Santé/Économie : le terrible arbitrage[
Qui aurait raisonnablement pu penser, en dehors des collapsologues, qu’au 21ème siècle cette question se poserait ? Depuis février, le choix a été fait par les pouvoirs publics de privilégier la protection des plus fragiles d’entre nous face au virus. Les économies, en France comme dans presque tous les pays du monde, ont été arrêtées sur ordre sanitaire et non pas parce qu’elles étaient cassées.

Pour le philosophe Damien Le Guay, ce choix s’imposait d’une façon majoritaire pour les français et on peut
le comprendre et le soutenir dit-il. Mais poursuit-il “Un choix est fait, dont nous ne mesurons pas toutes les conséquences : étouffer l’économie, la mettre sous cloche, faire porter sur les générations futures la santé des contemporains, plutôt que de laisser la pandémie se dérouler comme toutes les pandémies en protégeant les individus. D’une certaine manière nous nous donnons le choix, nous croyons avoir le choix, pour être des économies riches et pour faire porter par la solidarité collective une grosse partie du coût de cet étouffement économique. “
En écho, Dominique Seux sur France inter illustre ces deux mondes de l’économie et de la santé : “d’un côté les équipes sociales, l’œil rivé sur les courbes hospitalières, souhaitaient qu’un nombre très limité d’entreprises restent ouvertes, celles des secteurs dits stratégiques.
De l’autre les équipes économiques ont expliqué que ces secteurs stratégiques ne fonctionnent pas sans conditionnement, emballage, transport, que les médicaments, il faut les fabriquer et qu’on a besoin d’entretenir les réseaux d’eau, d’électricité, etc. Bref, qu’il y a beaucoup de secteurs stratégiques. Elles ont expliqué aussi que si on arrête tout, les “morts” économiques seront nombreux. Car ce sont les plus précaires, travailleurs ou très petites entreprises, qui tombent les plus vite à terre.”
Si l’on parle chiffres, ce sont donc, il est vrai, avant les revenus des salariés ou des retraités, les entreprises qui souffrent, et d’abord, en nombre, les plus petites, sans chiffre d’affaires : commerçants, artisans, tourisme, restaurants etc.
Alternatives Économiques, comme le gouvernement, pense que l’on peut concilier les deux approches. Le magazine écrit : “Loin d’être antagoniste, une action publique forte portant à la fois sur la crise sanitaire et sur les chocs économiques qu’elle provoque permet, dans les deux cas, de limiter l’impact d’une crise sans précédent sur la vie des gens, à court et à plus long terme. ”
Mais en est-on sûrs ? Et si les enjeux étaient ailleurs ?
Pour le philosophe André Compte-Sponville, c’est en effet l’ordre sanitaire opposé à l’ordre moral. Critiquant une théorie du “pan-médicalisme”, le philosophe s’inquiète pour une “société, une civilisation qui demande tout à la médecine” et qui fait de la santé la valeur suprême et non plus la liberté, la justice, l’amour qui sont pour lui les vraies valeurs suprêmes”

Peut-on conclure un tel débat ? Le philosophe Damien Leguay s’y essaye mais l’esquive : ” Oui l’équation est impossible. . Les choix tragiques. Qui pourrait dire qu’il « accepte » des morts aujourd’hui pour éviter du chômage demain ? Qui pourrait assumer dé mettre la santé de l’économie avant celle des Français ?
Qui pourrait ne pas prendre les mesures adaptées aujourd’hui pour préserver les entreprises ? Qui ? Personne. Surtout dans nos démocraties compassionnelles.

A l’Assemblée nationale mercredi, le premier ministre Edouard Philippe déclarait : ” En ce moment, je choisis entre des mauvaises décisions”. Arbitrage terrible !
Mais il conviendra, plus tard, de comprendre comment on a pu en arriver à une telle situation de “non-choix Finalement …?

 

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