Quand quelqu'un, quelque part, décide de ce qui est essentiel...

Quelqu’un, quelque part, vient de décider ce qui pour moi est essentiel, et ce qui ne l’est pas. Ce qui est utile ici, et accessoire là. Ce qui peut m’être vendu, et ce qui ne doit pas l’être. Quelqu’un, quelque part, vient de décider que tel commerce peut rester ouvert quand tel autre doit fermer ses portes. Que l’un peut survivre quand l’autre doit s’éteindre.


En confinant les Martiniquais, nos dirigeants n’avaient qu’une seule intention : freiner la propagation du virus. Ils ont fait ce choix avec des informations partielles dans une main et des questions nombreuses dans l’autre, convaincus de bonne foi que l’activité des uns mettait en danger la vie des autres. Ils ont pris une décision difficile que personne n’aimerait prendre à leur place. Une décision forcément imparfaite. On ne peut pas leur en faire reproche.

Mais on peut tout de même s’interroger…

Un confinement allégé, laissant la bride à certains et bloquant d’autres, génère forcément un sentiment d’injustice et un relâchement des responsabilités citoyennes. Or, dans la crise que nous traversons, l’implication individuelle de chacun est requise. Mais quand quelqu’un, quelque part, commence à répartir les uns et les autres entre le camp des « essentiels » et le camp des « non-essentiels », alors survient la contestation, premier étage de la division.

Car oui, il faut expliquer maintenant au cordonnier que son métier n’est pas essentiel, au libraire que l’on peut se passer de ses services, au coiffeur qu’on n’a plus besoin de lui, au tailleur qu’il peut se tailler ailleurs… et tout à l’avenant. Alors que ces mêmes professionnels dits « non-essentiels » ont été les premiers promoteurs des gestes barrière, qu’ils ont tous investi dans des dispositifs contraignants pour protéger leurs collaborateurs et leurs clients, qu’ils ont été à leur niveau, essentiels dans la lutte contre l’épidémie. Et qu’ils seront demain essentiels à la survie de notre économie et de nos emplois.

Et comble de l’absurdité, plutôt que de laisser tous les commerçants libres de commercer en leur imposant quelques règles strictes qu’ils seraient les premiers à défendre, quelqu’un, quelque part, vient scruter les rayons des hypermarchés pour décider ce qui est « essentiel » et ce qui ne l’est pas.

Mais peut-être y a-t-il des raisons objectives qui rendent la stratégie du demi-confinement plus efficace que toute autre ? Peut-être existe-t-il une juste explication selon laquelle la répartition des clients dans les magasins de proximité est plus dangereuse que leur concentration dans quelques points de vente ? Peut-être que quelqu’un, quelque part, a-t-il étudié l’impact économique, social et sanitaire de l’effondrement des milliers de commerces qui ne se remettront pas de leur fermeture forcée ? Auquel cas alors, toute amertume bue, nous devrons nous plier à la stratégie de nos dirigeants. Car rien ne doit ébranler notre unité.

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