Jean-Philippe Gaillard, co-fondateur de Systeko :

« En équipant 2 toitures sur 10 dans le résidentiel, nous atteindrons les objectifs fixés dans le cadre de la transition énergétique en Martinique, en passant de 100 Mw installés actuellement à 900 Mw »

Une partie de l’équipe…

En 2014, quatre amis passionnés par le secteur de l’énergie rêvent de développement durable et de renouvelable en Martinique. Avec chacun des expériences significatives dans le photovoltaïque, Jean-Philippe Gaillard, Directeur Général, Claude Macaire, Directeur Technique, Stanislas Gaillard, pour le développement commercial et Guillaume Durand, actuel Directeur de Systeko Guadeloupe et Guyane fondent ensemble ce qui est aujourd’hui une des sociétés majeures du solaire aux Antilles-Guyane. 

Convaincus que le solaire permettra à la Martinique d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la loi de transition énergétique, ces jeunes ingénieurs se sont lancés dans l’aventure sans hésiter.

Aujourd’hui, avec ses 65 collaborateurs, Systeko est un des leaders du photovoltaïque aux Antilles-Guyane pour les professionnels, les particuliers, le secteur associatif et les acteurs institutionnels.

L’entreprise qui est dans une dynamique d’amélioration continue de ses process, nous montre, tout au long de cet entretien, la souplesse et l’agilité dont elle fait preuve pour atteindre ses objectifs de développement.

Claude Macaire et Jean-Philippe Gaillard, co-fondateurs

Dans quel contexte Systeko a-t-elle été créée ?

Quand nous avons monté Systeko, il n’y avait plus de tarif de rachat d’électricité pour les centrales solaires depuis 2010. Nous avons commencé par l’autoconsommation. Nous avons mené un beau programme aidé à l’époque via le PTME[1] par des fonds alloués par la Collectivité Territoriale de Martinique, le SMEM, EDF et l’Europe via le FEDER. Nous avons déployé 230 installations chez des particuliers. Une grande première avec des systèmes de stockage Li-ion et des coffrets que nous avions développés en interne. Cela a été un beau succès.

Sur cette lancée, nous avons abordé des bâtiments d’envergure. Nous avons été choisi pour porter les principaux projets locaux d’investissement photovoltaïques sur des sites professionnels tels que Carrefour, Mr Bricolage, Décathlon, Leader Price, Auto GM, Intersport etc. Nous avons même réalisé ce qui a longtemps été la plus grande centrale en monobloc de France.. De 2015 à 2017, nous avons essentiellement œuvré sur des projets en autoconsommation Nous avons continué jusqu’à ce que dans le cadre de l’arrêté de mai 2017, fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, le prix soit réévalué. En d’autres termes, le tarif de rachat par EDF de l’électricité solaire produite et injectée au réseau par les producteurs tels que Systeko.

Nous sommes également présents en Guadeloupe et en Guyane depuis 2017.

L’autoconsommation reste-t-elle votre cible prioritaire ?

Bien que nous restions très engagés sur ce schéma, il s’agit d’une petite partie de notre activité, un petit potentiel pour l’instant. Pour autoconsommer et être totalement autonome, il faut être propriétaire et exploitant de son bâtiment et avoir de la visibilité sur 15 voire 20 ans. Il faut aussi en avoir les moyens : les coûts restent importants même s’ils ont baissé. Ce sont des rentabilités à long terme et ce n’est pas à la portée de tout le monde.

Nous aurions suggéré la mise en place d’aides systématiques et faciles à mettre en œuvre pour promouvoir ce genre de dispositif chez les particuliers et les professionnels. Cependant, il faut de tout pour arriver aux objectifs fixés qui sont extrêmement ambitieux.

À combien s’élèvent les tarifs de rachat ?

Avec l’arrêté tarifaire de mai 2017 réhaussant les tarifs, nous sommes passés de moins de 10 cents le Kwh à 17 cents – ce qui reste malgré tout deux fois moins que le coût de production en Martinique.

Les derniers chiffres montrent un coût de production oscillant autour de 25 à 27 cents. Actuellement avec la hausse des coûts d’approvisionnement et des frais d’approche, nous sommes certainement à plus de 30 cents. Grâce au nouveau tarif de rachat nous avons pu réaliser de nombreux investissements. Nous construisons des centrales et revendons l’énergie à EDF, qui a l’obligation de la racheter à condition de ne pas dépasser une puissance installée de 100 Kwc, soit environ 600 m² de surface de toiture.

Nous avons rapidement commencé à travailler sur des installations de 100 Kwc puis nous sommes très vite rendu compte que pour faire du volume, il fallait diminuer la surface, et donc la puissance, ce qui ne rendait pas l’exercice facile.

Systeko a véritablement fait la différence, pour pouvoir gérer des centaines et des centaines de projets. 450 centrales ont été construites en l’espace de 5 ans et plus de 1200 sont cours en développement.

Quelle a été la stratégie mise en place pour aboutir à ces chiffres ?

Pour y arriver, nous avons  beaucoup travaillé à l’amélioration de nos process et la mise en place de business units avec des responsables. Chaque projet a été découpé, depuis sa commercialisation en passant par les obtentions d’autorisations, le bureau d’études, jusqu’à son implémentation.  Nous avons aussi développé nos propres outils en interne par notre service Méthode ; 2 ingénieurs travaillent tous les jours à l’amélioration de ces outils. C’est ce qui nous a permis de gérer tous ces projets  tout en restant efficaces, et de descendre vers des puissances plus petites.

Nous œuvrons tous les jours pour convaincre les professionnels d’investir eux-mêmes via l’injection réseau. Mais même lorsqu’ils ont les moyens de réaliser les investissements et sont propriétaires de leur bâtiment, ils préfèrent développer le cœur de leurs activités et nous confier leur toiture en location. Nous développons le champ photovoltaïque, obtenons l’ensemble des autorisations et réalisons l’investissement. Le bail est établi sur 20 à 30 ans et durant toute cette durée, nous versons un loyer au propriétaire. C’est très intéressant pour nos bailleurs car le contrat comprend également la maintenance de la centrale.

Villa au Carbet

Actuellement, nous travaillons sur des maisons à partir de 180m². Nous visons à terme les toitures de 150m². Si nous en équipons juste 2 sur 10 en plus des 60% dans le tertiaire, nous atteindrons les objectifs de la transition énergétique en Martinique, soit 900 Mw (pour 100 Mw installés aujourd’hui). En sachant que 40% des toitures du tertiaire sont déjà équipées, la marge de manœuvre sur ces dernières est relativement faible : si on les équipe toutes, on ne va même pas doubler la puissance construite depuis 2006, alors qu’il faudrait multiplier ce chiffre par 9.

Pour arriver à l’autosuffisance énergétique aujourd’hui, la cible est donc le particulier ?

OUI ! Ce qui n’empêche pas d’équiper les grosses toitures . Il existe également quelques programmes au sol ; nous avons eu l’occasion de travailler sur des centrales assez exemplaires, notamment le premier projet au sol avec stockage Li-ion au Diamant – qu’un autre acteur a finalement réalisé. Nous nous intéressons à toutes ces initiatives, il y en aura peut-être encore quelques-unes mais elles ne nous permettront pas d’atteindre la puissance souhaitée, contrairement à la petite toiture. La difficulté, c’est que pour y arriver, il va forcément falloir réussir à gérer des milliers de centrales. Il faut s’organiser. Il faut des hommes, des femmes, des process. C’est vraiment là-dessus que nous nous concentrons depuis plusieurs années. Claude[2], est un passionné de l’amélioration continue et de la remise en question permanente. C’est clairement notre ADN.

N’y a-t-il pas une contradiction ? On veut atteindre l’autonomie et on ne peut pas faire de grosses centrales…

Eglise du Morne-Vert en Martinique

Cette possibilité existe mais en effet, au-dessus de 100 Kwc il n’y a pas d’obligation d’achat de l’électricité produite. Le gouvernement est censé lancer des appels d’offres pilotés par la Commission de l’énergie. Cela fonctionne très bien en hexagone, beaucoup moins pour les ZNI[3], les DROM notamment : il y a très peu d’appels d’offres. Nous attendons et réclamons depuis au moins deux ans une session.

En fin d’année, il devrait y en avoir une mais avec des puissances appelées peu importantes, de l’ordre de 8 000 Kwc en moyenne par département pour les projets en toiture de plus de 100 Kwc. Il y a eu 2 sessions d’appels d’offres depuis 2018 sur cette typologie de projets, ce qui est vraiment très insuffisant pour atteindre les objectifs ambitieux des PPE[4].

Il est également question de déplafonner le seuil de 100 Kwc à 500 Kwc d’ici peu. Il s’agit d’une mesure déjà en place dans l’hexagone depuis plus d’un an. Il n’y a aucune raison à ce que cette mesure ne soit pas appliquée sur nos territoires qui restent des départements pilotes et uniques en termes d’ensoleillement.

Quels sont vos moyens d’action ?

Nous devons mobiliser davantage les élus. Nous avons fait part récemment de nos contraintes à la CTM. Systeko compte 70 salariés, mais plus de 200 collaborateurs externes travaillent sur ces centrales là ; c’est une source d’emploi et de main d’œuvre pour le territoire, avec des entreprises locales qui se développent et qu’il faut soutenir. Nous voulons promouvoir l’autoconsommation, mais de nos jours, qui a réellement les moyens de financer ces dispositifs?

On voit plutôt des producteurs comme Systeko dont c’est le métier, qui réalisent les investissements. Pour une maison que nous équipons, ce sont 10 maisons autour qui sont alimentées ! C’est une forme « d’autoconsommation collective » en quelque sorte.

Peut-être les élus ont-ils gardé en tête le fait qu’il n’y a pas si longtemps, c’étaient surtout  les « grosses entreprises » qui faisaient de la location de toiture ; cette image subsiste à tort. Notre métier est la construction. Si des sociétés veulent se retrouver à nos côtés pendant 20 ans à exploiter, nous sommes preneurs.

Cela peut-être des entreprises locales qui arrivent sur ce marché qui se développent ; nous pouvons aussi établir des partenariats avec la Collectivité. Certaines ont lancé depuis deux ans des appels à projets ; nous en avons gagné certains, perdus d’autres.

Quelles sont vos demandes prioritaires ?

Il faut faire plus et plus vite, car le tarif qui était à 17 centimes d’euro diminue tous les trimestres. Il avait même atteint le seuil plancher de 13,88 cents et est remonté à 14,72 cents aujourd’hui. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus à ce niveau.

Nous avons également tiré la sonnette d’alarme parce que nos coûts de construction ont beaucoup augmenté depuis 2 ans, de 30 à 50% pour le verre, l’aluminium et le silicium.

Autre point important, nous demandons à ce qu’il y ait un bonus plus conséquent pour les petites installations en raison des coûts fixes qu’ils induisent. Ce coup de pouce nous permettrait d’en développer davantage, et donc de parvenir à nos objectifs. Ces petits projets sont fortement créateurs d’emploi et nous imposent de mieux nous structurer, donc il serait normal qu’ils soient un peu mieux rémunérés.

Nous souhaiterions aussi que soient simplifiées les procédures administratives ; et puis nous aimerions communiquer davantage, autrement qu’avec nos modestes moyens.  Ce serait en effet intéressant, à travers une campagne de communication institutionnelle, de faire savoir à la population que des solutions de location de toiture existent quand ils n’ont pas les moyens d’investir dans le photovoltaïque.


Panneaux solaires pour particuliers et professionnels : mode d’emploi

Deux schémas sont possibles, soit l’autoconsommation, soit l’injection de  l’électricité produite sur le réseau.

1 – L’autoconsommation : le propriétaire du bâtiment investit dans des panneaux solaires, des batteries et économise sur sa facture l’énergie qu’il autoconsomme. Cela reste une cible très limitée car il faut être propriétaire de son bâtiment, en être exploitant, avoir de la visibilité sur son activité pendant 15 à 20 ans et avoir les moyens de réaliser cet investissement. Pour ces quatre raisons, assez peu de projets se font en autoconsommation.

2 – L’injection au réseau : le propriétaire du bâtiment investit dans les panneaux solaires et revend l’énergie à EDF ; ou il loue son bâtiment à un constructeur comme Systeko qui développe et construit des centrales lui évitant ainsi de réaliser lui-même l’investissement. Dans ce dernier cas, c’est ce constructeur qui revendra l’énergie à EDF et reversera ensuite un loyer annuel au propriétaire.

Selon le choix du bailleur, les loyers peuvent être versés à l’avance, ou annuellement.

Chaque toiture est auditée et survolée par des prestataires spécialisés en drone en vue de dresser un diagnostic complet de la couverture, redessiner le bâtiment en 3D. Des bureaux de contrôle indépendants diagnostiquent la charpente pour l’élaboration d’une fiche rénovation; ce qui diminue le risque et rend la démarche plus efficace. Les travaux à réaliser sont alors détaillés, chiffrés, photographiés, puis un devis est présenté au bailleur. Les travaux peuvent être pris en charge en compensation des futurs loyers de leur toiture – ce qui leur permet de refaire les couvertures et éventuellement les travaux de charpente. Systeko touche ainsi une cible qui n’a pas nécessairement les moyens d’entreprendre ces rénovations.

Pour une villa individuelle, le loyer versé représente en moyenne 25 000 € sur toute la durée du bail. Les projets plus cossus (600 m²) peuvent rapporter jusqu’à 90 000 € à leur propriétaire.

[1] PTME : Le Programme Territorial pour la Maîtrise de l’Energie

[2]  NDLR : Claude Macaire, co-fondateur et Directeur Technique Associé

[3]  Zones Non Interconnectées

[4] PPE : Programmations pluriannuelles de l’énergie

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