C’est une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux. Mardi 26 mars, un porte-conteneurs, le Dali, a heurté l’un des piliers du pont Francis-Scott-Key à Baltimore aux Etats-Unis. Un choc tel que le pont s’est effondré quelques secondes plus tard. Six personnes sont présumées mortes. Ce port américain est un point névralgique du commerce maritime international. En 2023, 1,1 million de conteneurs, ou, dans le jargon du transport maritime, des EVP (équivalent vingt pieds, l’unité de référence du secteur), y ont été chargés et déchargés.

“Le port de Baltimore est l’une des plus grandes plaques tournantes maritimes du pays”, a souligné Joe Biden, le président américain. Pour l’instant, le transport maritime a été suspendu dans cette zone jusqu’à nouvel ordre. “Il ne fait aucun doute” que la mise à l’arrêt temporaire du port “aura un impact majeur et prolongé sur les chaînes d’approvisionnement”, a averti le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, lors d’un point presse mardi après-midi.

“Un autre rappel de la vulnérabilité des infrastructures et chaines d’approvisionnement du pays”

Baltimore est notamment, depuis 13 ans, le port américain par lequel transitent le plus de voitures neuves, plus de 800 000 l’an dernier. Qu’il s’agisse de véhicules fabriqués aux Etats-Unis et exportés à l’international, ou, à l’inverse, de véhicules étrangers importés aux Etats-Unis. C’est aussi par là qu’arrivent la plupart des importations de sucre et de gypse – minéral utilisé pour fabriquer le plâtre – et que part une quantité importante du charbon américain vendu à l’international. Il se classe désormais au neuvième rang des ports américains en termes de marchandises étrangères manutentionnées et de valeur de marchandises étrangères.

Outre l’impact direct sur la région -140 000 emplois dépendent indirectement du port de Baltimore-, c’est toute l’économie qui est touchée. Les constructeurs automobiles comme BMW ou Volkswagen sont évidemment en première ligne, mais ce ne sont pas les seuls. Juste avant de percuter le pont Francis-Scott-Key, Dali venait de livrer des meubles Ikea et des produits Amazon. Cette situation “n’est qu’un autre rappel de la vulnérabilité des infrastructures et des chaines d’approvisionnement du pays” a commencé Mark Zandi, économiste en chef de Moody’s Analyctics.

Des détournements de bateaux en masse

D’autant que le port de Baltimore n’est qu’un problème de plus parmi les difficultés d’approvisionnement du commerce maritime aujourd’hui. D’un côté, le canal de Panama, qui représente 6% du trafic maritime mondial, a dû réduire la voilure en raison de la crise climatique aggravée par le phénomène El Nino. La sécheresse a ainsi provoqué de longues files d’attente de navires bloqués devant ce goulet d’étranglement. D’un autre côté, le deuxième check-point, le canal de Suez, a réduit jusqu’à 42% son trafic au cours des deux premiers mois de l’année. En cause :  les attaques des rebelles houthis qui soutiennent le Hamas face à Israël. Plusieurs grands transporteurs comme le français CMA-CGM ou encore le géant MSC ont décidé de détourner leurs navires après plusieurs attaques. Or le canal de Suez a fait transiter 12 à 15 % du commerce mondial en 2023.

Pour contourner ces passages maritimes, les opérateurs ont décidé de détourner leurs navires, tout comme ils le font aujourd’hui pour éviter Baltimore. Or, ces nouveaux itinéraires rallongent les parcours et émettent davantage de CO2 notamment en raison d’une vitesse accrue pour rattraper le retard lié au contournement. En février dernier, l’ONG Transport & Environnement avait justement calculé pour Novethic ce qu’impliquaient ces détournements. “Prenons par exemple un porte-conteneurs comme le Al Zubara entre Singapour et Le Havre. Nous estimons que si ce navire passait par le Canal du Suez, il émettrait presque 6 000 tonnes de CO2 (5 949 tonnes pour être précis)”, analysait Constance Dijkstra, spécialiste du secteur maritime pour l’ONG. “En passant par l’Afrique du Sud, ce navire augmente ses émissions de CO2 de 45% en émettant plus de 8600 tonnes de CO2 (8648 tonnes exactement)”. En plus de l’impact environnemental, ces difficultés alimentent l’inflation en pleine crise du pouvoir d’achat.

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