Plus de 500 millions de colis voyagent chaque année sur les routes de France. Un quart font un aller-retour: la politique de retours gratuits du commerce en ligne représente un coût déraisonnable.

C’est sans doute l’évolution qui a permis au e-commerce, et notamment à la vente en ligne de beaux vêtements et de jolis souliers, de véritablement décoller: la possibilité pour les acheteurs et acheteuses de renvoyer, sans frais supplémentaire, les produits qui ne leur conviendraient pas.

Le risque de devoir quand même porter ce pull un poil trop serré qui vous boudine ou de se faire une entorse dans des sneakers trois tailles trop grandes a donc été écarté par les acteurs de la vente à distance: le destinataire désappointé n’a qu’à rapporter le colis reçu dans un bureau de poste ou un point de collecte, l’objet incriminé repart par les mêmes voies vers son expéditeur et le remboursement se fait en quelques jours.

C’est simple, basique, transparent. Transparent, vraiment? Pas pour l’économie, et encore moins pour la planète. Car s’ils effacent d’un geste ou presque la marque psychologique de l’achat raté, ces retours à l’envoyeur ne sont bien sûr pas anodins. Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), la part de la vente en ligne représentait 8,5% du commerce total en France en 2018. 13% des dépenses d’habillement sont désormais faites sur internet –le chiffre grimpe à 45% pour les produits culturels. 34% des e-acheteurs et des e-acheteuses sont abonnées à un service de livraison, ce qui leur rend la tâche encore plus aisée.

Tout ceci représentait, toujours selon la Fevad, 505 millions de colis livrés au total. Or, un taux de retour de 24% pour ces ventes en ligne était estimé en 2016 en France (41% en Allemagne), soit près d’un colis sur quatre: plus de 125 millions de cartons font donc un double voyage, pour rien ou pas grand-chose. C’est bien sûr un défi logistique, un défi économique pour des commerces qui ne savent pas forcément toujours gérer ces invendus, un défi social pour des préparatrices ou livreurs aux conditions de travail parfois épouvantables.

Mais c’est aussi un défi écologique voire une problématique d’urbanisme pour les villes, leurs commerces «en dur», leurs routes, leurs stationnements, leurs particules fines. Dans un article sur la question, Fast Company explique qu’aux États-Unis, les transports avaient pris la place très peu enviable de plus gros pollueurs atmosphériques, devant les centrales électriques –un quart de cette pollution vient des camions effectuant les livraisons dites «du dernier kilomètre», celui qui mène vers le pas de votre porte.

Problème: si cette politique du retour gratuit est une chance pour les sites commerçants comme pour leur clientèle, la facilité de sa mise en œuvre est également source d’abus évidents. De nombreux individus commandent un même article en plusieurs tailles, les essaient chez eux pour trouver la bonne, puis renvoient les articles qui ne conviennent pas à leurs mensurations –comme en magasin, en somme, mais devant le miroir de son salon. D’autres achètent des vêtements avec pour seul but de pouvoir poster une photo sur Instagram, avant de les retourner à leurs vendeurs –qui ne savent parfois qu’en faire, le tout finissant alors généralement dans une décharge quelconque.

En attendant que l’industrie de la vente en ligne s’organise pour mieux gérer ces retours et ces abus, pressée notamment par les campagnes de l’ONG Fashion Revolution, Fast Company donne quelques conseils pour limiter son empreinte. Ils sont d’une évidence enfantine mais méritent d’être rappelés, voire martelés: connaître sa taille, en faisant éventuellement l’effort de visiter une échoppe «de brique et de mortier» pour la préciser, grouper ses commandes plutôt que de tomber dans la facilité d’achats morcelés en un clic et, surtout, résister aux tentations de la fast fashion, de la sape jetable, en achetant moins mais en achetant mieux.

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