Dans nombre de collectivités le népotisme et le clientélisme règnent en maître.

Le recrutement de parents amis et alliés veut que ces lieux, qui devraient être des services publics et des espaces d’expression démocratique du système républicain, sont les royaumes de potentats.

Si l’ascenseur de l’école républicaine ne fonctionne plus, c’est que des élus et leurs prébendiers en ont grippé le système.

Combien de fois retrouvons-nous dans des administrations de collectivités publiques des agents ayant des patronymes similaires à celui des élus ? Souvent, ce n’est pas qu’une simple coïncidence ; loin de là !

Si ces faits sont avérés à différents échelons de la sphère politico-administrative française, ils sont criants à l’échelle des régions, de dimension moindre, où sang et noms de familles se mêlent et s’entremêlent.

Dans telles mairies et autres collectivités, où les rejetons sont employés, le papa, la maman, les tantes ou oncles en sont, comme par hasard, des élu(e)s. À défaut, les « petits gâtés » seront recrutés dans celles des amis et alliés qui sauront s’en souvenir, pour un « petit service en retour » ; les exemples foisonnent…

Quand il ne s’agit pas de parentèle, c’est de clientèle dont il est question !

Ainsi, prenons l’exemple des agents communaux, ceux qui font l’objet d’un recrutement direct par le maire.

Ces emplois publics sont, de plus en plus souvent, exercés par des non-titulaires, recrutés de gré à gré ce qui place ce personnel à la merci d’un chantage à la titularisation dont certains élus ne se privent pas.

Il s’agit de fonctionnaires soumis à un même ensemble de règles -appelé statut particulier- fixé par décret, et ayant vocation à occuper les mêmes emplois de catégorie C. C’est l’échelle de rémunération la moins élevée de la fonction publique ; celle, par exemple : des agents affectés à la cantine ou à l’entretien des locaux.

Généralement, ce sont des militants ou des sympathisants du maire. Ils auront mené campagne, à ses côtés, pour son accession au pouvoir. Leur emploi est leur « récompense ». Ils sont et demeurent des agents électoraux. Ils n’ont donc forcément pas le sentiment d’être un personnel communal affecté à un service public. Ils ont à l’esprit d’avoir le feu sacré car bénis de l’élu et donc d’être protégés par Dieu le maire.

  • D’une part, ils se retrouvent, au sein de leur service, confrontés à une résistance passive des agents naguère inféodés à l’ancienne édilité ; il en résulte des conséquences paralysantes pour leur efficience.
  • D’autre part, ce personnel vassalisé se sentira obligé d’être le « surveillant » des intérêts de celui l’ayant nommé à son poste. Ses collègues, n’ignorant rien de son mode de recrutement, s’en méfieront ; ce qui instaure un climat délétère au sein de la « communauté » de travail.

Les agents appelés à servir sous le règne du nouveau maire sont ses obligés. Ils évoluent donc dans leur emploi avec un sentiment de non-liberté car contraints d’afficher leur reconnaissance à leur « bienfaiteur ». Leurs collègues, recrus de l’élu déchu, se sentent, eux, menacés par le nouvel arrivé auquel ils essaieront d’envoyer des signes d’allégeance. À moins qu’il s’agisse de tempéraments forts.

Dans cette dernière hypothèse, ce sera l’affrontement avec l’élu fraîchement arrivé, tout comme la fidélité affichée au candidat malheureux et son retour espéré. Avec, souvent, des blocages venant paralyser le service public.

Il faut une révolution administrative -et sans doute aussi politique- pour mettre un terme au népotisme et au clientélisme. Il convient désormais de renverser la table d’un système du « passe-moi le sel, je te passe le poivre », par un recrutement fondé sur l’équité au regard des compétences de chacun.

Clef de liberté au travail

Il s’agit :

  • Soit d’instaurer une agence indépendante, chargée de recueillir les besoins en personnel des collectivités locales et territoriales.
  • Soit de renforcer les prérogatives du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT). Lequel est, pour l’heure, principalement chargé de la formation des agents territoriaux.

Sa mission nouvelle viserait ainsi à favoriser une application uniforme et équitable du statut de la fonction publique territoriale.

Cette nouvelle instance -ou le CNFPT renforcé- ferait en quelque sorte Office de Service des Ressources Humaines (OSRH). Elle évaluerait donc les compétences à partir d’une liste d’aptitude proposée par lesdites collectivités et se chargerait du placement des personnes, librement sélectionnées, au sein de chaque collectivité en fonction des besoins de celle-ci et du profil du candidat sélectionné.

J’entends ceux qui m’opposeraient qu’une agence chargée de présélectionner les candidats en fonction de leurs compétences : « c’est une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales » ! Mais qu’en est-il de l’atteinte du droit au travail de chacun et de l’égalité des chances des citoyens ?

Cette réforme ferait que les maires et autres politiciens élus, seraient ainsi tenus éloignés de la tentation d’un recrutement favorisé pour raisons familiales, amicales et surtout électorales !

Dès lors, les agents ainsi sélectionnés le seraient : avant tout, en raison de leurs compétences et donc de leur utilité dans le poste où ils sont affectés, pour une réelle efficacité au service du public.

Bien évidemment, pour qu’une telle proposition rencontre un écho favorable, encore faudrait-il que les décideurs soient prêts à la rupture d’avec le système des prébendiers et pour l’instauration des principes démocratiques et républicains : Liberté, Égalité.

De la morale politique

Indiscutablement, un signal fort lancé aux électeurs viendrait -pour ce type de recrutement hors voie de concours- du mérite de chaque postulant à un emploi public.

Le comptable de la commune (« percepteur ») ne devrait payer que les agents recrutés par le CNFPT ou l’OSRH. Recrutement validé par un arrêté de l’exécutif et reconnu légal par le préfet. Mais, si ledit comptable ne se soucie pas de cette règle, le maire a les mains libres…

Dans le système actuel, il y a un autre responsable -parfois défaillant- le directeur général des services (DGS). Son rôle est de vérifier que le personnel échappe politiquement au maire, lequel dispose d’un cabinet, nommé, à son entière discrétion.

Hélas ! Le plus souvent, le DGS n’ose s’opposer à « son » maire (qui le note chaque année, comme l’ensemble du personnel), par crainte sans doute pour l’évolution de sa carrière. Il se rend même parfois coupable en fermant les yeux et laissant exécuter des actes illégaux, par des agents, pour le compte du premier magistrat de la commune…

Notons, à la décharge de ce fonctionnaire, qu’il ne peut exercer qu’un contrôle juridico-administratif ; il n’a pas prise sur ce qui relève de la morale politique.

Sans doute le désintérêt marqué du citoyen pour les urnes émane-t-il également de sa vision de l’actuel mécanisme de l’entre-soi, lequel est un plafond « de fer », favorisant la médiocratie car fondé sur le seul critère relationnel.

Il importe désormais de rompre avec ce système, propre à corrompre, n’ayant cure d’une méritocratie indispensable au progrès et au service de ce pays.

Ainsi, à l’aune de la probité et de l’équité, l’ascenseur social devrait trouver un fonctionnement « normal » car il ne serait plus mu par celui du « piston ».

Guy FLANDRINA

Observateur de la vie politique

 

 

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