DISCOURS DE SERGE LETCHIMY

DÉCLARATION DE MARTINIQUE :

“POUR UN RETOUR AU SEIN DE LA MAISON COMMUNE”

“Monsieur le Premier Ministre de St Kitts et Nevis, Terrance Drew, Messieurs les Premiers ministres,

Je suis très heureux de me retrouver ici à Basseterre, 43 ans après ce moment historique de la création de l’OECO.

Avant toute chose, je tiens à vous remercier pour cet accueil exceptionnel ici à St Kitts et Nevis. Je souhaite profiter de cette opportunité pour réaffirmer solennellement notre détermination à travailler au sein de l’OECO, et notre volonté profonde d’y être des acteurs pertinents.

Notre objectif essentiel est notre intégration à l’OECO, et plus largement à la CARICOM et à l’AEC.

Notre volonté est de trouver des espaces d’oxygénation, de cohésion pour un développement endogène et durable capable de participer à notre croissance, à notre développement, mais qui contribuerait aussi à celui des autres pays frères de l’OECO.

Nous sommes conscients d’avoir une quadruple appartenance, une appartenance américaine, caribéenne, européenne et française. De ce fait, nous sommes parfaitement conscients d’appartenir à plusieurs unions : l’Union Européenne, l’AEC, l’OECO, et bientôt la CARICOM.

Je tiens à l’affirmer tout de suite, cette guadruple appartenance tant institutionnelle que géographique peut susciter des doutes et des craintes. Dans le contexte de mondialisation, dans un monde ultra libéral, cela peut susciter une inquiétude tant au niveau du marché que de la circulation des biens et des personnes de manière générale, notamment au sein de POECO et de la CARICOM.

Mais nous considérons que cette quadruple position géostratégique est surtout un avantage et non un handicap. Je la considère comme un atout majeur, qu’il nous faut exploiter et dont on doit tirer profit sur un plan économique.

C’est d’ailleurs à partir de cette approche que nous voulons insister auprès de vous, chers collègues, pour mieux le faire comprendre mais aussi susciter votre appui.

Nous sommes désormais dans plusieurs champs de compétitivité pour la cohésion. La performance et la capacité d’innover, tant sur le plan logistique que stratégique, vont être déterminants pour l’avenir.

Parmi les enieux : la meilleure exploitation de notre position géostratégique et de notre dimension écologique planétaire et notamment maritime est capitale.

J’aimerais aujourd’hui prendre l’exemple de l’économie maritime mondiale.

La mondialisation a donné une importance clé aux stratégies liées aux enjeux maritimes. Ainsi, la fluidité des approvisionnements influe sur les stratégies maritimes et conduit à leurs succès ou à leurs échecs. L’économie maritime va être déterminante dans le futur puisqu’il y a un épuisement des ressources naturelles terrestres. Dès lors, les ressources maritimes, énergétiques, minérales et biologiques liées à la mer vont revêtir un intérêt stratégique.

De même, des enjeux de concurrence industrielle majeurs, avec la création d’espaces relais, de zones géographiques de relais de croissance vont se créer. Ces derniers vont entrainer l’apparition de menaces, de trafics, de concurrences, qui vont conduire à une vision militaire de la part des Etats, gestionnaires de leurs ex colonies, plutôt qu’une vision intégrée de développement et d’une stratégie logistique endogène. Tout cela afin de juguler les velléités d’émancipation. Les pays d’Outre- Mer et la Caraïbe sont au cœur de ces enjeux.

Historiquement s’exerce sur nous une hégémonie du contrôle. Aujourd’hui il y a peu de place pour l’intégration régionale, puisque le principe hégémonique de contrôle, qui fait prévaloir le contrôle maritime militaire, a primé sur l’ouverture intégrée au développement.

Le droit maritime a aussi une importance considérable. Il s’agit d’un enjeu fort de positionnement dans le concert international (notamment par rapport à la France qui a une présence maritime mondiale) puisque cela constitue un enjeu en termes géostratégiques.

Enfin, s’opérera une maritimisation des économies sur le plan mondial. Il y aura une recomposition des routes commerciales maritimes, avec un basculement des centres de gravité de l’économie mondiale, qui va contribuer à redessiner les routes maritimes.

Dans cette dynamique, la route Caribéenne va devenir une route majeure.

Concernant le potentiel économique de nos pays: 97% de la ZEE française se trouve en Outre-Mer. Cela représente des puits carbones, un potentiel en termes d’or vert (de biomasse et d’énergie renouvelable), de valeur écologique, de services écosvstémiques et de biodiversité.

Nous sommes considérés comme des hot spots au niveau mondial qui participent à l’équilibre écologique de la planète.

Aucune prise en compte des valeurs écosystémiques, des puits carbones ni des richesses naturelles n’est faite, sinon quelques financements marginaux liés aux fonds verts.

Enfin, au niveau institutionnel, il existe une diversité de statuts entre nos pays, qui est une richesse issue de la différenciation dans les processus de décolonisation. Mais persistent malheureusement de très grands décalages en termes de normes, de niveaux d’autonomie, de niveaux de différenciation des politiques, liés aux statuts des pays, notamment des pays d’outremer francais.

Cela prive certains peuples du droit à l’initiative et conduit a une dépendance et a une inertie en termes de développement économique pouvant toucher les résiliences culturelles, sociales et économiques.

A titre d’exemple, les autres pays membres associés de l’OECO ont une situation institutionnelle leur permettant d’avoir des échanges avec leurs voisins.

Pour la Martinique, l’absence presque totale de leviers de pouvoir normatifs peut rendre difficile, voire impossible, une intégration économique régionale à la hauteur de nos ambitions. Nous avons besoin d’une modification constitutionnelle importante.

L’émancipation est une valeur fondamentale pour nous.

L’Universel ne doit pas nous faire oublier nos particularités, notre patrimoine, et ne doit pas être opposé au droit à la différenciation.

La reconnaissance du créole en Martinique, comme langue officielle au même titre que la langue française, que j’ai soutenue, s’inscrit d’ailleurs dans cette démarche.

Il y a urgence pour la Martinique de pouvoir exister dans la Caraïbe, tout en partageant les valeurs de la République et de l’Europe, notamment par la domiciliation d’un pouvoir normatif autonome législatif et règlementaire, qui nous permettra de mettre en place les outils nécessaires à notre insertion régionale.

C’est dans ce cadre qu’a été fait l’appel de Fort de France, (le 17 mai 2022, signé par la Guyane, la Guadeloupe, la Réunion, Saint Martin, Mayotte, et la Martinique). Il ne s’agit pas d’une revendication séparatiste mais du respect du droit des peuples pour de nouvelles perspectives de développement au sein de la République française.

Nous devons franchir une étape supplémentaire, inverser l’esprit du commerce triangulaire par la création d’un nouveau triangle celui du progrès, en utilisant, notre position géostratégique pour assurer à la Caraïbe une croissance intégrée et soutenable de ses économies. La mise en œuvre effective de la feuille de route de coopération, inclue dans notre accord d’adhésion en 2015, pour une meilleure intégration des membres associés, est fondamentale.

Mais au-delà, nous demandons à l’OECO de soutenir la Martinique, à travers une déclaration, pour une plus grande autonomie à travers l’instauration de ce pouvoir normatif local, qui libèrera notre capacité d’action aussi bien au niveau local que dans nos relations avec la Caraïbe, dans le cadre de la République française.

Je vous remercie.”

Serge Letchimy, Président du Conseil exécutif de Martinique

 

 

 

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