrepreneur, y compris ses biens personnels », a toutefois mis en garde le rapporteur du texte au Sénat Christophe-André Frassa (Les Républicains, Français établis hors de France). « Nous attendrons des établissements bancaires de prendre toute responsabilité dans la mise en œuvre de cette réforme, nous allons être très vigilants (…) », a promis le ministre des petites et moyennes entreprises, Jean-Baptiste Lemoyne.

L’attitude des banques est aussi « un point de vigilance » relevé par le secrétaire général du Syndicat des indépendants (SDI), Marc Sanchez, qui a salué dans le projet de loi « un saut décisif pour l’amélioration du statut des entrepreneurs individuels ainsi que de leurs situations sociale et fiscale ».

Le projet de loi constitue « la pierre angulaire » du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le président, Emmanuel Macron, le 16 septembre 2021, selon Jean-Baptiste Lemoyne. Il s’articule avec un volet budgétaire voté en fin d’année, pour faciliter les cessions d’entreprises, trop peu nombreuses en France lors du départ à la retraite d’un entrepreneur, grâce à des exonérations de taxation de la plus-value.

Une allocation en cas de cessation d’activité

Autre mesure-phare du texte : les conditions d’accès à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), jugées trop contraignantes, sont élargies à toute cessation totale et définitive d’activité qui n’est pas économiquement viable. « Pour estimer si l’activité n’est pas viable, on va regarder s’il y a une baisse de revenu d’au moins 30 % », a précisé M. Lemoyne.

Contrairement aux salariés, les indépendants ne peuvent en effet pas toucher le chômage. Depuis 2019, ils peuvent bénéficier de l’ATI, d’un montant forfaitaire de 800 euros par mois pendant une période maximale de six mois, mais seulement en cas de liquidation ou de redressement.

La réforme prévoit par ailleurs de doubler le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprises de moins de dix salariés et vise à réduire de 30 % le tarif de l’assurance facultative AT-MP (accidents du travail-maladies professionnelles).

Selon une étude qui vient d’être publiée par l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), réalisée à l’automne 2021 par OpinionWay auprès de 1 149 entrepreneurs indépendants, 93 % d’entre eux estiment « urgent » de faire converger leurs droits sociaux vers ceux des salariés. Environ 59 % veulent prioritairement des droits au chômage et 49 % souhaitent avant tout une meilleure couverture des risques professionnels.

A la fin de janvier, le gouvernement a annoncé des aides financières supplémentaires pour certaines catégories d’indépendants touchés par la crise sanitaire.

Le projet de loi avait été initialement porté par Alain Griset, alors ministre chargé des petites et moyennes entreprises ; mais il a démissionné en décembre 2021 à la suite de sa condamnation pour déclaration incomplète de patrimoine. M. Griset, qui, avant de devenir ministre, avait exercé pendant plus de trente ans la profession de chauffeur de taxi, répondra par ailleurs, le 25 mai, devant le tribunal correctionnel de Lille, d’« abus de confiance » aux dépens de la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord.

Le Monde avec AFP

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