Dans cet article, Maurice Laouchez nous invite à un voyage introspectif au cœur de la Martinique, où le poids du passé résonne avec une intensité particulière dans le discours public et les commémorations. Dans ce “Repères” il explore les raisons multiples et profondes de cette présence constante de l’histoire, depuis l’émotion presque génétique liée aux souffrances des ancêtres jusqu’aux défis contemporains masqués par le voile de la mémoire. Avec une plume à la fois critique et optimiste, Maurice Laouchez soulève les enjeux actuels de la société martiniquaise, des inégalités salariales aux séquelles de l’ostracisme, en passant par des pratiques exclusives qui perdurent. Ce texte nous appelle à reconnaître ces réalités pour mieux les dépasser, en posant un regard résolu vers l’avenir avec le mantra : “MANMAY, AN NOU GADÉ DOUVAN !” (“Enfants, regardons devant !”).


𝗟𝗲 𝗽𝗮𝘀𝘀𝗲́ 𝗰𝗲𝗿𝘁𝗲𝘀, 𝗺𝗮𝗶𝘀 𝘀𝘂𝗿𝘁𝗼𝘂𝘁 𝗹𝗲 𝗽𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗻𝘁”,

Maurice Laouchez

La Martinique est sans conteste le territoire français dans lequel les souffrances du passé ont la plus grande présence dans le débat public et les manifestations d’anniversaires.

On peut trouver à cette insistance plusieurs causes.

La première tient, chez une minorité de personnes, à une véritable émotion, peut-être génétique, à la pensée des souffrances endurées par leurs ancêtres. Personne n’a le droit de contester cette sensibilité.

La deuxième raison tient aux échecs d’un certain nombre de personnes, de toutes couleurs, qui cherchent à cacher par une référence constante au passé leur incapacité à relever les défis d’aujourd’hui.

L’enfumage restera encore longtemps une manière facile de tromper les peuples.

La troisième raison tient à l’arrogance d’un certain nombre d’Européens qui se comportent comme en pays conquis, car persuadés que la chaine de l’autorité , tenue massivement par d’autres Européens, jouera toujours en leur faveur.

Mais la raison la plus importante est sans doute la dernière.

Elle tient à la survivance, aujourd’hui, d’un certain nombre de pratiques rarement évoquées, par peur de soulever de lourdes contestations.

Comment nier que les salaires perçus dans le secteur privé sont trop souvent scandaleusement bas, alors même que les bénéfices des actionnaires sont plus que confortables? Des employés présents dans la même entreprise parfaitement rentable depuis 30 ans gagnent parfois à peine  le SMIC.

Une telle anomalie ramène  forcément à un certain passé.

Comment nier que la communauté indienne fait encore l’objet, de la part de certain Noirs, d’un ostracisme rarement publiquement dénoncé, et lié au passé péri-esclavagiste?

Comme nier enfin qu’il y a dans la communauté békée un certain nombre de familles où le mariage avec un Noir ou une Noire serait vécu comme une déchéance, et qui organisent savamment la mise en contacts aussi faible que possible entre leurs enfants et les enfants noirs?

De telles pratiques ramènent également à un certain passé, et ne se retrouvent dans aucun autre territoire d’outre-mer avec une telle intensité.

Si nous voulons consacrer un peu moins de temps et d’énergie à la célébration de souffrances  passées, sur lesquelles nous ne pouvons rien, il s’avère urgent de s’attaquer résolument aux verrous d’aujourd’hui, sur lesquels nous pouvons beaucoup.

MANMAY, AN NOU GADÉ DOUVAN !

 

 

 

 

 

 

 

 

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