Pour la première fois, l’Agence française de développement (AFD) publie un « Observatoire des communes de Guadeloupe ». Cet ouvrage dresse un diagnostic chiffré de la situation financière des 32 communes, compare leurs indicateurs aux autres DROM et met en lumière les leviers de gouvernance locale. Les données 2023 – encore provisoires – confirment la vigueur des recettes, la proportion élevée de dépenses de personnel, une épargne en nette amélioration et un endettement contenu, tout en pointant la faible part d’investissements portés par les intercommunalités.
1. Des recettes de fonctionnement record, tirées par la fiscalité indirecte
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1 851 € par habitant, soit le niveau le plus élevé des DROM et supérieur à la moyenne hexagonale (1 404 €/hab.).
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90 % des recettes proviennent de la fiscalité (taxes foncières, octroi de mer, taxe sur les carburants) et des concours de l’État.
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L’octroi de mer représente près de la moitié des recettes fiscales : une manne, mais aussi un facteur de dépendance à la consommation importée.
2. Des dépenses de fonctionnement également en tête
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1 631 € par habitant (+3,4 % en un an).
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Les frais de personnel pèsent 1 114 €/hab., un record national ; ils représentent environ deux tiers des dépenses courantes.
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Le taux de « rigidité » (personnel + frais financiers) atteint 70 %, limitant la marge d’ajustement budgétaire rapide.
3. Une épargne nette qui double presque
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L’épargne nette bondit de 80 € à 148 € par habitant (+85 %) et place la Guadeloupe en tête des DROM.
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60 % des communes dégagent une épargne suffisante pour auto-financer une partie de leurs investissements ; à l’inverse, 19 % restent en situation déficitaire ou quasi nulle.
4. L’investissement repart, dopé par les subventions
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Dépenses d’équipement : 294 €/hab. en 2023, niveau médian des DROM mais supérieur à la période pré-Covid.
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62 % des recettes d’investissement (hors auto-financement) proviennent de subventions ; l’emprunt ne représente que 10 %.
5. Un endettement modéré et en baisse
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Encours moyen : 754 €/hab., en repli de 17 % depuis 2018 et inférieur à La Réunion (1 133 €/hab.).
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Capacité de désendettement : 3,4 années d’épargne brute en moyenne ; 60 % des communes sont sous le seuil prudentiel de 4 ans.
6. Les intercommunalités, maillon encore fragile
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Six EPCI exercent des compétences clés, mais réalisent seulement 20 % des investissements du bloc communal sur 2019-2023 – le ratio le plus faible des Outre-mer.
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Le partage des ressources fiscales (24 % des recettes transférées) devra évoluer pour renforcer leur rôle de mutualisation et de planification.
Consolider les marges de manœuvre et préparer 2025
Le millésime 2024 dévoile une capacité financière renforcée : recettes dynamiques, épargne redressée et dette soutenable. L’enjeu central reste la maîtrise durable des charges de personnel afin de libérer des ressources pour l’investissement et l’innovation publique. La montée en puissance des intercommunalités constitue un autre levier, tant pour mutualiser les services que pour porter des projets structurants (mobilités, gestion des déchets, résilience climatique).
La prochaine édition, alimentée par les comptes 2024, dira si les communes guadeloupéennes ont su transformer ces atouts en programmes d’investissement ambitieux et socialement inclusifs.