L’application TousAntiCovid permettra de stocker la preuve d’un résultat négatif de test antigénique ou PCR. Une expérimentation doit débuter au contrôle de vols à destination de la Corse, puis de l’outre-mer.
La France est devenue, lundi 19 avril, le premier pays à adopter le modèle de certification électronique des tests de dépistage et d’attestation de vaccination contre le Covid-19, discuté depuis plusieurs mois au sein de la Commission européenne, ouvrant la voie à l’extension d’un passeport sanitaire complet avant le début de l’été.
Pour l’instant limitée au contrôle de certains vols à destination de la Corse, puis de l’outre-mer, l’expérimentation, présentée lundi par le secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique, Cédric O, pourrait étendre à d’autres situations l’utilisation de ces documents authentifiés : des discussions sont en cours entre ministères pour savoir si « les concerts, les festivals, les salons professionnels » pourraient y être soumis dans les mois à venir. Le gouvernement a toutefois écarté sa mise en place dans les « bars ou les restaurants ».
Le Danemark développe un dispositif assez similaire, qui est, pour le moment, limité aux salons de coiffure, mais qui devrait être bientôt étendu aux bars, aux restaurants, aux institutions culturelles et aux événements sportifs.
Extension à la vaccination le 29 avril
En pratique, chaque personne testée à partir du mardi 20 avril doit recevoir un SMS ou un courriel lorsque ses résultats seront entrés, comme c’est déjà le cas, dans la base nationale Sidep (système d’information national de dépistage populationnel). Un certificat du test de dépistage authentifié par l’Etat pourra être téléchargé, puis imprimé ou ajouté à l’application mobile TousAntiCovid.
Le dispositif sera étendu aux attestations de vaccination – rassemblée dans un autre fichier, Vac-SI –, pour les personnes qui recevront une injection à partir du 29 avril. Avant la fin du mois de mai, selon le ministère de la santé, il devra ensuite être possible de consulter son historique de tests effectués depuis trois mois et des injections de vaccin reçues – les identifiants du site de l’Assurance-maladie, Ameli, ou de FranceConnect pourront alors être utilisés.
L’authentification prend visuellement la forme d’un « datamatrix » – semblable à un code-barres, comme le QR code –, sécurisé par le standard 2D-Doc, déjà utilisé par l’administration pour lutter contre la fraude aux documents d’identité ou de justificatifs. Il contient plusieurs informations, dont la date et le type de test ou de vaccin, le nom de la personne et un identifiant, sous forme de clé publique de chiffrement, du médecin ou de l’institution (laboratoire, pharmacie) à l’origine de l’acte. C’est ce dernier élément qui permet aux autorités, en scannant le datamatrix, de vérifier que le test n’est pas un faux : il est alors comparé à un fichier centralisé rassemblant les praticiens habilités et placé sous la responsabilité du ministère de la santé.
« Le caractère infalsifiable et la rapidité de lecture sont deux des avantages [de cette certification] », a insisté Cédric O devant la presse, lundi, en soulignant que le dispositif aurait un intérêt pour les travailleurs frontaliers : des discussions bilatérales sont menées avec « plusieurs pays » pour que le certificat français y soit reconnu d’ici « à une quinzaine de jours » – en parallèle du lancement du « certificat numérique vert » européen dans tous les Etats membres de l’Union européenne (UE), prévu à partir de la mi-juin.
Plusieurs compagnies aériennes vont aussi être consultées pour intégrer, possiblement avant l’été, la certification de l’Etat dans leurs applications mobiles ou leur procédure d’enregistrement avant un vol et accélérer les contrôles dans les aéroports.
« Un test négatif ne garantit pas l’absence de contagiosité »
Sur le modèle conseillé par la Commission européenne, une troisième option de vérification devrait apparaître dans les prochaines semaines : un « certificat de rétablissement », établi à partir des résultats de tests sérologiques, notamment pratiqués en pharmacie et déjà remontés dans le Sidep. Le gouvernement n’a pas encore détaillé les critères sélectionnés. Combien de temps après la fin de l’infection ce certificat serait-il accepté ? Quel taux d’anticorps serait nécessaire pour considérer que le risque de transmission est limité ?
« Le fait d’avoir un test négatif ne garantit pas l’absence de contagiosité ou la présence d’une immunité », rappelle en ce sens le professeur Emmanuel Rusch, président du comité de contrôle et de liaison Covid-19, relié au ministère de la santé, rassemblant scientifiques, parlementaires et représentants de la société civile pour donner un avis sur les dispositifs numériques mis en place pendant la crise sanitaire.
« Il faut rappeler que les informations qui seront à l’intérieur de ce passe sanitaire participent à une politique de réduction des risques, mais ne correspondent pas à un risque zéro », explique le professeur Rusch, également président de la Conférence nationale de santé.
Le comité doit publier dans les prochains jours un avis sur l’ajout de ces fonctionnalités dans l’application TousAntiCovid, qui profite des mises à jour demandées par le gouvernement : alors que la première version de ne proposait qu’un suivi des cas contact, on y retrouve désormais des statistiques nationales et locales sur l’épidémie, ainsi que les attestations de déplacement nécessaires pour circuler en dehors du couvre-feu. Les téléchargements sont en augmentation – près de 15 millions au 19 avril –, même si le nombre de notifications (172 000) reste limité.
Certificat de vaccination européen imaginé dès décembre 2019
Parmi les points de vigilance sur lesquels souhaite insister le médecin figure l’importance d’encadrer l’accès aux informations constituant une « rupture du secret médical » : le statut vaccinal et le fait d’avoir été, dans le passé, malade du Covid-19. « Il faut penser l’agrégation des données », insiste le professeur Rusch, en proposant par exemple que le terminal d’un policier ne lui indique qu’un statut (« vert » ou « rouge »), plutôt que des informations plus précises pour permettre de « laisser entre les mains de la personne le choix de ce qu’elle veut montrer ».
Mais un tel système pourrait être rapidement confronté à une « hétérogénéité entre les pays » : comment se passer de détails si, autre exemple, la France décide de ne pas reconnaître l’efficacité du vaccin chinois de Sinopharm, pourtant utilisé au sein de l’UE ? « Il y a encore pas mal de zones d’incertitude », conclut le médecin.
L’idée d’une « approche coordonnée de la certification des vaccinations » avait été évoquée publiquement lors d’un Conseil européen, dès décembre 2020, pour envisager une reprise massive des déplacements intra-européens, dans l’espoir notamment de relancer le tourisme. En janvier, la Commission a même émis des recommandations techniques pour lancer une plate-forme permettant l’interopérabilité de plusieurs initiatives nationales, comme ce qui est actuellement mis en place pour les applications de traçage de contact.
La construction de ce portail a commencé à la mi-avril, mais était déjà dans les esprits de l’exécutif européen depuis le mois de décembre 2019, soit avant la pandémie de Covid-19 : les entreprises françaises Jouve, Cimbiose, Syaden et la filiale belge d’Ipsos avaient alors remporté un appel d’offres concernant des « recommandations pour la mise en place d’une carte de vaccination européenne »,dans le cadre d’un projet global de numérisation de la stratégie sanitaire de l’UE. Leurs préconisations guident l’élaboration du futur passeport sanitaire de l’UE.