Un nouveau paradigme des intelligences 1


À dix ans de l’échéance adoptée pour l’Agenda 2030, le besoin d’innover dans les manières de faire et de décider des praticiens du développement n’a jamais été aussi prégnant. Les usages émergents des nouvelles technolo- gies font naître de nouvelles intelligences . Ces usages ne sont pas sans risques, mais ils peuvent améliorer les travaux de nos organisations et nous permettre de mieux réaliser nos objectifs.

I. Les nouvelles intelligences et leurs applications pour le développement
Nous avons identifié quatre formes d’intelligence, les- quelles, appuyées par l’utilisation des nouvelles technologies, pourrait en permettre de faciliter l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD).

Intelligence des données (Data Intelligence – DI) :
elle s’appuie sur le partage, l’analyse, l’utilisation ou la visualisation des données : données ouvertes, collectifs de données (Data Collaboratives) et internet des objets.
Cas d’usage : l’initiative Data4Nature de l’Agence française de développement vise à récolter des données sur la biodiversité à partir des nombreuses études d’impact environnemental menées par les banques publiques de développement. Ces données sont compilées et misent à disposition via la Global Biodiversity Information Facility (GBIF), laquelle contient plus de 1,6 milliard d’entrées recensant les espèces de la faune et de la flore mondiale.

Intelligence artificielle (Artificial Intelligence – AI) :
elle repose sur des algorithmes pour simuler les mécanismes humains d’apprentissage et de réflexion afin de réaliser des tâches précises et prédéfinies. Elle intègre notamment les méthodes de machine learning et de modèles experts.
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Cas d’usage : l’amélioration des routes est-africaines, qui passeraient d’une condition «dégradée» à une «bonne» condition, permettrait de produire un retour sur investis- sement de 20 à 60 fois l’investissement initial (Banque mondiale). Des chercheurs ont réalisé un projet d’évalua- tion automatisé de l’état et de la qualité des routes en Tanzanie grâce à l’utilisation d’images satellitaires et aux techniques de deep learning.

[1] Ce Policy brief présente les premières conclusions d’un Policy paper à venir, lequel inclura notamment une analyse plus approfondie des concepts et exemples présentés et un cadre de prise de décision pour les usages émergents.

Auteurs Peter Martey ADDO (AFD), Stefaan G. VERHULST (The GovLab) et Andrew YOUNG (The GovLab)
Les usages émergents

                      des technologies peuvent produire
des effets positifs, mais sont également
vecteurs de risques.

Intelligence Collective (Collective Intelligence – AI) :
elle utilise des outils de mise en réseau pour mobi- liser et solliciter des contributions de groupes. Elle inclut la production participative et la science citoyenne, les assemblées citoyennes ou l’innovation ouverte.
Cas d’usage : la violence de genre est un problème majeur au Kenya. Il est fréquent que les victimes ne reçoivent pas les soins adéquats ou que les agresseurs ne soient pas poursuivis. MediCapt est une plateforme numérique sécurisée permettant aux médecins de sauvegarder et de partager avec les autorités des preuves et des informations médicales liées aux violences de genre au Kenya et en République démocratique du Congo.

Intelligence Incorporée (Embodied Intelligence – EI) :
elle permet de déployer l’AI et l’intelligence des données dans le monde physique afin d’automatiser des tâches. Elle comprend la robotique, les drones ou l’impression 3D.

Cas d’usage : lors des premières semaines de la crise de la COVID-19, un groupe d’entreprises kenyanes spécialisées en impression 3D ont imprimé des écrans faciaux de protec- tion à destination des soignants. Ces efforts ont permis de remédier temporairement aux insuffisances du marché et d’apporter un soutien rapide et abordable.

II. Valeur ajoutée et risques potentiels des quatre intelligences
Les usages émergents des technologies peuvent produire des effets positifs, mais sont, corollairement, également vecteurs de risques. Permettre aux technologies d’appor- ter un maximum de bénéfices à leurs usagers nécessite l’implication de toutes les parties concernées, le développe- ment des capacités locales, la promotion de l’appropriation des technologies par les bénéficiaires, et une implémenta-tion responsable et dé-risquée.


Valeur ajoutée


Production de savoirs et veille situationnelle (DI, AI, CI) : comble les déficits d’information, identifie les relations causales et aide les praticiens à mieux comprendre les risques encourus.

Risques et externalités négatives
Perte de souveraineté sur les données (DI, CI) : l’insuffisance des cadres légaux et institutionnels
de protection des données crée un risque de dépendance à des acteurs extérieurs.

 


Évaluation, anticipation et expérimentation (DI, AI) : clarifie les facteurs de réussite des projets et permet le recours à la modélisation virtuelle pour identifier
les meilleures interventions possibles.

Perte de confidentialité (DI, CI) : par le profilage, l’espionnage ou à cause des mesures de sécurité déficientes des individus ou des organisation

 


Légitimité accrue (CI) : améliore la redevabilité, la participation et la transparence.

Perte de capacité d’initiative des bénéficiaires (AI, EI) : en cas d’absence de consentement éclairé ou de recours excessif à une technologie particulière.


Développement des capacités et des compétences (AI, CI, EI) : accroît les capacités des individus
et des communautés par le partage de savoirs entre pairs et l’apprentissage à distance.

Inégalités accrues (DI, AI) : via l’absence de prise
en compte de critères éthiques dans le développement des technologies.

 


Nouvelles formes de services, de coopération
et d’opportunités économiques (AI, EI) :

les organisations et les entreprises bénéficient de nouvelles opportunités de développement.

Perte de confiance (DI, AI, EI) : une utilisation fallacieuse des données ou l’incapacité des projets à produire
des résultats peuvent entraîner une perte de confiance des bénéficiaires


Efficacité améliorée et automatisation (AI, EI) : accroît l’agilité et l’efficacité des interventions grâce à l’automatisation, afin de consacrer les ressources humaines aux tâches complexes.

Impacts environnementaux (EI) : production de déchets et émission de polluants affectant la qualité de l’air et de l’eau


Capital social accru et réseaux renforcés (CI) :
élargit les opportunités de renforcement des compétences et de développement de nouveaux partenariats.

Préjudices sociaux (DI, AI, CI) : le détournement ou le piratage de certaines technologies émergentes peuvent exposer les bénéficiaires à des préjudices sociaux importants.


III. Un cadre décisionnel pour déterminer la pertinence du recours aux quatre intelligences
Un cadre décisionnel pour déterminer l’opportunité d’investir dans des technologies émergentes est un outil nécessaire pour les praticiens du développement. En se fondant sur l’impact des technologies pour le développement, les six axes suivants peuvent servir de guides pour développer des critères rigoureux de décision et d’investissement dans chacune des quatre intelligences :

Adaptation de la solution aux objectifs poursuivis : le recours à cette technologie permet-il de répondre à une problématique claire, définie et pertinente pour les béné- ficiaires ? S’inscrit-elle parmi les exemples de valeur ajoutée décrits dans ce papier ?

Géographie : multipays
Mots-clés : nouvelles intelligences, technologies
émegentes, propositions de valeur ajoutée, risques, développement durable, gouvernance, tech4good
Thématiques : innovation, gouvernance, technologies

Risques et bénéfice : la proposition de valeur ajoutée du projet l’emporte-t-elle sur ses risques potentiels ?
• Environnement local : le pays bénéficiaire dispose-t-il des infrastructures et de l’expertise nécessaire pour l’exploitation de cette technologie ?
Gouvernance : existe-t-il un cadre politique et institutionnel à même de garantir un usage responsable de la technologie ? • Calendrier : combien de temps faudra-t-il pour que les effets positifs du projet se concrétisent dans le pays ciblé ?
Maturité : la technologie émergente a-t-elle déjà été dé- ployée avec succès dans des contextes de développement similaires ?


Agence française de développement (AFD) 5, rue Roland Barthes, 75012 Paris. Directeur de publication Rémy Rioux
Directeur de la rédaction Thomas Mélonio
Création graphique MeMo, Juliegilles, D. Cazeils Conception et réalisation Coquelicot
Dépôt légal 4e trimestre 2020 | ISSN en cours | © AFD Imprimé par le service de reprographie de l’AFD Retrouvez les autres publications dans cette collection : https://www.afd.fr/fr/collection/policy-brief
Les analyses et conclusions de ce document sont formulées sous la responsabilité de leurs auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue de l’AFD ou de ses institutions partenaires.

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