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Les microplastiques envahissent notre environnement et les conséquences néfastes sur les écosystèmes et sur la santé des êtres humains sont bel et bien réelles. Les méthodes actuelles pour les éliminer sont très limitées, c’est pourquoi une équipe de microbiologistes s’est focalisée sur cette problématique et a trouvé un moyen de piéger les microplastiques pour les récupérer et les recycler.
En effet, lors de la conférence annuelle de la Microbiology Society, Yang Liu, chercheur à l’Université Polytechnique de Hong Kong, a présenté une nouvelle technique pour récupérer les microplastiques : la méthode des biofilms bactériens.
“Dans l’environnement marin, les surfaces artificielles sont rapidement colonisées par des bactéries qui s’organisent en communautés appelées biofilms, s’entourant d’une matrice de substances polymériques extracellulaires (EPS). La formation d’un biofilm est une étape critique du processus nommé biofouling, c’est-à-dire l’accumulation de micro- et de macro-organismes sur une surface immergée, pouvant conduire à des conséquences néfastes dans le secteur marin.” (Florence Brian-Jaisson. Université de Toulon, 2014)
Le biofilm bactérien – une substance adhésive, créée par des micro-organismes, qui se forme généralement dans l’eau ou en milieux aqueux – permet de piéger les particules de microplastiques. Par la suite, celui-ci est traité et dispersé libérant ainsi les particules pour les traiter et les recycler.
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L’équipe de scientifiques a utilisé la bactérie Pseudomonas aeruginosa – appelée également bacille pyocyanique -, une espèce facile à trouver et ayant déjà démontré son efficacité pour coloniser les microplastiques dans l’environnement.
D’après le Professeur Yang Liu, les biofilms de cette bactérie permettent de rassembler les particules de microplastiques et de les faire couler au fond du réacteur afin de faciliter leur collecte. Par la suite, les chercheurs utilisent un gène de dispersion de biofilm, provoquant la libération des microplastiques. “Cela permet une libération pratique des microplastiques de la matrice de biofilm afin de les récupérer ultérieurement pour les recycler.”
Dans la revue Chemical Engineering Journal, les prochaines étapes de la recherche ont été publiées. L’objectif est de passer de la preuve de concept en laboratoire – ou démonstration de faisabilité – au cadre environnemental. L’équipe de scientifiques espère que cette technique pourra être utile au sein des usines de traitement des eaux usées pour empêcher les microplastiques de s’échapper dans les océans. “Cela fournit une base pour de futures applications dans les usines de traitement des eaux usées, où les microplastiques peuvent être éliminés de manière sûre et respectueuse de l’environnement”, a-t-il assuré.
Cependant, un point important est souligné concernant les éventuelles problématiques liées aux biofilms. Ils se produisent lorsque des communautés de bactéries se regroupent, créant un bouclier à partir de substances exopolymères collantes, mais ils protègent les bactéries contre les influences extérieures, telles que les changements environnementaux et les antibiotiques. En effet, les bactéries du biofilm peuvent résister à la réponse immunitaire de l’hôte et sont beaucoup plus résistantes aux antibiotiques et aux désinfectants que les cellules bactériennes planctoniques (Yannick D.N. et al. Can J Vet Res. 2014;78(2):110-116).
Les microplastiques, une pollution planétaire qui touche tous les milieux et être vivants
Pour rappel, les microplastiques sont des particules de plastique qui mesurent moins de 5mm de diamètre. Ils peuvent pénétrer dans l’environnement par l’intermédiaire de plusieurs sources, telles que la décomposition de morceaux de plastique plus gros, le lavage de vêtements synthétiques ou encore les déchets plastiques directement issus de l’industrie.
Ce n’est plus un secret pour personne, les microplastiques sont omniprésents, des profondeurs océaniques aux plus hauts sommet de la Terre et représentent un réel danger pour l’environnement et pour la santé des êtres humains : on en retrouve même dans le placenta !
“Ils ne sont pas facilement biodégradables, car ils restent dans les écosystèmes pendant des durées prolongées. Cela se traduit par l’absorption de microplastiques par les organismes, conduisant au transfert et à la rétention des microplastiques le long de la chaîne alimentaire. En raison de leur grande superficie et de leur capacité d’adsorption, les microplastiques peuvent absorber les polluants toxiques, tels que les pesticides, les métaux lourds et les résidus de médicaments à des concentrations élevées. Cela conduit à une toxicité biologique et chimique pour les organismes des écosystèmes et les humains après une consommation non intentionnelle prolongée de ces microplastiques. De plus, les microplastiques sont également difficiles à éliminer dans les usines de traitement des eaux usées, ce qui entraîne leur rejet indésirable dans l’environnement”, a expliqué en détails le Professeur Yang Liu.
En effet, un rapport intitulé Plastics, Edcs & Health – de l’Endocrine Society et de l’International Pollutants Elimination Network (IPEN) – alerte sur la composition du plastique qui contient des produits chimiques perturbateurs endocriniens dangereux pour la santé humaine et même pour le foetus… “De nombreux plastiques que nous utilisons tous les jours à la maison et au travail nous exposent à un cocktail nocif de produits chimiques perturbateurs endocriniens”, a déclaré Jodi Flaws, auteur principal du rapport, de l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, aux États-Unis.
Au quotidien, on prend conscience de la quantité, encore trop importante, de déchets plastiques consommée et trop souvent jetée dans la nature, mais les perturbateurs endocriniens qui s’échappent du plastique et pénètrent dans le corps humain, lors de l’utilisation de divers produits, ne sont malheureusement pas visibles à l’oeil nu.
De plus, on sait très bien que les déchets plastiques finissent très souvent jetés dans les mers et les océans où ils forment les tristement célèbres “continents de déchets”, mais 99% de la masse des déchets se retrouve dans les profondeurs océaniques.
Un article publié en 2014 dans la revue de la Geological Society of America montre que de nouvelles “roches”, non naturelles, ont fait leur apparition au sud de l’île d’Hawaï. Il s’agit de conglomérats de plastiques fondus (suite à leur combustion) mélangés avec des sédiments marins et des fragments de lave basaltique. Le nom de cette roche engendrée par nos activités : “plastiglomérat”, un marqueur géologique de la nouvelle ère proposée : l’Anthropocène.
L’ensemble de ces données fait prendre conscience de l’urgence d’agir face à cette problématique aussi bien environnementale que sanitaire. Comme l’indique le Professeur Yang Liu, “il est impératif de développer des solutions efficaces qui piègent, collectent et même recyclent ces microplastiques pour arrêter la plastification de nos milieux naturels.”Plus de techniques sont encore nécessaires pour réussir à éliminer en toute sécurité ces particules qui polluent notre environnement.