Libération » transféré par Altice à une fondation
Le quotidien va être transféré à une société à but non lucratif, qui lui garantira une indépendance éditoriale. Les dettes actuelles seront épongées par Altice. Face aux difficultés économiques, la presse se tourne de plus en plus vers ce modèle.
Propriétaire du titre depuis 2014, Altice va transférer « Libération » à une société à but non lucratif. Depuis que la presse est bousculée par l’économie numérique, les fondations se multiplient pour maintenir en vie certains titres partout dans le monde. Le coronavirus a accéléré cette tendance aux Etats-Unis . « Cette nouvelle structure garantit sa totale indépendance éditoriale, économique et financière », indique un courriel interne à « Libération » consulté par l’AFP.
Concrètement, Altice France va créer un « Fonds de dotation pour une presse indépendante ». Par le biais d’une filiale, celui-ci acquerra le journal, sa régie et sa société de développement technologique. Ce dispositif s’inspire de celui adopté par
39

« Mediapart » en 2019, lui-même imaginé à partir du modèle unique au monde du Scott Trust, qui protège depuis les années 1930 le quotidien britannique « The Guardian ».
Le groupe dirigé par Patrick Drahi s’engage à éponger les dettes de « Libération », estimées à environ 50 millions d’euros. Mais aussi à « lui donner, progressivement, les moyens nécessaires au financement de son exploitation future et ainsi garantir son indépendance à long terme ». Un point sur lequel les équipes, pour qui cette annonce de transfert à une fondation est une surprise totale, risquent de demander des assurances.
L’équilibre financier, un objectif « en bonne voie »
Une fois le processus terminé, le journal dirigé par Laurent Joffrin devra atteindre l’équilibre financier puisqu’il n’aura plus le soutien possible d’un grand groupe. Déficitaire depuis de nombreuses années, « Libération » a par exemple accusé 8,9 millions d’euros de pertes en 2018, pour un chiffre d’affaires d’environ 35 millions.
Alain Weill, le patron d’Altice France, se veut néanmoins optimiste. Joint par « Les
Echos », le dirigeant estime que « ‘Libération’ est désormais sur la bonne voie en vue d’un rééquilibrage de ses comptes » et que cet équilibre peut durer « si le journal est bien géré ». La hausse des abonnements numériques, qui ont été multipliés par six en
deux ans, devrait notamment y contribuer. La diffusion a, elle, progressé de 6 %
en 2019, à 71.466 exemplaires, selon l’ACPM.
Altice s’était déjà désengagé de la presse et notamment de « L’Express » en en cédant 51 % à Alain Weill l’an dernier . Pour cet hebdomadaire, Alain Weill indique qu’il prévoit l’équilibre sur le second semestre et non plus sur l’année entière, en raison de la crise sanitaire qui affecte durement la publicité. « Les signaux sont cependant favorables, j’ai une bonne visibilité sur le modèle et une société en grande partie réorganisée », assure- t-il.
Déménagement
Patrick Drahi, le fondateur d’Altice, « continuera, personnellement, d’accompagner l’avenir de ‘Libération’ », précise en tout cas le courrier, ajoutant que « tout mécène pourra abonder le Fonds de dotation à des fins non lucratives et sous réserve de l’agrément de son conseil d’administration », et qu’« aucun droit ne sera accordé en contrepartie de ces donations ». Une vente potentielle risquait de rapporter peu à Altice alors que céder « Libération » à une fondation peut être bien perçu par les équipes de ce titre fondé en 1973 par Jean-Paul Sartre et Serge July.
Si « Libération » dégage des profits, ils seront intégralement redistribués à des associations caritatives. En attendant, la nouvelle structure devrait être prochainement présentée aux représentants du personnel de « Libération », qui va devoir déménager. Elle déclenchera l’ouverture d’une clause de cession, un mécanisme permettant aux journalistes de quitter l’entreprise avec des indemnités en cas de changement d’actionnaire. Cette clause sera financée par Altice.

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version