Immense ferveur pour l’accompagner à sa dernière demeure.

Samedi 5 Février, ont eu lieu les obsèques civiles d’Armand Nicolas qui s’est éteint à l’âge de 97 ans, au lendemain de son anniversaire. Elles se sont déclinées en deux temps forts ordonnancés selon la volonté de notre camarade qui voulait faire de ses funérailles un évènement politique et culturel.

Une foule nombreuse pour ce dernier hommage

La première séquence s’est déroulée en l’espace funéraire où plusieurs centaines de Martiniquais venus des différents coins de l’île se sont rassemblés dans la salle omni-culte pour rendre un dernier hommage à celui qui a si fortement marqué la Martinique de son empreinte.

Très tôt, ce matin-là, ils s’était massés devant la salle omniculte de la Joyau pour rendre un dernier hommage à celui qui a été le secrétaire général du Parti communiste martiniquais et a subi les foudres de la justice pour avoir dénoncé les tares du système colonial, le professeur émérite, l’élu qui a accompli un travail considérable au Conseil régional de 1983 à 1992. Mais, ce jour-là, nos compatriotes étaient aussi venus rendre hommage à celui qui est unanimement reconnu comme étant l’éveilleur de la conscience du peuple martiniquais et le père du “22 mé”, désormais notre fête nationale.

Gertrude Sénin chante en hommage à Armand

Au milieu de la foule, les militants et sympathisants du Parti communiste martiniquais se distinguaient avec leur teeshirt à l’effigie de celui qui a révélé au peuple martiniquais sa véritable histoire. Outre la présence de sa fille Isabelle qui a fait preuve d’un grand courage et de ses deux fils venus de France, plusieurs personnalités politiques avaient tenu à témoigner leur reconnaissance à l’égard de notre camarade. Parmi eux, Emmanuel Béné représentant le Parti communiste guadeloupéen, Alfred Marie-Jeanne, l’ancien président du Conseil exécutif de la CTM, et son successeur Serge Letchimy, les maires de Fort- de-France, de Saint-Joseph, Diamant, Prêcheur et de nombreuses autres personnalités comme Francis Carole, Marie-Hélène Léotin ou Robert Saé.

Témoignages, culture et émotion pour rendre hommage au père du “22 mé” Conformément aux vœux d’Armand, cette première partie des funérailles gérée par le camarade Jocelyn Lamon a revêtu un caractère essentiellement politique, mais profondément empreinte d’émotion avec les témoignages de l’historienne Rolande Bosphore, de Fernand Papaya, d’Annick Sylvestre, d’Edmond Mondésir, du Parti communiste guadeloupéen par lesquels chacun évoqua un aspect de la très riche vie militante d’Armand. Le secrétaire général du Parti, Georges Erichot, intervint en dernier pour retracer dans une allocution, la longue, riche mais si difficile vie politique de leur camarade qui fit preuve d’un inébranlable esprit de résistance face au pouvoir colonial qui s’était acharné à le détruire. Des témoignages entrecoupés par la lecture de messages dont ceux du Secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, de Serge Letchimy, d’Alfred Marie-Jeanne au nom du MIM, etc.

Tous dont notamment celui du PC réunionnais n’ont pas pu être lus, faute de temps, mais ils seront publiés dans les prochaines éditions de Justice. Tout au long de ces interventions les militants se sont relayés pour former une garde d’honneur autour du cercueil de notre illustre camarade recouvert du drapeau de son parti. Cette partie politique s’acheva avec l’air de l’Internationale entonnée avec ferveur par l’assemblée. Vint ensuite une riche partie culturelle exécutée notamment par la troupe Bélya dont les chorégraphies et les chants inspirés par une proche amie d’Armand Nicolas, Dalila Daniel, dite Ilmanyié, ont profondément ému l’assemblée. Vers 11 heures 30, le fourgon mortuaire prit la direction de Fort-de-France pour un arrêt au Parc Floral où il fut accueilli par une pluie de fleurs, au son des tambours du groupe Bô Kannal. Cette halte fut une nouvelle fois l’occasion pour de nombreux artistes de saluer notre camarade avec des chants et des danses. Puis ce fut le départ pour sa dernière demeure au cimetière de la Levée où repose le corps de notre camarade, enveloppé, comme il le souhaitait dans le drapeau de son parti. Quel bel exemple de fidélité ! Là, un nouvel hommage lui fut rendu avec les chansons de Gertrude Sénin et de la Soso, évoquant ses combats et son intérêt pour la culture. L’après-midi, des manifestations culturelles et artistiques en reconnaissance de l’œuvre accomplie par Armand se sont poursuivies dans les jardins du Parc floral. Armand tu nous as quittés, mais ton souvenir restera gravé dans la mémoire de tes camarades communistes et de tous les patriotes martiniquais sincères. Gloire à toi, Armand.

G.E et J

Hommage à Armand NICOLAS : Communiste et éveilleur de la conscience du peuple martiniquais, par Georges Erichot.

Toute une vie consacrée à la cause martiniquaise !

Chers camarades, militants et sympathisants du Parti communiste martiniquais, Représentants des différentes formations politiques qui se sont associées à cet hommage, Peuple de Martinique,

Nous voilà rassemblés autour de la dépouille d’Armand Nicolas pour rendre un dernier et solennel hommage à celui qui a si profondément marqué par son enseignement, par sa passion à faire connaître et à rétablir la vérité sur l’histoire de notre pays, par son engagement politique à combattre le colonialisme et par son immense contribution à faire émerger une véritable conscience martiniquaise.

Deux forces l’ont animé

Une tâche immense qui n’a pu être réalisée que parce qu’Armand Nicolas était animé par deux forces qui lui ont permis de surmonter les multiples obstacles que le pouvoir colonial français, ses représentants sur cette terre de misère gorgée du sang des esclaves, chargés de mettre en œuvre sa politique d’oppression alliés aux forces conservatrices martiniquaises ont dressé sur son parcours. La première de ses convictions, c’est que cette bataille pour l’émergence de la conscience de notre peuple ne pouvait être gagnée sans la connaissance de sa véritable histoire. Voilà ce qu’écrivait Armand dans l’avant- propos de la 4e édition de sa brochure sur la Révolution anti- esclavagiste de 1848 : “Notre histoire reste à écrire… La connaissance de son passé est nécessaire à un peuple s’il veut être lui-même, s’il veut parvenir à la conscience de son originalité, de sa

personnalité.” La seconde force qui l’a autant soutenue durant toute sa vie et jusqu’à son dernier souffle, c’est sa foi dans les valeurs du socialisme scientifique, c’est-à-dire du marxisme-léninisme et sa fidélité sans faille au Parti communiste martiniquais dont il fut le secrétaire général durant 29 ans.

Une vie consacrée tôt à la cause martiniquaise

Car Armand, c’est toute une vie consacrée à la cause martiniquaise ! Né à Nice le 28 janvier 1925, il rentra en Martinique après le décès de son père en 1934. Il poursuivit ses études secondaires au lycée Schoelcher où il eut comme professeur Aimé Césaire dont l’enseignement eut une forte influence sur lui. C’est la mission que lui avait confiée son maître de rédiger un article sur l’histoire de la Martinique pour la revue Tropiques qui aiguisa sa soif de connaître le passé de son pays. Après l’expulsion de la Martinique de l’amiral Robert en 1943, il participa par l’entremise de Césaire, à la mise en place du service d’information de l’île. Page peu connue de son passé, durant la période 1943-1944, il fut envoyé au Maroc pour achever ses études puis fut intégré dans l’armée jusqu’à la fin de la guerre. C’est là qu’il commença à prendre conscience des horreurs du colonialisme. En 1945, il s’inscrivit à la Sorbonne où il obtint une licence de lettres classiques puis un diplôme d’études supérieures d’histoire. Un bagage avec lequel il aurait pu mener une vie tranquille, hors du tumulte de la vie politique. Mais non ! Car dès l’âge de 22 ans, il adhère au Parti communiste français et s’engage dans le combat contre le colonialisme en devenant le rédacteur en chef du journal “Etudiants

anticolonialistes” publié par le Parti communiste français pour le compte de ces jeunes originaires des lointains territoires sous domination française.

Un des concepteurs de la rupture avec l’assimilation-

départementalisation

De retour en Martinique en 1951, il est affecté au lycée Schoelcher pour y enseigner l’histoire et la géographie. Le voilà donc une nouvelle fois confronté à la triste réalité coloniale de la Martinique. Ce qui le poussa à adhérer à la Fédération martiniquaise du Parti communiste français. C’est à partir de ce moment qu’Armand s’engage dans la lutte pour l’émancipation du peuple martiniquais et découvrit la combativité et la fraternité des travailleurs à travers leur misère mais aussi leur engagement dans la lutte pour l’amélioration de leur sort. Aux côtés du Secrétaire général de la Fédération, Camille Sylvestre, Armand fut appelé à exercer la charge de rédacteur en chef de Justice. Une fonction qui n’était pas sans risque car c’est le début de l’époque où les Communistes martiniquais avaient compris que l’assimilation non seulement perpétuait le système colonial mais était un obstacle à la reconnaissance de notre identité. Une réalité illustrée par le mépris des cadres métropolitains et les discriminations dont étaient victimes les fonctionnaires martiniquais. C’est aussi l’époque où les travailleurs, sous la conduite de la CGT et du grand Victor Lamon, et avec le soutien des Communistes engagent de longues grèves pour l’amélioration de leurs salaires, tandis que ceux-ci réclament le droit à une “participation plus large des Martiniquais à la gestion de leurs propres affaires”. Plus que jamais, ils deviennent la cible du pouvoir colonial d’autant que lors de leur 11ème Conférence Fédérale d’août 1955, Armand et ses camarades communistes avaient rejeté l’assimilation car “elle niait le caractère colonial de

notre pays, marqué par l’oppression et de ce fait désarme les masses populaires”. Une revendication que le pouvoir colonial décida de combattre vigoureusement par crainte de la contagion, au

moment où, dans la Caraïbe, les autres puissances coloniales avaient enclenché la décolonisation des territoires sous leur tu- telle.

La tourmente de la démission d’Aimé Césaire et la création du PCM

C’est aussi l’époque où le mouvement communiste entre dans une tourmente avec la démission de Césaire en octobre 1956.

Armand Nicolas était un fervent communiste, attaché à ses principes

Les Communistes encaissent le coup mais grâce à la mobilisation de ses plus fidèles militants dont René Ménil, Georges Gratiant, Victor Lamon, Philibert Duféal, Armand Nicolas et Camille Sylvestre qui devint son Secrétaire général, et bien d’autres, le Parti communiste martiniquais vit le jour en septembre 1957. Mais, après l’adoption par le PCM du statut d’autonomie pour la Martinique, suivi des tragiques évènements de décembre 1959 et des grèves de 1960 et 1961, les autorités décidèrent de durcir la répression contre les communistes. Après le 2e Congrès du PCM des 30 et 31 juillet 1960, au Morne Rouge, le pouvoir colonial durcit la répression avec la saisie de Justice et les poursuites engagées contre Dolor Banidol, Camille Sylvestre et Armand Nicolas pour “atteinte à la sureté de l’Etat”. Camille Sylvestre et Armand Nicolas furent chacun condamné à 1,5 million de francs, un an de prison avec sursis, et à la déchéance à vie de leurs droits civiques.

Victime de l’ordonnance scélérate du 15 octobre 1960

Quelques mois plus tard, en vertu de l’ordonnance scélérate du 15 octobre 1960, Armand et ses trois autres camarades communistes Guy Dufond, Georges Mauvois et Walter Guitteaud reçurent un ordre de mutation d’office en France, sous peine d’être radiés de la fonction publique. Face à cette ignominie, Armand et ses camarades brandirent l’étendard du courage et de la résistance en déclarant dans une réponse cinglante adressée au préfet et restée célèbre : “La Martinique est notre patrie. Nous connaissons la misère et les difficultés des masses populaires martiniquaises pour avoir grandi au milieu d’elles. Nous avons, depuis notre jeune âge, réfléchi aux problèmes que pose l’avenir de notre pays et nous avons adhéré au Parti communiste qui seul nous paraît répondre aux exigences de cet avenir… Pour notre part, nous refusons le régime de bâillon, nous refusons d’être des citoyens diminués et nous revendiquons notre droit à exprimer librement les solutions que nous préconisons pour résoudre les problèmes de notre pays”. Avant de lancer ce défi au représentant de la puissance coloniale : “Nous préférons vivre dans la gène plutôt que d’accepter une forme nouvelle d’esclavage. Nous avons choisi de consacrer notre vie à la cause du progrès et de la libération de notre peuple”. Magnifique exemple de courage et de fidélité à leur engagement politique et patriotique quand tant d’autres auraient abjuré leur convictions politiques et se seraient aplatis devant le pouvoir colonial ! Victime, comme il dit d’un “travail de démolition commencé dès 1961”, notre camarade n’a concédé aucune faiblesse, aucun renoncement. « Dès lors, toute ma vie a été consacrée à l’organisation du Parti » a-t-il confessé. Tout au plus, il a avoué avoir pris le maquis pendant quelques jours pour éviter d’être jeté dans l’avion.

Avec ce que j’ai reçu comme cailloux...”

Dans le recueil de ses souvenirs, figurant dans l’ouvrage de Rolande Bosphore “Militants et militantismes communistes à la Martinique”, Armand évoque le nombre de poursuites et de condamnations dont il fut l’objet : “Avec ce que j’ai reçu comme

cailloux, j’aurai pu construire une maison”. Dans ce même ouvrage, il évoque les difficultés matérielles auxquelles il s’est trouvé confronté : “Je touchais le SMIC d’un ouvrier en bâtiment avec les cotisations versées volontairement par les camarades pour me permettre de subvenir à mes besoins”. Et pour compléter son ordinaire, il donnait des cours d’adultes au sein de la FOL. Malgré cette grande précarité, il n’a pas renoncé à sa mission. D’autant qu’Armand est un révolté face à la falsification de notre histoire par le pouvoir colonial: “A l’école, écrit-il, dès son plus jeune âge, le Martiniquais est abreuvé de l’histoire du pays colonisateur, alors qu’on fait le silence total sur sa propre histoire. Pis encore, on exalte un faux patriotisme qui est en fait le chauvinisme du colonisateur. Ainsi, le colonel martiniquais Delgrès en luttant à la tête des Guadeloupéens en 1802 contre l’armée de Richepance envoyée pour rétablir l’esclavage n’est pas un patriote antillais, une grande figure du combat pour la liberté, mais un rebelle”. Tandis que Napoléon n’est pas celui qui a rétabli l’esclavage, mais le “grand homme qui a fait l’honneur de la Martinique en lui donnant une impératrice (par ailleurs, elle-même propriétaire d’esclaves)” !

L’Histoire comme arme contre la mystification de l’as- similation

C’est pour mettre fin à cette mystification qu’Armand a entre- pris cet extraordinaire travail d’historien qui s’est concrétisé par la publication d’un grand nombre d’ouvrages dont le premier intitulé “la Révolution antiesclavagiste de 1848” qui a mis à bas le mythe selon lequel l’abolition de l’esclavage résultait d’un acte de générosité de la “mère patrie”, alors qu’elle avait été arrachée aux esclavagistes locaux grâce à la révolte des esclaves. Oui, personne ne peut contester qu’Armand Nicolas est le père du “22 mé”, devenu notre fête nationale ! Mais Armand a produit plusieurs autres ouvrages de la même veine tels “Le combat d’André Aliker”, “les Communistes expliquent l’Autonomie démocratique et populaire”. C’est cette même soif de vérité qui l’a poussé à faire la lumière sur la révolte de septembre 1870 dans le Sud, à produire l’ouvrage le plus complet qui existe aujourd’hui sur l’histoire de la Martinique de 1635 à 1971 pour lequel il reçut le Prix Frantz Fanon. Mais aussi à entreprendre des fouilles archéologiques dont les résultats ont été consignés dans une brochure intitulée “Chez les Arawaks au Ve siècle”.

Constructeur du rassemblement anticolonialiste

Infatigablement, durant cette période, Armand s’est appliqué à maintenir l’organisation du Parti en étant constamment sur le terrain et en menant un travail de clarification de l’idéologie du Parti et en travaillant activement au rassemblement de la gauche martiniquaise. Une démarche qui a abouti à la Conven- tion du Morne Rouge en 1971 qui dessinait les contours d’une Martinique autonome. Refusant de s’enfermer dans une idéo- logie stérile, il s’est attaché à donner un contenu économique et social aux propositions du Parti. La même année, il est élu au conseil municipal de Saint Esprit. Election vit annulée au motif qu’il ne figurait pas sur la liste des contribuables de la com- mune. Une fois rétabli dans ses droits civiques en 1974, il re- trouva son poste d’enseignant. Tout en relançant le combat en faveur d’un changement de statut. Il s‘engage sans enthou- siasme en faveur de la régionalisation de 1982/1983 qui ne ré- pondait qu’en partie à nos aspirations. Mais son pragmatisme le pousse à s’intégrer dans la liste d’union de la gauche qui remporta les deux premiers scrutins régionaux. Nommé à la présidence de la Commission éducation, il prit à bras le corps les questions de la jeunesse avec la construction des deux ly-

cées d’Acajou et la priorité donnée à la formation profession- nelle.

Ses qualités d’enseignant et de défricheur de notre his-

toire reconnues au plus haut niveau

En dépit de l’adversité qui a accompagné toute sa vie politique, Armand Nicolas était resté un homme d’une courtoisie et d’une grande simplicité. Au fil des années, la haine nourrie à son égard s’estompa. Ses anciens adversaires ainsi que les auto- rités finirent par reconnaître l’ampleur de sa contribution à la connaissance de l’histoire de notre pays et ses qualités d’en- seignant. Œuvre pour laquelle lui furent attribués les titres de Chevalier de l’Ordre national du Mérite et d’Officier des Palmes Académiques. Tandis qu’il reçut la médaille d’honneur de la Ligue de l’Enseignement et fut fait citoyen d’Honneur des villes du Prêcheur et de Saint Joseph. La multiplicité des témoi- gnages qui ont été adressés à sa famille et au Parti commu- niste martiniquais témoigne de la profondeur du respect et de la sympathie qu’il a acquise au terme de sa longue existence. Avec la disparition d’Armand, notre peuple doit se sentir or- phelin, car il a perdu un de ceux qui ont le plus contribué à l’éveil de sa conscience et à la reconnaissance de notre iden- tité. Armand a acquis une large place dans le Panthéon des grands hommes martiniquais. Désormais, il appartient au peu- ple martiniquais. Adieu camarade Armand, c’est avec une pro- fonde tristesse que le peuple t’accompagne à ta dernière demeure. Et avec l’immense fierté pour les Communistes de t’avoir compté parmi les siens.

Gloire à toi, Camarade et merci pour tout ce que tu as fait pour ton pays. A ta famille et à tes proches, le Parti Communiste Martiniquais adresse ses plus sincères condoléances.

Suite des réactions et hommages pour Armand Nicolas.

Message du Parti Communiste Guadeloupéen

L’annonce du décès du camarade Armand NICOLAS a suscité une vive émotion au sein de notre parti.

Le Parti Communiste Guadeloupéen s’incline et salue la mé- moire de ce combattant de la lutte anticolonialiste, militant actif et engagé jusqu’à son dernier souffle pour la défense des inté- rêts de la nation et du peuple martiniquais. Le camarade Ar- mand a été incontestablement un acteur majeur de l’histoire de la Martinique, de par son apport militant à la prise de conscience nationale et à la lutte d’émancipation nationale et sociale du peuple et des travailleurs martiniquais et à l’amélio- ration des conditions de vie et d’existence des couches popu- laires de la Martinique. Secrétaire général du Parti Communiste Martiniquais, il a été l’hôte en 1971 de “la Convention du Morne-Rouge pour l’Autonomie” qui 51ans après demeure

         Dalila Daniel lors de son intervention

Message du Parti Communiste Guadeloupéen

L’annonce du décès du camarade Armand NICOLAS a suscité une vive émotion au sein de notre parti.

Le Parti Communiste Guadeloupéen s’incline et salue la mé- moire de ce combattant de la lutte anticolonialiste, militant actif et engagé jusqu’à son dernier souffle pour la défense des inté- rêts de la nation et du peuple martiniquais. Le camarade Ar- mand a été incontestablement un acteur majeur de l’histoire de la Martinique, de par son apport militant à la prise de conscience nationale et à la lutte d’émancipation nationale et sociale du peuple et des travailleurs martiniquais et à l’amélio- ration des conditions de vie et d’existence des couches popu- laires de la Martinique. Secrétaire général du Parti Communiste Martiniquais, il a été l’hôte en 1971 de “la Convention du Morne-Rouge pour l’Autonomie” qui 51ans après demeure

une boussole qui balise le chemin de l’émancipation de nos peuples colonisés de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réu- nion.

En mon nom, au nom du Comité Central de notre parti et de tous ses militants, j’adresse à toute la famille du camarade Ar- mand NICOLAS, aux travailleurs et au peuple martiniquais, au Parti Communiste Martiniquais le témoignage de notre solida- rité anticolonialiste, de fraternité, d’amitiés et d’affection de notre parti qui s’incline avec respect et tristesse devant la dé- pouille du Camarade Armand.

Le Secrétaire Général, Félix-Alain Flémin

Message de Francis Sillande, président de l’Association

des Amis de Justice

Avec tristesse, nous venons d’apprendre le décès d’Armand NI- COLAS qui, de 1962 à 1990, a été le secrétaire général du Parti Communiste Martiniquais,

Professeur d’histoire, Armand NICOLAS a été le premier de la génération d’après-guerre à se pencher sur l’histoire de la Mar- tinique. Il n’a eu de cesse d’agir et de contribuer à défaire le “récit national” écrit par la France et rétablir la vérité concernant l’histoire de la Martinique et les luttes qui y ont été menées. Sa vie durant, il s’est employé à oeuvrer à l’éveil de la conscience du peuple martiniquais.

Ses ouvrages : “Révolution anti-esclavagiste du 22 Mai 1848 à la Martinique” et “Histoire de la Martinique” (en trois volumes) restent des ouvrages de référence.

C’est d’ailleurs sur cette documentation que l’association des Amis du Journal Justice s’est appuyée et puisé les informations nécessaires pour réaliser l’exposition du 150ième anniversaire de l’abolition de l’esclavages avec pour titre “La Martinique en 16 tableaux.

L’ordonnance Debré du 15 octobre 1960 visant les fonction- naires des départements d’ outre-mer en raison d’un compor- tement de nature à troubler l’ordre public va s’appliquer. Militant anti-colonialiste, Armand NICOLAS va être lourdement pénalisé par la justice française, Il va être condamné à une amende de 1,5 millions de francs, un an de prison avec sursis, la déchéance à vie de ses droits civiques et muté d’office en France, Il sera ensuite révoqué de l’Education nationale en raison du refus qu’il oppose à cette mutation arbitraire. L’amnistie de 1974 lui permet de recouvrer ses droits civiques et de reprendre son enseignement au lycée Victor Schoelcher en 1975, l’Association des Amis du Journal Justice présente ses sincères condoléances à la famille d’Armand, aux cama- rades et au Parti Communiste Martiniquais.

Hommage à Armand de Fernand Papaya

Mon cher Armand, mon très cher camarade

Ce moment m’est lourd où je dois te dire un dernier adieu tant tu occupes une place immense dans mon engagement poli- tique. Il est difficile de parler de toi, de trouver les mots justes pour exprimer tous les évènements qui ont jalonné toute ta vie militante au sein de ton Parti Communiste Martiniquais.

En accédant au poste de Secrétaire Général du PCM à la suite de la disparition de Camille Sylvestre, tu es en première ligne pour convaincre le plus grand nombre de nos compatriotes de la nécessité de rompre avec le système colonial et de les conduire sur la voie de l’autonomie. Le chemin ne fut pas sim- ple car le colonialisme français eut à ton égard une répression féroce pour cette audace.

Avec l’application de l’ordonnance du 15 octobre 1960 tu étais avec les autres camarades Dufond, Mauvois et Guitteaud condamné à l’exil. La réponse aux autorités de l’Etat fut cin- glante :

“L’instruction que nous possédons et qui est notre gagne-pain,

nous la devons aux luttes des esclaves, aux luttes de plusieurs gé- nérations de Martiniquais qui se sont battus contre l’obscuran- tisme colonial et clérical. Nous préférons vivre dans la gêne plutôt que d’accepter une nouvelle forme d’esclavage. Nous avons choisi de consacrer notre vie à la cause du progrès et de la libération de notre peuple”.

Jamais un dirigeant de parti politique n’a subi autant de persé- cutions, de perquisitions, de condamnations à de lourdes amendes, et jamais tu n’as courbé l’échine face au colonialisme Le journal Justice dont tu avais la responsabilité a été saisi 14 fois de 1960 à 1963 parfois avant même son impression. L’im- primerie que se trouvait à carénage fut l’objet d’une étroite sur- veillance policière. Pourtant le journal continuait à pénétrer les foyers martiniquais.

Toujours ta détermination se trouvait renforcée grâce au sou- tien indéfectible des militants du Parti et de tous ceux qui s’in- dignaient de ces persécutions.

La connaissance de son passé, écrivait-tu, est nécessaire à un peu- ple, s’il veut être lui-même, s’il veut parvenir à la conscience de son originalité, de sa personnalité”. Et tu ajoutais : “Notre passé est une source inépuisable de leçons. Et la plus grande de ces leçons est que le progrès d’un peuple ne s’effectue pas grâce à la provi- dence ou à la bonne volonté des colonialistes, mais qu’il est le ré- sultat d’une lutte incessante des opprimés”.

Ta riche contribution à la connaissance de notre histoire té- moigne de ta volonté de nous léguer ce travail, de nous plonger dans notre passé afin de tracer le che- min de notre émancipation. Tu as fait preuve d’une grande moralité révolution- naire, d’intégrité, d’un dé- vouement total à la cause des masses travailleuses, d’un désintéressement exemplaire, une fidélité iné- branlable à ton idéal commu-

   Interview du militant Guy Dufond, ancien membre du PCM et ami d’Armand Nicolas

Des ouvrages dʼArmand Nicolas

niste. .

Tu nous a enseigné que mal- gré les difficultés, face au co- lonialisme qui savait user de

la ruse, de la soumission pour maintenir son système de domi- nation et que nous devrons poursuivre inlassablement le com- bat pour la libération nationale et sociale.

Mon cher Armand, la Martinique doit te témoigner de son ad- miration, à ton courage, ta détermination, ton sacrifice car toute ta vie tu es resté debout, digne face au colonialisme

Honneur et respect pour toi. A tes enfants, à toute famille, soyez fier de l’éveilleur de conscience qu’est Armand, à qui je témoigne toute ma gratitude, et vous présente mes très sin- cères condoléances.

Hommage audio de Guy Dufond à Armand Nicolas

Armand Nicolas n’est plus avec nous, mais son souvenir est quand même dans nos cœurs… Etant l’un de ses compagnons de lutte, je voudrais intervenir pour dire quelle estime et quelles émotions que j’ai. Je commencerai par présenter mes condo- léances émues à la famille d’Armand Nicolas et l’expression de ma solidarité à toutes celles et tous ceux qui ont cru et croient en lui. Armand Nicolas est à mon avis, un homme qui a beau- coup lutté. L’une des choses qui me frappe et qui n’est suffi- samment mise en valeur, c’est qu’il a été condamné notamment à la perte à vie de tous les droits civiques et politiques. Il a certes été comme moi-même, frappé par l’ordonnance scélé- rate du 15 Octobre 1960, en même temps que Walter Guit- teaud, Georges Mauvois et moi-même, Guy Dufond. Cet aspect de la question mérité d’être relevé. Je m’arrêterai la, car vous êtes nombreux à vouloir prendre la parole. Camarade Nicolas, Adieu… Woulo

Interview du militant Guy Dufond, ancien membre du PCM et ami d’Armand Nicolas

Avec ses camarades communistes Georges Mauvois, Walter Guitteaud et Armand Nicolas, Guy Dufond a été frappé par l’or- donnance scélérate du 15 Octobre 1960. Ces fonctionnaires militants communistes ont été pris pour cible par le gouverne- ment de l’époque, qui estimait qu’ils “troublaient l’ordre public”

Pendant 14 ans, ce professeur de Lettres, radié de l’éducation nationale suite à l’ordonnance scélérate n’avait pas pu pour- suivre l’exercice de son métier. Agé aujourd’hui de 90 ans, Guy Dupond revient sur sa rencontre avec Armand Nicolas, leur re- lation et aussi sur l’œuvre accomplie par le parti communiste.

Justice : Armand Nicolas était votre ami, vous avez vécu beaucoup de choses ensemble, comment vous vous êtes rencon- tré ?

Justice : Armand Nicolas était votre ami, vous avez vécu beaucoup de choses ensemble, comment vous vous êtes rencon- tré ?

Guy Dufond : “J’ai rencontré Armand lors de mon retour de mes études su- périeures à Paris. J’avais déjà mes opi nions politiques bien ancrées, car j’étais déjà membre du Parti communiste Français à Paris. Tout a commencé avec un évè- nement en 1952, l’arrivé du Général américain Ridgway, qui venait prendre le commandement des forces de l’Alliance de l’Atlantique (OTAN). Il devait avoir un mouvement public de contestation sur la place de la République. A mon arrivé, je n’ai trouvé presque personne… Je suis entré dans un bar, j’ai com- mandé un verre quand un CRS est arrivé pour mettre tout le monde dehors. On m’a embarqué dans un fourgon qui m’a em- mené à un endroit qui s’appelle, le “Carreau du temple”, un marché couvert. On s’est retrouvé à plus de 600 personnes de- dans, dont des femmes et des enfants. Nous étions entourés de fils barbelés. Il y a eu un jeune un peu provocateur, qui a tenté de partir, les policiers sont intervenus et ça été la bagarre ! J’ai reçu un coup de crosse dans la côte par un policier qui m’a dit “Salaud communiste, va à Moscou”. On y est resté près de 2 jours, après j’ai été contacté par un membre du PCF qui m’a fait entrer dans le parti. Je suis entré dans la bataille anticolo- nialiste à l’époque de la guerre d’Indochine, et ensuite d’Algé- rie. En revenant en Martinique, j’ai adhéré tout naturellement au Parti Communiste Martiniquais, c’est comme ça que j’ai connu Armand Nicolas.”

J : Revenons sur cette délicate période de l’ordonnance, en 1960. Comment l’avez-vous vécu ?

GD : “Il y a eu une réunion des fonctionnaires, puis une réunion publique de protestation contre cette ordonnance et contre cette prise de position du gouvernement Français, je suis même intervenu publiquement… je pense que le gouvernement a eu le nom des intervenants, car ils ont été inquiétés. L’appli- cation de cette ordonnance s’est manifestée, dans un premier temps, en août contre Guitteaud, Mauvois et Nicolas, et un mois plus tard contre moi. Comme Armand Nicolas l’a dit en 2019 au cours d’un entretien, il a été condamné à la perte à vie de ses droits civiques et politiques. On a eu une proposition d’aller ailleurs, en France. Moi, on me déportait carrément à Villeneuve-sur-Lot. Dans une lettre publique, j’ai clairement in- diqué que je refusais cette chose-là. Contrairement au cama- rade de Guadeloupe, Réunion et de Guyane qui, eux, ont accepté. Peut-être que nous étions un peu plus rebelles que les autres. Dans cette petite pièce de ma maison, j’ai donné des cours particuliers à des élèves, notamment à ceux qui pré- paraient l’épreuve de philosophie au Bac.”

J : Qu’a donc apporté le combat des Communistes sur le plan social ?

GD : “La chose la plus sensible qu’on a pu constater avec Vic- tor Lamon, membre du PCM et de la CGTM, c’est l’arrivée de la sécurité sociale, c’est une chose extrêmement importante avec tout ce qui peut découler de ce progrès considérable, par rapport à ce qui existait auparavant, notamment pendant la Se- conde Guerre mondiale. Cela a permis aux camarades de se former d’avantage en participant aux luttes des camarades de la CGT Française, et de transposer les effets de cette formation en Martinique. Ça a été essentiellement un combat de classe. Mais, au fur et mesure, avec l’évolution du monde, les phéno- mènes de libération nationale, les luttes anti impérialistes en Amérique Latine, nous disons que nos luttes se sont élargies, et cela a été aussi quelques choses d’intéressant. J’ai rapporté un masque lors de l’un de mes voyages à Cuba, qui m’a été donné par le président du Comité préparatoire international du parti communiste et ouvrier d’Amérique Latine. C’est ainsi que René Ménil est venu me rencontrer pour étoffer d’avantage la délégation. Cela m’a permis de connaître Fidel Castro, pour discuter des problèmes de notre région. Les luttes actuelles sont différentes qu’auparavant. Les “Rouj, Vert, Noir”, pour le rouge, c’est la couleur de la révolution, le noir, du peuple mar- tiniquais et le vert, la couleur de la nature et de l’écologie. Au- jourd’hui, il y a beaucoup de personnes qui pensent à l’indépendance et moins au socialisme. A mon avis, cela va progresser, et remplacer de plus en plus la notion d’autonomie. Ce n’est pas une guerre entre les deux termes, mais dans les deux cas, nous sommes dans la lutte contre le colonialisme.”

J : Vous n’avez jamais occupé de fonction politique im- portante ou même d’élu. Pourquoi ?

GD : “Les camarades m’ont proposé à deux, trois reprises d’être candidat lors d’élections cantonale ou municipale. J’ai toujours refusé. Parce que, c’est une question de caractère, j’aime être libre de mon action. J’ai accepté une seule fois, c’était lors de cantonale où Aimé Césaire était candidat. J’ai ac- cepté car j’étais sûr de ne pas être élu. J’étais exclusivement un lutteur et je ne cherchais pas à écrire quoique ce soit. J’ai un profond respect pour Georges Gratiant, un homme qui était ex- traordinaire et qui m’a dit un jour “Je sais que Césaire a un style de Balata (Sorte de gourdin, de massue), mais toi tu as un style de coutelas”. Je ne m’en étais jamais rendu compte, et j’ai gardé ce style pour m’exprimer avec de la réflexion bien sûr. J’ai été un lutteur mais je ne faisais pas du n’importe quoi.”

J : Pouvez-vous me racontez une anecdote, un souvenir avec Armand Nicolas ?

GD : “Aaah alors là, il y en a tellement qu’il est difficile de ré- pondre… Il y en eu tellement de marquants… C’est difficile à choisir ! Quand, parmi les communistes, j’ai été prisonnier po- litique parce que j’étais membre de l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise). J’ai été libéré en Dé- cembre et quand je suis revenu, c’était en plein congrès du parti communiste martiniquais… Quand je suis entré dans la salle, Armand Nicolas s’est levé et il a dit « Camarade levez-vous ! » Je ne dirai pas que cela m’a mis de l’eau dans les yeux mais c’est tout juste… Disons que cela a été un grand moment d’émotion pour moi. Par la suite Armand Nicolas avait travaillé avec moi, avec une attention particulière. Il y en a tellement, tellement de souvenirs…”

Propos recueilli par Jean-Philipp Mert pour le journal JUSTICE. 

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