La révision constitutionnelle votée cette nuit à l’Assemblée nationale passe mal auprès des indépendantistes, et provoque de vives tensions en Nouvelle-Calédonie. Après deux nuits d’émeutes un couvre-feu a été décrété, tandis que les autorités appellent au calme.

SOURCE LE BLOG DE RADIOFRANCE.FR et de FRANCECULTURE

Avec
  • Philippe Gomès Député “UDI Agir et Indépendants” de la Nouvelle Calédonie et fondateur du parti “Calédonie Ensemble”
  • Benoît Trépied Anthropologue, chargé de recherche au CNRS, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie

Pour en parler, Guillaume Erner reçoit le co-fondateur du parti contre l’indépendance “Calédonie Ensemble” Philippe Gomès, et l’anthropologue Benoît Trépied. Il est notamment le co-auteur de La coutume kanak dans l’État : perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie (L’Harmattan, 2017).

Une société profondément divisée

Comme l’explique Benoît Trépied, la Nouvelle-Calédonie était historiquement une colonie de peuplement : “c’est sa grande spécificité dans l’histoire de l’Empire français, c’est-à-dire que c’est une terre lointaine du Pacifique que la France a conquis, non seulement pour exploiter les ressources, mais aussi pour créer une nouvelle société locale avec des vagues de migrants venus de la métropole essentiellement, sur le modèle, disons, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande voisine ou encore de l’Amérique du Nord. Cela a donc amené à une situation très complexe où, à côté d’un peuple colonisé autochtone qui s’auto-identifie comme peuple kanak, il y a eu plusieurs vagues de migrants successifs : des bagnards, des colons, des “coolies” asiatiques, des travailleurs océaniens….”

Une situation qui n’a pas favorisé l’entente sociale sur l’archipel, même après l’abolition du statut de colonie en 1946. “Cela a abouti à face-à-face mortifère dans les années 1980, souligne Benoît Trépied. C’est à partir de 1988, avec les accords de Matignon signés par Michel Rocard, Jean-Marie Thibault et Jacques Lafleur, qu’il y a eu une dynamique de réconciliation et de décolonisation inclusive sous une nouvelle forme qui a été prolongée et même dépassée par l’accord de Nouméa.”

L’anthropologue souligne toutefois que la situation actuelle s’est détériorée du fait des méthodes du gouvernement d’Emmanuel Macron, et de la décision prise en 2021, pendant le Covid, de maintenir coûte que coûte le dernier référendum d’autodétermination : “cela s’est fait malgré la demande unanime de report des indépendantistes kanaks, en raison des morts liées au Covid. L’État l’a refusé, puis a clairement affiché sa préférence pour le camp dit loyaliste. Il en est de même plus récemment avec la question de l’élargissement du corps électoral, passée de force malgré les demandes indépendantistes.”

Qui sont les émeutiers ?

“On n’est plus avec le FLNKS, c’est-à-dire que les indépendantistes qui sont composés de dirigeants souvent anciens ne sont plus aux manettes, rappelle Philippe Gomès. On fait maintenant face au CCAT, le Comité de coordination des actions de terrain, qui est la branche la plus radicale des indépendantistes. Ensuite, on a désormais des jeunes, dont 50 % sont au moins mineurs, qui commencent à échapper à leur créateur. Même s’il y a eu des appels au calme lancés par les principaux dirigeants indépendantistes, la majorité d’entre eux ne les écoutent pas. Je rappelle qu’en Nouvelle-Calédonie, il y a 100 000 armes en circulation sur 270 000 habitants. On est quasiment aussi armés que les États-Unis.”

“Tout le contexte renvoie aux événements de 1984, ajoute Benoît Trépied. La leçon n’a pas été retenue : on ne peut pas passer en force sur le dossier calédonien parce que la Calédonie reste une poudrière. Jusque-là, il y avait une politique de la prudence, mais cela a été rompu depuis trois ans par le gouvernement qui, sur ce dossier, a décidé de passer en force.”

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