Les pesticides sont au coeur de nombreux enjeux mis en évidence par la crise agricole de janvier 2024. La France est engagée avec le plan Écophyto à réduire de 50% la quantité de produits phytosanitaires d’ici à 2030. Mais l’utilisation de pesticides peut aussi être un moyen de répondre à l’impératif croissant de souveraineté alimentaire. Par : La Rédaction « Vie publique »

Fongicides, herbicides, insecticides… Les substances qui contrôlent, détruisent ou préviennent les organismes considérés comme nuisibles sont regroupées sous le terme de pesticides. Ce terme recouvre à la fois les produits phytopharmaceutiques utilisés sur les végétaux dans l’agriculture, l’horticulture, les parcs ou les jardins et les produits biocides utilisés pour d’autres applications, par exemple pour protéger les matériaux ou désinfecter mais aussi les produits antiparasitaires utilisés chez l’animal, comme les antipuces.

La Commission européenne définit un pesticide comme “un produit qui prévient, détruit, ou contrôle un organisme nuisible ou une maladie, ou qui protège les végétaux ou les produits végétaux durant la production, le stockage et le transport”.

Les pesticides peuvent être préparés à base de produits non chimiques. Mais ils désignent le plus souvent des produits chimiques.

Le glyphosate est un herbicide utilisé dans les cultures. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait estimé que le glyphosate était probablement cancérigène pour les humains. Toutefois, cette évaluation avait été contredite en novembre 2015 par les conclusions d’une étude rendue publique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Le 16 novembre 2023, un vote des 27 pays de l’Union européenne n’a pas dégagé de majorité qualifiée. En l’absence de majorité, la Commission européenne a décidé d’autoriser le glyphosate pour dix années supplémentaires, jusqu’en 2033. 17 pays de l’UE ont voté en faveur de ce renouvellement. Pour sa part, la France s’est abstenue.

Les pesticides font l’objet d’une surveillance particulière en raison, d’une part, d’une “présomption” de dangerosité pour l’être humain, quelle soit liée à l’exposition au produit ou à l’ingestion d’aliments contaminés. D’autre part, ces produits peuvent être nocifs pour certaines espèces nécessaires au bon fonctionnement des écosystèmes.

Selon un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)publié en 2021, la présomption  d’un lien entre l’exposition au chlordécone(insecticide utilisé dans les Antilles françaises par le passé) de la population générale et le risque de cancer de la prostate a été confirmée. Concernant l’herbicide glyphosate, l’expertise a conclu à l’existence d’un risque accru de certains types de lymphomes. Globalement, les études épidémiologiques sur les risques de leucémie de l’enfant concluent à une présomption forte de lien avec l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse.

Un certain nombre de ces substances se retrouvent dans l’alimentation. En 2016, une analyse réalisée par l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) constate, sur près de 7 000 échantillons d’aliments présents sur le marché français (la moitié d’origine française) la non conformité de 6,4% de l’échantillon avec le dépassement de la limite maximum de résidus (LMR) pour au moins un pesticide.

Selon le rapport sur l’état de l’environnement en France publié en 2019, des pesticidessont retrouvés dans 80% des masses d’eaux souterraines en 2017, avec environ un quart d’entre elles dépassant le seuil réglementaire.

Enfin, certains produits phytosanitaires sont soupçonnés de nuire à la biodiversité, notamment à la biodiversité des sols ou à la survie de certaines espèces comme les abeilles.

Comme le souligne le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, il existe des distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations.

Selon l’arrêté du 27 décembre 2019, en règle générale, l’utilisation de ces produits doit s’effectuer en respectant une distance incompressible de 20 mètres lorsqu’il s’agit de produits contenant une substance “préoccupante“.

Pour les autres produits, cette distance est de :

  • dix mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 centimètres de hauteur, les bananiers et le houblon ;
  • cinq mètres pour les autres cultures.

La réglementation française des pesticides est définie en fonction des types d’usages : produits phytopharmaceutiques, biocides et médicaments vétérinaires. Chaque produit est soumis, après évaluation, à une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour les produits phytopharmaceutiques et biocides et par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (au sein de l’Anses) pour les antiparasitaires à usage vétérinaire.

Les autorisations de mise sur le marché nationales doivent respecter la liste des substances actives autorisées fixée par les textes européens relatifs à la production et à l’autorisation des pesticides. Avant de pouvoir utiliser une substance active dans un produit phytopharmaceutique en Europe, cette substance doit donc préalablement avoir été approuvée par l’UE.

La législation de l’Union européenne se compose de règles régissant la commercialisation et l’utilisation de catégories particulières de substances chimiques, d’un ensemble de restrictions harmonisées s’appliquant à la mise sur le marché et à l’utilisation de substances dangereuses et de protocoles relatifs à la gestion des accidents graves et des exportations de substances dangereuses. Les deux principaux textes de l’UE dans ce domaine sont :

  • le règlement CLP (classification, étiquetage et emballage des produits chimiques dangereux) de 2008 ;
  • le règlement REACH de 2006 (enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques, ainsi que restrictions applicables à ces substances).

Principalement, deux organismes européens sont chargés d’évaluer la dangerosité des produits chimiques pour l’être humain. Il s’agit de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui évaluent et conseillent les autorités européennes et les États membres.

Par ailleurs, les législations européenne et nationales s’appuient sur les études du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), placé sous l’autorité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Celui-ci a publié en novembre 2011 une revue complète de plus de 100 agents chimiques, physiques, professionnels, biologiques, qui ont fait l’objet d’une classification en tant que cancérogènes pour l’homme.

La politique de l’UE en matière de substances chimiques a subi un bouleversement majeur avec l’introduction, en 2006, du règlement REACH. Ce règlement, entré en vigueur le 1er juin 2007, établit un nouveau cadre juridique sur le développement et les essais, la production, la mise sur le marché et l’utilisation des substances chimiques.

Sur les pesticides, il existe une réglementation socle qui s’inscrit dans un mouvement de contrôle de ces substances, notamment dans l’agriculture. Selon l’EFSA, il existe un vaste corpus de textes réglementant les produits phytosanitaires, ces produits étant notamment encadrés par le règlement (CE) n°1107/2009.

La politique de la France s’inscrit dans une volonté de réglementer l’usage des pesticides de manière plus stricte que d’autres États de l’UE.

Le plan Écophyto initial a été mis en œuvre dès 2008. Ensuite, le plan Écophyto II+ prévoyait notamment d’accélérer le retrait des substances les plus préoccupantes et d’accompagner la sortie du glyphosate et la baisse de 50% de l’usage de pesticides à l’horizon 2030 par rapport à 2015-2017.

Toutefois, à la suite du mouvement des agriculteurs de janvier 2024, la dernière version du plan Écophyto a été suspendue temporairement afin d’être débattue entre acteurs de la protection de l’environnement, agriculteurs et gouvernement. Dans un discours du 21 février 2024, le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué l’abandon de l’indicateur français servant à mesurer la réduction de l’usage des pesticides, le Nodu. Cet indicateur français sera remplacé par l’indicateur européen de “risque harmonisé” (HRI-1).

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