Le 9 décembre dernier, la Colombie a promulgué une loi supprimant les amendes pour les utilisateurs de drogue, avec pour objectif de recentrer les efforts de la police sur les grands trafiquants. La question cruciale demeure : le gouvernement dispose-t-il des conditions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par cette mesure ?

On peut dire que cela aura été le plus beau Noël des consommateurs de drogue colombiens. En effet, le gouvernement dirigé par Gustavo Petro a récemment pris une décision audacieuse, le samedi 9 décembre 2023. Les amendes pour possession de petites quantités de drogue ont littéralement été abrogées. Cette mesure, motivée par une volonté de rediriger les ressources policières vers la lutte contre les grands trafiquants de cocaïne, marque un tournant significatif dans la politique antidrogue de la Colombie. Une décision qui n’est pourtant pas si surprenante.

Dans son histoire, la Colombie a été marquée par une série de politiques complexes et souvent controversées, concernant la lutte anti-drogue. Pendant des décennies, le pays a été en proie à la production de cocaïne et de drogues illicites, ce qui a conduit à des efforts constants pour endiguer ce fléau. Les premières politiques visaient principalement à éradiquer les cultures de coca et à réprimer sévèrement les trafiquants. Cependant, ces mesures ont souvent eu des conséquences néfastes, créant des tensions sociales et alimentant des conflits armés.

Vers les années 1990, la Cour constitutionnelle colombienne a décidé de dépénaliser la possession et la consommation de petites quantités de marijuana, de cocaïne et de certaines drogues de synthèse, reconnaissant ainsi le droit individuel à la liberté personnelle. Malgré cette évolution, les amendes pour possession de drogue ont été maintenues en 2018 sous la présidence d’Iván Duque. L’abolition récente de ces amendes sous le gouvernement de Gustavo Petro est aujourd’hui source de nombreux débats à propos de l’évolution du trafic.

Un débat qui divise

Le décret récemment émis aligne les actions du président colombien Gustavo Petro avec son idéologie, mettant en avant la nécessité “d’éviter la criminalisation des consommateurs de drogues par des mesures correctives”. Cette orientation se traduit par un changement significatif dans la politique antidrogue du pays. En plus de cela, Gustavo Petro a donné des instructions claires aux forces de l’ordre pour cesser leurs opérations contre les petits cultivateurs de feuilles de coca. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’un nouveau modèle de lutte antidrogue, caractérisé par une collaboration étroite avec les États-Unis. 

“Il est souvent avancé que la légalisation de certaines drogues, dont la cocaïne, serait une solution efficace pour mettre un terme à certains trafics criminels,” introduit  Frédérique Massé, consultant politique en Colombie “Cependant, cette affirmation, bien que récurrente, manque de preuves solides. De plus, la légalisation de la feuille de coca semble dénuée de sens, car elle nécessiterait une consommation massive, ce qui s’avère peu réaliste.” Malgré une tendance assez favorable pour la dépénalisation de la drogue, l’opposition reste très forte et même une lutte acharnée pour que son usage reste limité.

“Des voix critiques émanant de l’opposition soulignent que l’abrogation du décret risque de favoriser le microtrafic”. reprend le spécialiste. “Ces critiques estiment que les revendeurs de drogue, se cachant derrière la couverture de doses minimales autorisées, pourraient stimuler la consommation. En réponse, la Cour constitutionnelle a réaffirmé le droit à la consommation de drogues à des fins médicales, soulignant la complexité de cet enjeu et la nécessité de considérations juridiques et sanitaires approfondies.”

Des limites suffisantes ?

Au cours des dernières années, les surfaces dédiées à la production de drogue, en particulier de cocaïne, n’ont cessé de croître. Les autorités locales ont constaté des volumes atteignant environ 1500 à 2000 tonnes de drogue par an. Bien que les amendes aient été abrogées, le projet montre tout de même quelques limites sur la réglementation. Ce sont les maires des communes du pays qui sont chargés de définir les endroits publics où il sera autorisé de consommer de la drogue.

“Bien que des mesures de cette nature aient été mises en place, il demeure incertain si le pays pourra réellement atteindre ses objectifs dans sa lutte contre la drogue, ou même s’il parviendra à abandonner son rang parmi les principaux acteurs du trafic de drogue,” termine Frédéric Massé.

Thibaut Charles

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version