Les trois décès de la semaine dernière – portant à seize le nombre d’homicides depuis le début de l’année – expliquent très probablement la récente conférence de presse tenue par la représentation étatique, notamment dans sa composante sécuritaire. Nous y étions : entre « état des lieux » et annonces diverses.

Ouvrant la séquence des communications, Jean-Christophe Bouvier, le préfet de Martinique, exprima sa volonté d’insister sur ce qui suit : « un quart des homicides (…) depuis le 1er janvier dernier, sont le fait de violences intrafamiliales. » Soit quatre homicides s’inscrivant dans ce type de violence(s) au moment de la rédaction de ces lignes. Et le préfet d’ajouter, dans le même souffle : « Il faut aussi prendre en compte cette information dans l’appréciation de la situation. » Poursuivant son propos, M. Bouvier indiqua qu’il y avait eu en 2023 – au moment de cette communication à la presse et de la rédaction de ces lignes – pas moins de 44 tentatives d’homicides : des réalités faisant déjà de 2023 une année plus « criminogène » que 2022 (+ 4 homicides et + 4 tentatives d’homicides par rapport à l’an dernier) et faisant de la Martinique « le deuxième département le plus criminogène de toute la France (après la Guyane, dit le préfet) avec un taux d’homicide de 5,96 pour 100.000 habitants, ce qui est six fois supérieur à la moyenne nationale. » Revenant sur certains types de violences, Jean-Christophe Bouvier d’ajouter qu’il y a « 5 cas de violences intrafamiliales et de violences faites contre les femmes en Martinique chaque jour » et qu’« une femme sur cinq se déclare en situation de violence(s) conjugale(s) en Martinique. » Le cadre des communications était ainsi posé.

William Vaquette et Jean-Christophe Bouvier

« Il serait faux de dire qu’il y a une impunité des criminels en Martinique » 

« Concernant ces 16 homicides, il faut rappeler aussi que la moitié des auteurs présumés ont déjà été interpellés », souligna alors le préfet, « donc il serait faux de dire qu’il y a une impunité des criminels en Martinique. » Et de poursuivre : « Les taux d’élucidation des crimes et délits progressent en Martinique, avec un taux qui progresse de 04% depuis le début de l’année : il est de 52% en zone gendarmerie et de 38% en zone police. » Une progression qui est néanmoins à relativiser eu égard à un autre taux : celui de la récidive, qui est de 90% sous nos cieux… . Au chapitre, crucial en l’espèce, de la circulation d’armes à feu, le premier intervenant fit état de « 96 saisies depuis le début de l’année » et de la destruction (« début juillet ») de « 500 armes à feu supplémentaires. »  Evoquant alors le « diagnostic » sécuritaire coordonné sous nos cieux par le préfet François Lalanne entre décembre 2022 et avril dernier, M. Bouvier qualifia ce diagnostic de « mauvais », en ce sens que ledit travail avait établi un « très grand retard en Martinique, par rapport à des territoires équivalents comme la Guadeloupe, dans le déploiement de la vidéosurveillance. » « Quand vous voulez lutter contre les trafics de stupéfiants par exemple, si vous n’avez pas les moyens de déployer vous partez avec un handicap plus fort », affirma le préfet, « et au-delà, il y avait 30% des caméras déployées dans les villes de Martinique qui étaient hors service. » Il est à noter, sur ce point, que suite à l’abondement financier d’un fonds spécifique, des caméras de vidéosurveillance devraient être installées à Schoelcher, Fort-de-France, au Diamant, à Saint-Joseph, Sainte-Marie et à Basse-Pointe. Concernant les CLSPD (Contrat Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance), qui s’imposent aux communes de plus de 5000 habitants en Martinique, Jean-Christophe Bouvier souligna que « quatre communes » n’avaient pas écrit ledit contrat et que « d’autres l’avaient écrit mais ne l’avaient jamais réuni. » Et d’ajouter : « Or ces contrats servent aussi à travailler avec l’autorité judiciaire, avec les forces de sécurité, avec les élu.e.s, avec les associations, à une connaissance du terrain, à une meilleure emprise des forces et une collaboration des forces et des acteurs de prévention, sur le terrain. » Le message est passé.

« Il y aura 100 opérations d’anti-délinquance, chaque mois, qui seront menées par les forces de police et de gendarmerie » 

Hugues Galy

Au chapitre forcément attendu des annonces, Jean-Christophe Bouvier indiqua notamment que les 30 militaires de gendarmerie supplémentaires – renfort annoncé par le ministre de l’Intérieur et des outremers, Gérald Darmanin, il y a quelques mois – arriveraient sous nos cieux « à partir de cet automne », que « nous continuons à travailler à l’installation matérielle du RAID », qu’il y aurait un renforcement des brigades de police-secours nocturnes, etc. Le préfet de mentionner également le « lancement des patrouilles mixtes internationales avec le gouvernement de Sainte-Lucie », « l’installation des radars maritimes à la fin de l’année 2024 (« pour le moment aucun problème n’est identifié et le calendrier sera respecté », assura-t-il), le renforcement de l’antenne de l’OFAST (Office Anti-Stupéfiants) et la « création d’un poste de magistrat de liaison avec Sainte-Lucie, dont l’objectif est d’améliorer la coopération judiciaire et qui s’installera avant la fin de cette année ». Pour la période « estivale », poursuivit M. Bouvier, « il y aura 100 opérations d’anti-délinquance, chaque mois, qui seront menées par les forces de police et de gendarmerie », « une opération de contrôle, chaque jour, dans la bande des 1 kilomètre du littoral, pour accroître la lutte contre les entrées et sorties illégales de personnes et de biens, de trafics de stupéfiants » ainsi que le renforcement des contrôles routiers (« notamment contre les tirages et les rodéos urbains »). Puis le préfet d’annoncer qu’à l’occasion des « grands événements » de nos grandes vacances – tour cycliste, tour des yoles rondes, Mercury Beach, fêtes patronales, etc. – il y aurait des « dispositifs de sécurité renforcés ». A suivre donc.

« Ce phénomène est en train de prendre de l’ampleur, avec des règlements de compte liés à des trafics » 

« Quasiment un jour sur deux, nous avons une enquête criminelle », indiqua pour sa part William Vaquette, le commandant de la gendarmerie en Martinique, « que ce soit pour un viol, un homicide, une tentative d’homicide, un vol à main armée ou une tentative de vol à main armée. » Un dirigeant qui insista également sur la nécessité que les forces de sécurité soient présentes, visibles – donc dissuasives – sur le terrain : une présence qui, rappela le général Vaquette, est l’une des volontés politiques du ministre de l’intérieur. Quant à Pierre-Marc Fergelot, le directeur territorial de la police nationale, il confirma notamment la « création d’une brigade supplémentaire de notre ‘’compagnie d’intervention’’, pour accroître notre présence sur la voie publique. » Et d’ajouter qu’une partie des 16 homicides commis depuis le 1er janvier dernier est « liée à la criminalité organisée ; organisée pour une partie sur l’île (la Martinique) et pour une autre partie qui arrive de l’extérieur, d’îles voisines (…) ce phénomène est en train de prendre de l’ampleur, avec des règlements de compte liés à des trafics. » Enfin Hugues Galy, le directeur interrégional des douanes, fit une annonce – heureuse pour certains, désagréable pour d’autres – à savoir un « scanner mobile, qui sera installé sur le Port pour pouvoir, de manière non intrusive, contrôler l’intérieur des conteneurs et pouvoir lutter contre tous les phénomènes de trafics : que ce soit à l’arrivée, avec du cannabis ; que ce soit au départ, avec de la cocaïne. » Et d’ajouter : « C’est dans ces liaisons, notamment avec l’Hexagone et l’Europe, que l’on arrive à trouver des grandes quantités de produits stupéfiants (…) sur l’année dernière c’était à peu près une tonne qui a été saisie sur l’île : 300 kilos de cocaïne, 700 kilos de cannabis. Et les saisies du début du premier semestre (2023) sont à peu près équivalentes à celles qui avaient été réalisées l’année précédente. »

Mike Irasque

Crédit photos : Roland Dorival et Mike Irasque.

Pierre-Marc Fergelot

 

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