St Lucia Times
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La Journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai) est désormais chose du passé. Pour de nombreux médias du monde entier, cette journée rappelle aux gouvernements la nécessité de respecter leur engagement en faveur de la liberté de la presse, selon l’ONU. C’est aussi l’occasion pour les professionnels des médias de réfléchir à la liberté de la presse et à l’éthique professionnelle.
Dans de nombreux pays, cette journée a été marquée par des conférences, des formations et des déclarations de solidarité, voire des manifestations contre les tentatives de museler la presse. Ici, à Sainte-Lucie, en revanche, la Journée mondiale de la liberté de la presse s’est déroulée dans un silence relatif.
Ce silence pourrait ne pas être dû à la répression gouvernementale, mais plutôt à la volonté des médias eux-mêmes. L’absence d’une instance représentative forte des journalistes est probablement un facteur.
Sainte-Lucie possédait autrefois l’une des associations de médias les plus dynamiques de la région, une entité reconnue par l’UNESCO, active au sein de l’Association des travailleurs des médias des Caraïbes (ATM) et jouant un rôle déterminant dans la formation et le plaidoyer. Mais, avec l’évolution du paysage médiatique au début des années 2000, l’association a décliné. Ironiquement, ce déclin a coïncidé avec un essor des médias, notamment des stations de radio et des plateformes en ligne.
D’autres facteurs ont contribué à cette situation. Les gouvernements successifs ont empiété, certains diraient même infiltré, certaines nouvelles entités médiatiques, brouillant la frontière entre journalisme et relations publiques gouvernementales. Au fil du temps, les récompenses ont pris la forme de postes ministériels de relations publiques, brouillant encore davantage la frontière entre propagande et véritable journalisme. L’expansion des médias a également entraîné une ruée vers les talents, conduisant souvent à l’embauche de journalistes non formés. Des professionnels chevronnés ont été mis à l’écart ou ont choisi de se retirer, tandis que des manœuvres politiques couvaient sous la surface.
Aujourd’hui, de nombreux animateurs de talk-shows se font passer pour des journalistes et diffusent une propagande partiale. Certains publics, sans méfiance, les prennent pour des journalistes authentiques. Les réseaux sociaux ont aggravé le problème : les citoyens ne se fient plus uniquement au journal télévisé du soir ou à des journalistes crédibles. Ils sont désormais bombardés d’informations incessantes, ce qui rend plus difficile de distinguer les faits du sensationnalisme ou des mensonges flagrants.
Aujourd’hui, la technologie présente un nouveau défi. Les médias peuvent-ils exploiter leur potentiel tout en atténuant les menaces qui pèsent sur eux, et rester pertinents ? Le thème de la Journée mondiale de la liberté de la presse de cette année était notamment : « L’information dans le meilleur des mondes : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias ». Pour marquer cet événement, l’Union caribéenne de radiodiffusion (CBU) a organisé un atelier sur la sécurité numérique face aux menaces croissantes qui pèsent sur les journalistes de la région.
L’Institut des médias des Caraïbes a publié une déclaration appelant à une collaboration régionale pour exploiter le potentiel de l’IA tout en préservant le discours démocratique.
Pour relever ces défis, la communauté médiatique de Sainte-Lucie doit se réorganiser en un organe représentatif fort et actif, qui défend les journalistes, s’attaque à la victimisation et fait pression pour des mesures législatives, telles que la législation sur la liberté d’information, attendue depuis longtemps.
Enfin, le silence observé à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse ne se limite pas aux médias. Le gouvernement, lui aussi, n’a publié aucune déclaration significative de solidarité avec les journalistes locaux.
Comme l’a souligné la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola : « Une presse libre est le meilleur bouclier pour la démocratie. Les journalistes doivent être libres de faire leur travail sans crainte de censure, d’intimidation ou de représailles. »
Sabine Verheyen, vice-présidente du Parlement européen et présidente du groupe de travail sur la mise en œuvre de la loi européenne sur la liberté des médias, a fait écho à ce point, réaffirmant que « un journalisme libre, indépendant et diversifié est essentiel à toute société démocratique ».
Sainte-Lucie ne devrait pas s’attendre à moins – pas seulement en paroles, mais aussi en actes.-