Aleteia.
Par Hugues Lefèvre – Dans un message adressé à l’Académie pontificale pour la Vie ce lundi, le pape François s’inquiète de la perte de vitesse du multilatéralisme miné “par des attitudes à courte vue soucieuses de protéger des intérêts particuliers et nationaux”. Hospitalisé depuis le 14 février, le Pape a signé officiellement son texte le 26 février depuis la polyclinique Gemelli de Rome.
Pris en charge depuis 18 jours par les médecins du Gemelli en raison d’une grave infection respiratoire, le Pape continue de valider des nominations et de signer des textes. En témoigne son message envoyé aux participants de l’assemblée générale de l’Académie pontificale pour la Vie réunis à Rome pendant trois jours pour réfléchir sur le thème de “La fin du monde ? Crises, responsabilités, espoirs”.
Dans ce texte d’une page et demie, le Pape s’attriste de la “perte progressive de pertinence des organismes internationaux”, un thème récurrent dans certains grands textes de son pontificat et dans ses discours aux ambassadeurs. Le chef de l’Église catholique déplore les “attitudes à courte vue soucieuses de protéger des intérêts particuliers et nationaux” et souhaite un multilatéralisme qui ne “dépende pas des circonstances politiques changeantes ou des intérêts de quelques-uns”.
Pour lui, les organisations internationales doivent être dotées “d’autorité pour assurer le bien commun mondial, l’éradication de la faim et de la misère ainsi qu’une réelle défense des droits humains fondamentaux”. Il s’agit d’un “devoir urgent qui regarde l’humanité entière”, insiste-t-il.
Les États-Unis de Donald Trump pointés du doigt ?
Interrogé par I.Media sur la concomitance du message du Pape et les tensions géopolitiques récentes, Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, a précisé lors d’une conférence de presse que le texte avait été rédigé avant l’hospitalisation, et ne pouvait pas être directement rattaché aux événements de ces derniers jours.
Le retour du président américain Donald Trump à la Maison Blanche en janvier marque une rupture dans les relations internationales et s’accompagne d’une défiance des États-Unis vis-à-vis des organismes traditionnels de coopération internationale.
Pour Mgr Paglia, qui n’a fait aucun commentaire sur l’actualité internationale, le message du Pape pointe du doigt “l’oubli des peuples”, un phénomène qui ne date pas d’aujourd’hui. Selon l’archevêque italien, François a voulu mettre en garde contre le risque d’une politique qui soit entre les mains “des plus riches et des plus puissants” et qui “oublie le bien commun de toute la planète”.
Le mirage de la technocratie
Dans son message, le pape François revient sur le mirage technocratique. “Ce n’est pas la technocratie qui nous sauvera : encourager une dérégulation utilitariste et néolibérale à l’échelle mondiale signifie imposer la loi du plus fort comme seule règle ; et c’est une loi qui déshumanise”, insiste-t-il, en reprenant un passage de l’encyclique Laudato si’. Dans ce grand texte de 2015 sur l’écologie, le pape soulignait que le progrès technologique n’avait “pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience”, et qu’il fallait y remédier.
Dans son message à l’Académie pour la vie, le pape aborde dès les premières lignes le concept de “polycrise” qui recouvre les guerres en cours, le changement climatique, les problèmes énergétiques, les épidémies, les phénomènes migratoires et l’innovation technologique.
“L’imbrication des crises, qui touchent simultanément différentes dimensions de la vie, nous amène à nous interroger sur le sort du monde et sur la manière dont nous le comprenons”, écrit-il aux membres de la structure fondée par le pape Jean Paul II. Pour ce faire, le Pape invite les académiciens à ne pas “rester immobiles, ancrés dans nos certitudes, nos habitudes et nos peurs, et à écouter attentivement l’apport de la connaissance scientifique”.