Tout le monde a perdu la « guerre contre le terrorisme »… sauf le complexe militaro-industriel…

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Image: Giannis Papanikos via shutterstock.com

Avec le retrait définitif des troupes américaines d’Afghanistan et le retour au pouvoir des talibans, la nature ingagnable de la guerre américaine en Afghanistan est de plus en plus évidente pour les Américains à travers tout le spectre politique. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles plus de la moitié des Américains soutiennent la décision de Biden de se retirer de l’Afghanistan, même s’ils désapprouvent la gestion de ce retrait, selon un sondage Pew Research publié mardi.

Il sera inévitable de pointer du doigt les raisons pour lesquelles trois présidents américains successifs ont poursuivi la guerre en Afghanistan malgré les rapports publics et les témoignages au Congrès de l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan, ou SIGAR, qui jettent de sérieux doutes sur la viabilité des efforts de construction de la nation en Afghanistan.

En effet, les États-Unis ont payé un prix élevé pour ces erreurs – le Cost of War Project (Projet Coûts de la guerre, NdT) de l’université Brown estime que la guerre en Afghanistan a coûté aux contribuables américains 2 300 milliards de dollars à ce jour et a entraîné la mort de 2 324 militaires américains, de 4 007 contractuels américains et de 46 319 civils afghans – mais ces coûts n’ont pas été partagés par tous.

Alors que le peuple américain a financé la guerre avec l’argent de ses impôts et, dans certains cas, avec sa vie, les cinq principaux contractants du Pentagone ont bénéficié d’un boom de la croissance des contrats fédéraux au cours de la guerre en Afghanistan. Stephen Semler, cofondateur du Security Policy Reform Institute, a constaté que le Congrès a donné 2 020 milliards de dollars aux cinq principales entreprises d’armement – Raytheon, Lockheed Martin, General Dynamics, Boeing et Northrop-Grumman – entre 2001 et 2021.

Et entre 2002 et 2020, le financement fédéral de ces cinq entreprises d’armement a augmenté de 188 %.

En toute équité, les entreprises d’armement ont investi massivement pour faire pression sur les membres du Congrès sur une variété de sujets, y compris les questions de budget et de dotations ayant un impact sur leurs résultats.

Ce n’était pas donné. Une compilation des données provenant des divulgations de lobbying archivées sur OpenSecrets montre que ces cinq entreprises ont dépensé plus de 1,1 milliard de dollars en lobbying entre 2001 et 2021. Ce chiffre semble être une somme astronomique pour influencer les décideurs politiques, mais il s’agit peut-être de la décision la plus prudente financièrement que ces entreprises aient prise au cours des 20 dernières années.

Considérées comme une forme d’investissement dans l’obtention de contrats lucratifs du Pentagone, les cinq premières entreprises d’armement ont gagné 1 813 dollars de contrats du Pentagone pour chaque dollar dépensé en lobbying.

Bien entendu, les entreprises d’armement ont réalisé d’autres investissements pour influencer les décideurs politiques. Elles ont envoyé 120 millions de dollars en contributions de campagne aux candidats fédéraux entre 2002 et 2020, ont engagé d’anciens fonctionnaires pour siéger à leurs conseils d’administration tout en conseillant aux décideurs américains de prolonger le calendrier de retrait d’Afghanistan, et ont financé des groupes de réflexion qui se sont opposés au retrait et ont soutenu l’engagement militaire américain en cours au Moyen-Orient.

Mais ces investissements ne sont rien en comparaison du milliard de dollars dépensé explicitement pour influencer les décideurs politiques par le biais d’un lobbying légal, enregistré et documenté, qui a conduit à d’énormes contrats fédéraux et à des gains démesurés pour les propriétaires de valeurs boursières de l’industrie de l’armement.

« Si l’on répartissait uniformément 10 000 dollars d’actions entre les cinq principaux entrepreneurs de défense américains le 18 septembre 2001 – le jour où le président George W. Bush a signé l’autorisation de recours à la force militaire en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre – et que l’on réinvestissait fidèlement tous les dividendes, ces actions vaudraient aujourd’hui 97 295 dollars », selon Jon Schwarz, de The Intercept.

Le même investissement dans un fonds indiciel S&P 500 ne vaudrait que 61 613 dollars.

La guerre mondiale contre le terrorisme a été très bénéfique pour un groupe restreint d’entreprises qui ont investi plus d’un milliard de dollars pour faire pression sur le Congrès et obtenir plus de 2 000 milliards de dollars de fonds publics. Alors que le public américain examine attentivement comment et pourquoi une guerre ingagnable a été menée au prix d’un coût financier et humain stupéfiant pendant deux décennies, les plus grands profiteurs de la guerre semblent ne pas devoir rendre de comptes ou faire l’objet d’un examen minutieux, en particulier de la part des décideurs politiques qui ont été la cible d’un blitz de lobbying d’un milliard de dollars.

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton, 02-09-2021

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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