Créé en février dernier à l’initiative de l’exécutif de la CTM, le ‘’Groupement d’Intérêt Public’’ (GIP) intitulé « Sortie de l’Indivision et Titrement Martinique » (GIP SITM), a récemment tenu son assemblée générale d’installation. Premiers éléments d’explication.

Plus précisément, ce « GIP SITM » est désormais constitué de la CTM et de l’Etat, avec pour partenaires l’« Association des Maires de Martinique », la « Chambre interdépartementale des notaires de la Martinique et de la Guyane », ainsi que le « Conseil régional Antilles-Guyane de l’Ordre des géomètres-experts ». En outre, la présidence de cette assemblée générale (AG) sera assurée, en alternance, par le président du Conseil exécutif de la CTM, Serge Letchimy, et par le préfet, actuellement Jean-Christophe Bouvier. Lors de cette installation ces différents membres-représentants ont notamment échangé, indiquent les supports de communication de la CTM, sur les modalités pratiques de fonctionnement de ce GIP et sur la constitution d’une équipe opérationnelle aux côtés de la directrice dudit GIP (Catherine Modeste, ndr) et de la présidente de son conseil d’administration (Me Danielle Marceline, ndr). Un GIP qui devrait permettre, assurent lesdits supports, de « débloquer les problèmes d’indivision ou de titres de propriété qui touchent plus de 40% du foncier privé en Martinique. » Et d’ajouter : « Il s’agit, par la mise en œuvre concrète de cette structure, de renforcer l’application de la ‘’Loi Letchimy’’*, d’accompagner les familles martiniquaises à la sortie de l’indivision successorale et de constituer ou reconstituer des titres de propriété dont l’absence provoque de grandes difficultés patrimoniales, y compris des cas d’indivision. » Un GIP qui devrait être « pleinement opérationnel à la réception des publics en septembre 2023. » A l’issue de cette séance de travail inaugurale nous avons interrogé le président du Conseil exécutif de la CTM, dont le propos fut régulièrement empreint d’une limpide fermeté à l’endroit d’une corporation-clé en matière d’indivision. Entretien.

Serge Letchimy :

« On ne peut pas rester spectateurs de ce problème d’indivision… » 

Antilla : Pour rappel, à quoi ce GIP doit-il ou va-t-il servir concrètement ?

Serge Letchimy : L’indivision est un vrai problème en Martinique : autour de 52% de biens sont en indivision, parfois jusqu’à 73 voire 80%, notamment dans le nord de la Martinique. Donc le système immobilier est bloqué, parce que les successions ne sont pas réglées, ça nous bloque sur le plan du BTP, ça crée des cancans incroyables au niveau familial, (cancans) qui parfois se terminent très mal au sein des familles. L’outil qu’est ce GIP permet de rassembler des notaires, des géomètres, des autorités publiques, les communes, les EPCI etc., afin qu’on puisse accompagner la sortie de l’indivision c’est-à-dire l’établissement des actes, par la ‘’loi Letchimy’’ ou par d’autres formes d’intervention ; ce qui permettra d’avoir un lieu très opérationnel pour accompagner notamment les ‘’petites’’ familles : les gens qui, faute de moyens financiers, ne peuvent pas payer expert(s), géomètre(s), etc. Il y a aussi un accompagnement à faire pour la publication de certains actes de décision par les mairies, donc il faut un intermédiaire, ce que fera aussi ce GIP. Notre objectif est d’accompagner la sortie de l’indivision de manière plus rapide.

Quelle est la prochaine étape relative à ce GIP et ses objectifs ?

En termes de fonctionnement concret, nous ciblons fin septembre prochain. L’AG qui vient de s’achever aujourd’hui a arrêté des décisions sur les statuts, les moyens financiers, le personnel, etc. Ce GIP sera installé au bâtiment Delgrès, à Dillon, avant qu’un site définitif soit trouvé, les recrutements de personnel vont commencer, donc je pense que nous serons opérationnels d’ici fin septembre.

Quel motif de satisfaction retenez-vous à l’issue de cette séance d’installation ?

Je pense qu’on a su créer une vraie dynamique avec l’Etat, les notaires, les géomètres, l’Association des Maires, etc. Les institutionnels viennent donc accompagner une problématique qui est plutôt d’ordre privé que public. De plus, la décision a été prise en août 2022 et, moins d’un an après, nous en sommes là : c’est aussi un motif de satisfaction. Et j’ai beaucoup d’espoir que cet outil permettra aussi aux notaires – c’est un message que je fais aux notaires – d’être efficaces et de s’impliquer. Nous attendons des petites modifications pratiques du texte de la ‘’loi Letchimy’’, justement pour rassurer les notaires, mais si les notaires restent sur leurs positions, on risque d’avoir des contentieux avec eux.

« Un notaire ne peut pas s’opposer à l’émission d’un acte pour des raisons qui ne sont pas fondées… » 

Les notaires sont-ils prêts à « s’impliquer » comme vous dites ?

Je le souhaite du plus profond de mon cœur, mais je le dis clairement : il y a des règles de loi et un notaire ne peut pas s’opposer à l’émission d’un acte pour des raisons qui ne sont pas fondées. On a pris en compte les difficultés* rencontrées par les notaires – c’est vrai qu’il y avait des difficultés -, maintenant il faut que les notaires respectent la loi et l’exécutent. D’ailleurs nous avons demandé que des réformes passent lors du CIOM (Comité Interministériel des Outre-Mer) qui est prévu début juillet. Nous avançons donc pour sécuriser les notaires : maintenant il ne faut pas du tout que le corps notarial raconte à la population que la loi (Letchimy, ndr) n’est pas applicable, etc. Dans ce cas là je rentre dans un contentieux.

A quel type de problème, par exemple, les acteurs font-ils face dans ce vaste « dossier » de l’indivision ?

Comme c’est un acte établi par le notaire, et non par la procédure judiciaire, le notaire peut se sentir pas trop en sécurité pour l’établissement de l’acte, de peur d’être attaqué par une tierce personne. C’est pour cela que nous avons sécurisé tout cela par une loi. Donc le notaire doit exécuter l’acte. Nous l’aidons à sécuriser, nous l’aidons aussi dans les recherches généalogiques : ce GIP c’est quand même un investissement de 2,4 millions d’euros, à 50-50 par la CTM et par l’Etat, donc on n’a pas mis autant d’argent et puis les notaires nous disent qu’ils ne feront pas l’acte… . Je le répète : je n’ai rien contre les notaires, ils font le travail, nous les sécurisons, mais à un moment donné fok yo fè’y. Si yo pa fè’y, man ka alé au contentieux. J’ajoute enfin que l’objectif n’est pas de créer un ‘’boom’’ immobilier : il ne s’agit pas de sortir de l’indivision pou bat’ béton. Mais il s’agit par exemple de restaurer le patrimoine, de sortir des quartiers qui sont en difficulté(s), de problématiques de squats, etc. En tout cas on ne peut pas rester spectateurs de ce problème d’indivision.

Propos recueillis par Mike Irasque

*La loi du 27 décembre 2018, dite ‘’loi Letchimy’’ du nom de celui qui en fut à l’initiative. *Des « difficultés » notamment dans la recherche d’héritiers et dans l’absence de titres de propriété. Crédits photos : MI et CTM.

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