St. Lucia Times
Par Rédaction
Le 29 avril 2025 marque le centenaire de la naissance de Sir John Compton, premier Premier ministre de Sainte-Lucie, vénéré comme le Père de la Nation et principal architecte de la société sainte-lucienne moderne. Compton occupe incontestablement une place unique et incomparable dans l’histoire et la culture de Sainte-Lucie. Son leadership visionnaire et son engagement indéfectible en faveur de la transformation de ce qui n’était qu’un avant-poste isolé et un territoire d’outre-mer de la Grande-Bretagne coloniale dans les années 1960 sont profondément ancrés dans la nation.
Formé en droit et en économie à la London School of Economics (LSE) dans les années 1940, Compton était probablement un contemporain du Premier ministre fondateur de Singapour, Lee Kuan Yew – qui a commencé ses études de droit à la LSE avant d’être transféré à Cambridge – ainsi que d’Errol Barrow, premier Premier ministre de la Barbade, qui a également étudié le droit et l’économie à la LSE à la même époque. Ces trois hommes, originaires de petits États insulaires en développement, distants de 17 620 kilomètres, étaient destinés à mener leurs nations respectives hors du joug colonial et à jeter les bases de leur développement futur.
C’est à la LSE qu’ils furent exposés aux idéologies de la Fabian Society, une idéologie que Sir Arthur Lewis aurait également adoptée. De ce fait, la philosophie du développement de Compton portait les marques distinctives de la pensée fabienne, privilégiant l’analyse rationnelle, la recherche empirique et une approche graduelle et pragmatique de la transformation sociétale. Cela contrastait avec les perspectives marxistes plus radicales et révolutionnaires qui caractérisaient de nombreux mouvements de décolonisation de l’époque.
Construire à partir de l’adversité
Dans son éloge funèbre pour Compton, Sir Dwight Venner, ancien gouverneur de la Banque centrale des Caraïbes orientales, a brossé un tableau saisissant de la Sainte-Lucie dont Compton a hérité : aux prises avec de graves difficultés socio-économiques. L’éveil politique de Compton est survenu au lendemain des émeutes ouvrières de 1938, qui ont révélé les conditions de vie difficiles de la classe ouvrière et ont conduit au rapport de la Commission Moyne sur la réforme sociale dans les Antilles britanniques.
Le gouverneur Venner, lui-même un économiste respecté, décrivait alors Sainte-Lucie comme « un endroit où il fait mauvais vivre ». La pauvreté était généralisée, les logements inadéquats et la population souffrait d’un accès limité aux soins de santé et à l’eau potable, la rendant vulnérable aux maladies d’origine hydrique comme la bilharziose. L’éducation restait le privilège d’une minorité, renforçant les inégalités profondément ancrées.
De nombreux Saint-Luciens cherchèrent une vie meilleure en Guyane, à Cayenne, à Aruba, à Curaçao et au Royaume-Uni.
Comparant les tâches des dirigeants caribéens de l’époque, Venner affirmait avec audace : « Compton avait sans doute la tâche la plus ardue des trois. » Bien que Singapour fût de taille comparable, elle possédait une population plus nombreuse et des infrastructures supérieures. Lee Kuan Yew exerçait également un plus grand contrôle sur le système politique et l’économie de Singapour. La Barbade, bien que plus petite, avait une population plus instruite et une tradition parlementaire séculaire.
Un héritage d’autodétermination et de pragmatisme
L’héritage de Compton ne se résume pas à une série de premières politiques – bien qu’il ait été le premier Premier ministre de Sainte-Lucie, le premier Premier ministre et l’une des figures fondatrices de l’indépendance. Il s’appuie sur le renforcement des institutions, la prudence budgétaire et la conviction que l’île est capable de façonner son propre destin. De la réforme agraire et des infrastructures publiques à l’éducation et à la diplomatie régionale, il a adopté un modèle de développement pragmatique et centré sur l’humain.
Il a été le fer de lance de la création d’institutions telles que le Régime national d’assurance, de nouvelles écoles et du Sir Arthur Lewis Community College. Par l’intermédiaire de la Société de financement hypothécaire de Sainte-Lucie, il a mis en place des programmes de logement à San Souci, Reduit, Entrepot et Tapion, jetant ainsi les bases d’une classe moyenne sainte-lucienne. Pendant trois décennies, il a supervisé le développement des routes, des ports, des centres de santé, des infrastructures hydrauliques, de la baie de Rodney et de la chaussée de Pigeon Island, transformant ainsi l’île.
Une politique souvent négligée, mais transformatrice, fut le démantèlement de la bananeraie, transformant les travailleurs des plantations de simples ouvriers en propriétaires de la production. Cette mesure a enrichi la classe agricole, ouvrant la voie à ce que l’on appelle l’ère de l’or vert, avec des rendements accrus et des recettes en devises étrangères finançant le développement d’autres secteurs. Lorsque Compton quitta ses fonctions en 1996, Sainte-Lucie était devenue la plus grande économie de l’OECO, avec un PIB d’environ 2,1 milliards de dollars des Caraïbes orientales et un ratio dette/PIB de seulement 512 millions de dollars des Caraïbes orientales.
Un plan pour l’avenir
Alors que nous célébrons le centenaire de sa naissance, la question urgente n’est plus de savoir comment nous souvenir de Sir John Compton, mais comment raviver son approche. À une époque marquée par la montée des inégalités, l’incertitude mondiale et la lassitude institutionnelle, ses valeurs d’épanouissement rural, d’autodétermination nationale et de gouvernance rigoureuse pourraient bien apporter les réponses dont nous avons besoin.
Ce centenaire est plus qu’une simple commémoration : c’est un moment d’introspection. En revisitant ses principes, nous pourrions trouver une feuille de route non seulement pour nous souvenir du passé, mais aussi pour réimaginer l’avenir.
Est-il temps de revenir à l’économie du développement comptonienne, qui a fait ses preuves ?