Arlette Pujar signe son troisième livre, « Lycée Schoelcher, mémoires fraternelles ». Un récit intime et sensible sur les belles années de ce lycée mythique qui a marqué plusieurs générations et a été le creuset de la gent politique et intellectuelle martiniquaise de ces dernières décennies. Avec les témoignages forts d’anciens professeurs, d’anciens élèves connus ou inconnus, du personnels administratif et sanitaire de l’époque, ce livre révèle l’âme de cet établissement singulier, cher au cœur des martiniquais. C’est Didier Marmot, ancien élève et actuel Proviseur du Lycée Schoelcher, connu pour ses innovations pédagogiques et son sens de l’humain qui a signé la préface de cet ouvrage.  Il est le premier véritablement dédié à l’histoire du Lycée Schoelcher, actuellement disponible en librairie. Nous en parlons avec son auteure.

Antilla : Parlons d’abord de ce qui vous a amené à l’écriture…

Arlette Pujar : Ce qui m’a amené à l’écriture est une belle rencontre avec Pierre Pinalie. Je l’ai rencontré au Conseil Général, il venait présenter un projet quand je m’occupais de la culture. Et il m’a demandé d’où venait mon accent, je lui ai dit que j’avais vécu toute mon enfance à Marseille, vingt ans ça laisse des traces ! En fait, j’ai fait le contraire de ce que font les martiniquais en général, je suis partie bébé et j’ai fait ma maternelle à Marseille jusqu’à l’université. Quand je lui ai raconté ça, il m’a dit, « c’est une belle histoire qui devrait intéresser les martiniquais, vous devriez la raconter ». Je lui ai répondu que je n’étais pas écrivaine et lui m’a dit qu’il n’était pas né écrivain non plus. Il m’a conseillé d’écrire quelques pages et de participer à un concours de nouvelles, alors j’ai écrit « Une journée dans la boutique de Manzel Yvonne », c’était la boutique de ma grand-mère, j’y racontais ce que j’y voyais et finalement j’ai gagné le premier prix. Lorsque je l’ai montré à Pierre Pinalie, il m’a aussitôt dit après l’avoir lu, maintenant il faut en faire un roman. Il m’a guidé, il m’a dit, une chose qui m’a marquée, « Lâchez tout ce que vous avez à dire, au moment où vous allez sourire en écrivant, ce sera gagné ». Et effectivement, un soir en écrivant, j’ai sourit… C’est venu comme ça et malheureusement il est décédé avant la sortie du livre mais il en a lu des passages, c’était une rencontre déterminante pour moi. Et la couverture de ce livre est une photo de Philippe Bourgade qui vient de disparaître, il me l’avait offerte.

A : Et après Marseille vous êtes revenue en Martinique, vous y avez fait vos études, est-ce que cela a marqué votre écriture?

AP : J’ai fait mes études universitaires en Martinique et j’avais la volonté d’y rester. Je suis toujours venue chez ma grand-mère et j’ai toujours eu envie d’y rester depuis l’enfance. A cette époque, nous revenions en bateau sur les bananiers parfois, c’était merveilleux. C’était le thème de mon premier livre, je raconte les voyages en bateau, les relations avec la famille, la boutique de ma grand-mère. Comme nous venions de France nous étions reçu avec le tapis rouge par la famille. Je ne comprenais pas, nous habitions un immeuble à Marseille et ici, la famille avait de belles maisons avec des jardins, il y avait la mer, on mangeait bien. Je me disais ici ils ont tout et ils nous envient. Tout cela a bien changé mais il fallait l’écrire, c’était la Martinique antan lontan.

A : Qu’est-ce qui a motivé votre second ouvrage ?

AP : Là aussi, c’est une histoire particulière. J’ai rencontré une dame dans un EHPAD, alors que nous apportions des cadeaux pour Noël. Parmi toutes les personnes, il y avait une petite dame toute jolie, toute vive qui sautillait. Alors je suis allée lui parler et elle m’a racontée sa vie. Elle m’a amenée dans sa chambre, c’était la plus ancienne pensionnaire de la maison Emma Ventura, elle y vivait depuis cinquante ans. Elle m’a invitée pour son anniversaire et m’a demandée de raconter sa vie. Je l’ai enregistrée pendant nos entretiens, j’ai fait des recherches et j’ai reconstitué sa trajectoire de vie. Elle s’appelait Suzanne, avant l’EHPAD, elle avait vécu toute sa vie à l’orphelinat qui était situé sur l’emplacement de l’actuelle mairie de Fort de France, elle y est restée jusqu’à l’EHPAD. Elle a passé toute sa vie entre quatre murs et pourtant, elle était une personne profondément joyeuse. Ce livre, « Suzanne, une trajectoire de vie (an didan an dewo) a été récompensé par le prix  Fetkann ! Maryse Condé en 2019.

A : Qu’est-ce qui a inspiré l’écriture de celui-ci ?

AP : Mon époux a été élève au Lycée Schoelcher et m’a toujours parlé de ce lycée comme d’un monument. Une fois, j’y ai accompagné un groupe d’ingénieurs territoriaux dans une visite avec l’architecte Gustavo Torrez, et il y a eu une grande émotion qui se dégageait d’eux. J’ai tout de suite cherché et lu ce qui avait pu être écrit sur ce lycée, notamment le livre de Tony Delsham. J’ai fait des recherches aux archives. J’ai reçu des témoignages venus du monde entier dont celui d’un monsieur de 95 ans qui m’a raconté son parcours de la maternelle jusqu’à la terminale au lycée Schoelcher ! Il se souvenait de tas détails, le nom des professeurs etc… J’ai appris beaucoup de choses sur la Martinique avec ces témoignages. L’aspect architectural est aussi passionnant puisqu’il a été construit sur un morne avec des persiennes et une ventilation naturelle, une vue magnifique sur la mer. Il y a eu des journaux et des poésies écrits par les élèves. A cette époque, les élèves étaient internes ils ne rentraient chez leurs parents que pour les vacances, il y avait beaucoup d’activités sportives et littéraires.  Et puis, il y a eu le Covid, le confinement, j’ai eu le temps de recueillir des témoignages et d’écrire. Il y a des petites histoires anodines d’élèves dans lesquelles beaucoup se reconnaîtront…

A : A votre avis, le lycée Schoelcher fait-il partie du patrimoine de la Martinique ?

AP : Oui bien sûr, à plusieurs niveaux. Aimé Césaire avait écrit à la Ministre de la Culture de l’époque, Christine Albanel, pour faire classer le lycée aux Monuments Historiques. Il avait dit qu’il représentait un intérêt majeur dans l’histoire architecturale du XXème siècle sur le plan international et qu’il était pour la Caraïbe, un laboratoire d’expérimentation architecturale et urbaine de l’époque. Il portait une valeur patrimoniale forte, Aimé Césaire avait dit qu’on devait le conserver. Mais bien sûr, de nouvelles normes sont arrivées et il fallait revoir la construction, notamment face aux risques majeurs.

A : Sa reconstruction récente a-t-elle modifiée son aura ?

AP : Je dirai oui, puisque déjà il n’est plus le seul lycée, il y en a d’autres en communes. L’internant a fermé, il n’est plus nécessaire d’aller poursuivre ses études à Fort de France. Au niveau des professeurs aussi les choses ont changé. Il y avait à l’époque, un corps de professeurs agrégés qui étaient attachés à leur lycée. Ils avaient une prestance, habillés en costume…Ils ont marqué plusieurs générations. D’ailleurs, il y a des surnoms gentils qui leur ont été donnés par les élèves, il y avait des personnalités marquantes.

A : Quel est le professeur qui a le plus influencé votre parcours et pourquoi ?

JAP : J’ai été marquée par le Professeur Antoine Delblond qui m’a enseigné le droit à l’Université, il m’a incité à poursuivre mes études parce qu’il disait que j’avais du potentiel et que je pouvais prouver qu’on pouvait faire des études de haut niveau en Martinique !

A: Qui est votre auteur préféré ?

AP : Maryse Condé parce qu’elle écrit vrai.

Propos recueillis par Nathalie Laulé

Présentation du livre le 8 mars à la bibliothèque Schoelcher à 18h30, une prochaine date aura lieu au Lycée Schoelcher


Arlette Pujar, un parcours ultra brillant au service de la Martinique


Arlette Pujar fait partie des Hauts Fonctionnaires, en tant qu’administrateur territorial, elle est Directrice régionale de la délégation du CNFPT Martinique (Centre national de la Fonction publique territoriale) depuis septembre 2010. Docteure en droit public, elle est chargée d’enseignement (Master 2 Diagnostic territorial et gestion des espaces insulaires) et chercheure à l’Université des Antilles (laboratoire caribéen de sciences sociales). Elle est également coache professionnelle certifiée ICF (International Coaching Fédération), et facilitatrice UNESCO en FLL (littératie des Futurs).

Avant cela : Débuts au bureau juridique du Conseil Général, puis Cheffe du bureau de l’éducation, puis Cheffe du bureau du logement, conseillère technique chargée des questions de la politique de la ville, de l’éducation et de la culture au cabinet du Président, puis, Directrice générale de l’Association des Maires de Martinique pendant quatre ans, puis Directrice générale adjointe en charge de l’éducation, de l’environnement, du tourisme, de la culture et des sports au Conseil général.

Un parcours qui confirme qu’une femme peut accéder aux plus hautes fonctions en Martinique après y avoir reçu ses formations universitaires.

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