Après une décennie, parfois en pointillé, de travaux et chantiers, la Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Saint-Pierre a donc été inaugurée ce mardi 02 Avril, rouvrant ainsi ses larges portes à des centaines de personnes – invité.e.s, fidèles, médias et « simples » curieux – assurément impatientes de découvrir l’intérieur de l’imposant édifice dans ses moindres détails. Parmi les intervenants ayant ponctué ladite inauguration, le maire de la ville, Christian Rapha, souligna notamment que la genèse de cette « renaissance » ne fut pas un long fleuve tranquille… . Loin s’en faut.

Photos : © Roland Dorival

Aux côtés du Général William Vaquette e t du Prefet Jean-Christophe Bouvier
Aux côtés du Général William Vaquette e t du Prefet Jean-Christophe Bouvier

« Les travaux ont débuté en décembre 2014 (…) avec pour objectifs la réparation et la finalisation de la construction des années 1930 », rappela l’édile en préambule. Avant d’ajouter aussitôt : « A peine un mois plus tard, en janvier 2015, les travaux ont été suspendus à la suite de l’annulation des élections (municipales, ndr) de 2014 et de la nomination par le préfet d’une délégation spéciale, qui aura pour seule mission la gestion des affaires courantes de la ville. » Le cadre des « péripéties » était ainsi posé. Evoquant alors son élection en tant que maire, en mars 2015, Christian Rapha de poursuivre, usant d’un présent dit de narration. « Les travaux sont à l’époque programmés en six phases successives – le chœur, le faux transept, le vaisseau principal, la façade ouest et ses tours, les intérieurs et les abords », expliqua l’édile, « mais le ‘’Programme Opérationnel’’ européen 2007-2013 qui se clôture huit mois après, en décembre 2015, ne nous permet pas d’achever la première phase des travaux : la restauration du chœur de la cathédrale n’est réalisée qu’à hauteur de 35%… . » Puis de glisser : « Nous sommes donc appelés à rembourser des subventions avancées à l’édilité précédente, dans un contexte de déficit dont l’ampleur réelle n’a été révélée que récemment, dans le cadre du contrat COROM* par lequel l’Etat nous accompagne pour redresser la situation. »

« Nous avons choisi le parti d’un retour au profil architectural historique de la cathédrale »

Christian Rapha, Serge Letchimy et Etienne Poncelet

Indiquant ensuite que par « souci de simplification des demandes de financement », les trois dernières phases précédemment mentionnées avaient été regroupées en une « tranche 2 » dont le marché public fut attribué à Etienne Poncelet, ‘’architecte en chef des monuments historiques’’, Christian Rapha souligna que son équipe politique et lui avaient alors décidé de « choisir le parti d’un retour au profil architectural historique de la cathédrale. » Et d’ajouter, dans le même souffle : « Depuis lors et sous la maîtrise de M. Poncelet, des bureaux d’études, des ouvriers-artisans, menuisiers, couvreurs, maçons, tailleurs de pierre, électriciens etc., ont mis leur talent au service de la restauration du monument, aussi bien pour son enveloppe extérieure que pour son habillage intérieur. » Si l’aspect général reprend, en effet, l’esthétique architecturale de la cathédrale d’origine, ledit monument est en outre édifié afin de réduire la vulnérabilité sismique, avec une ossature métallique supportant de grandes dalles de béton armé. « Il fallait aussi éprouver des systèmes techniques, comme par exemple avoir une grande façade qui s’élève à 40 mètres de haut et qui soit parasismique », confirma l’architecte en chef, « donc on a dû créer, derrière la façade néo-classique, une structure métallique importante qui résiste aux séismes et qui est profondément vissée dans le sol en tuf. » Mais une volonté politico-esthétique qui, des mots de Christian Rapha poursuivant son discours, « n’a pas été une sinécure ».  

« La restauration de la cathédrale de Saint-Pierre équivaudrait à un chantier d’environ 400 millions d’euros pour la ville de Fort-de-France »

Christian Rapha
Christian Rapha

« D’arrêts de chantier de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, au(x) retard(s) de paiement des entreprises, en graves difficultés de fonctionnement de la ville, la recherche de solutions aux difficultés a été ma préoccupation quotidienne, dès le premier jour de ma prise de fonctions jusqu’à aujourd’hui », affirma ainsi l’édile, avant de partager publiquement le « vœu que les derniers financements que nous attendons encore aujourd’hui, seront perçus dans les semaines qui viennent. » A suivre ? Puis Christian Rapha de souligner, telle une explication aux accents synthétiques : « Tous les aléas que nous avons subis résultent de la difficulté de coordonner la gestion du financement d’un tel investissement à celle de la trésorerie de la ville, qui doit assumer, dans le même temps, son fonctionnement quotidien. » L’édile poursuivit : « A l’échelle d’une ville comme Saint-Pierre – 4200 habitants et 7 millions d’euros de budget de fonctionnement -, un chantier de près de 13 millions d’euros que nous avons entrepris représente une tâche… que je ne veux pas qualifier. » Pas de qualificatif, certes, mais cet éclairant parallèle. « En comparant les budgets de fonctionnement de Fort-de-France et de Saint-Pierre », débuta le maire, « la restauration de la cathédrale de Saint-Pierre équivaudrait à un chantier d’environ 400 millions d’euros pour la ville de Fort-de-France. » Objectif atteint : cette comparaison sembla être parlante, voire éloquente, à plusieurs membres de l’auditoire. Et de poursuivre : « Nul n’est besoin de dire que nous avons été confrontés à un exercice extrêmement périlleux dans un contexte de double déficit, à la fois d’ingénierie financière mais aussi et surtout d’ingénierie technique. (…) Saint-Pierre, avec tous les chantiers d’une ville en reconstruction depuis 1902, ne compte toujours pas d’ingénieur territorial dans ses effectifs… . » Un ‘’message’’ probablement récurrent.

Etienne Poncelet
Etienne Poncelet

Puis le maire de remercier les nombreux soutiens et partenaires financiers de cette longue et très conséquente opération, à savoir l’AFD (Agence Française de Développement), le Crédit Agricole, l’Etat, notamment via la DAC (Direction des Affaires Culturelles) de Martinique, la CTM, Cap Nord, les mécènes – la SOMES, les fondations Créo et La Martiniquaise, le Club Soroptimist Trinité/Saint-Pierre etc. – ainsi que tous les donateurs (« de la paroisse et du reste du monde ») via la cagnotte en ligne sur internet, sans omettre « tous les agents de la ville, qui ont contribué d’une façon ou d’une autre à cet effort hors normes ». Et Christian Rapha de lancer, en conclusion : « Beaucoup d’anecdotes et de péripéties ont ainsi marqué l’histoire de cette rénovation, mais nous pouvons nous réjouir aujourd’hui du beau résultat, de ce que nous garderons en mémoire avant tout comme une belle et exaltante aventure. Les obstacles et difficultés que nous avons surmontées ont enfanté du bonheur des visiteurs, qui admirent aujourd’hui ce que nous avons réalisé. » Et de la joie et de l’admiration il y en eut à foison ce mardi 02 Avril 2024.

Mike Irasque

*COROM : Contrat de Redressement en Outre-Mer. Crédit Photos : Roland Dorival pour ANTILLA.

 

 

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