Ci-dessous une synthèse de La Tribune de JM. NOL
Alors que la Guadeloupe et la Martinique traversent une crise structurelle majeure, l’idée d’une autonomie accrue refait surface dans le débat public. Pourtant, dans un contexte de récession économique, d’effondrement démographique et de dégradation sociale, penser une évolution statutaire sans réforme préalable du modèle économique revient à « mettre la charrue avant les bœufs ». Une autonomie mal préparée, sans base économique solide, serait un saut dans le vide.
Depuis plusieurs décennies, les Antilles françaises dépendent largement des transferts publics venus de l’Hexagone. Or, cette dépendance atteint ses limites : contraction des dotations de l’État, fragilité du tissu productif local, effondrement de la consommation intérieure, et incapacité chronique à mobiliser des leviers d’investissement. La situation est aggravée par les secousses de l’économie mondiale, notamment les effets des guerres commerciales et des tensions monétaires impulsées par les États-Unis, qui fragilisent davantage les économies déjà précaires.
Les signes d’un effondrement sont visibles : fuite des jeunes, explosion de la pauvreté, hausse de la violence, désengagement de la population vis-à-vis des institutions locales. À cela s’ajoutent des défaillances criantes dans la gestion publique, entre autres les coupures d’eau en Guadeloupe ou les dysfonctionnements du TCSP en Martinique. Dans ce contexte, la tentation d’un nouveau modèle institutionnel, tel que l’autonomie, apparaît davantage comme un réflexe identitaire qu’une solution structurée.
L’exemple de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) montre d’ailleurs les risques d’une réforme précipitée : explosion des coûts, désorganisation administrative, affaiblissement des finances publiques. Sans soutien financier adapté, la réforme s’est transformée en impasse budgétaire, mettant en lumière les dangers d’un changement de statut déconnecté des réalités économiques.
La crise actuelle exige une refondation en profondeur du modèle économique avant toute transformation institutionnelle. Il faut relancer la production locale, investir dans l’éducation, la formation, la transition écologique, et redonner confiance en la gestion publique. Une réforme constitutionnelle ciblée, fusionnant les articles 73 et 74, pourrait offrir aux territoires d’outre-mer un cadre juridique plus souple, modulable selon leurs besoins et aspirations.
Enfin, il est temps de poser sereinement la question du statut par voie référendaire, non pour diviser, mais pour construire un projet collectif. Car ce qui manque aujourd’hui aux Antilles, ce n’est pas un statut, mais une vision. Une ambition partagée, réaliste et audacieuse. Le compte à rebours est lancé : il ne s’agit plus de survivre, mais de se réinventer.