Le pavillon de Malte à l’Expo 2025 Osaka Kansai présente une authentique armure de samouraï, soulignant ainsi le lien culturel inattendu entre le Japon et Malte. Récemment redécouverte et restaurée, cette armure était un cadeau datant de la première mission diplomatique japonaise en Europe en 1862, témoignant ainsi du lien historique entre les deux nations insulaires.
En 2015, une découverte insolite a été faite à La Valette, la capitale de Malte : une armure de samouraï oubliée provenant du Japon. Cette découverte a marqué le début d’une période de restauration minutieuse, qui a permis à l’armure de briller pour la première fois à l’Expo 2025 d’Osaka.
« Nous étions en train de restaurer le Palais du Grand Maître lorsque nos collègues d’Heritage Malta (agence nationale pour les musées et le patrimoine culturel) ont découvert cette immense boîte », raconte Josephine Farrugia, commissaire générale adjointe du Pavillon de Malte. « À l’intérieur, ils ont trouvé une armure complètement différente de tout ce que nous avions.»
C’est alors que l’ambassadeur de Malte au Japon, André Spiteri, est intervenu, reconnaissant la découverte comme une armure de samouraï japonaise. « J’ignorais totalement qu’une telle armure se trouvait à Malte », confiait-il.
Spiteri a mené l’enquête sur l’origine de l’armure, qui a révélé qu’elle avait été offerte à l’ancien gouverneur britannique de l’île en 1862 par la Mission Bunkyu, première ambassade japonaise en Europe, dirigée par le seigneur samouraï Takenouchi Yasunori.
Le cadeau était exposé au Palais du Grand Maître, un édifice du XVIe siècle qui abrite aujourd’hui le bureau du président de Malte, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Il fut alors mis sous terre pour être mis à l’abri pendant les incessantes attaques aériennes qui durèrent deux ans.
La Mission Bunkyu, première ambassade japonaise en Europe, a offert trois armures à l’ancien gouverneur britannique de Malte en 1862.
La Mission Bunkyu, première ambassade japonaise en Europe, a offert trois armures à l’ancien gouverneur britannique de Malte en 1862.
Oubliée pendant près d’un demi-siècle dans un entrepôt et exposée à l’humidité, l’armure était considérablement dégradée lorsqu’elle a été redécouverte. Afin de lui redonner toute sa splendeur, Spiteri et Heritage Malta ont collaboré avec le ministère japonais des Affaires étrangères pour la transporter à Kyoto, où elle a été confiée aux soins et à l’expertise de Miyaobi, une entreprise de négoce et de réparation d’antiquités basée à Kyoto.
« J’étais conscient de sa valeur et de son importance », expliqua Harumasa Miyashita, président et directeur délégué de Miyaobi. Ma philosophie est de faire revivre l’histoire enfouie, et lorsqu’on m’a proposé de restaurer et de faire revivre l’armure, j’ai senti que c’était ma mission.
« J’espère que l’exposition de l’armure encouragera les habitants des deux pays à s’intéresser davantage l’un à l’autre. »
Les artisans de Miyaobi ont révélé une autre surprise. « Après classification, nous avons découvert une troisième armure, là où nous pensions n’en avoir que deux », explique Spiteri. « De plus, des détails concernant la construction, les matériaux et les insignes ont confirmé l’authenticité de l’armure et suggéré des liens avec d’importantes familles de samouraïs. »
L’histoire de la restauration a été documentée par l’artiste visuelle et réalisatrice Irina Babanova dans son documentaire « Forging Bonds: The Samurai Armor Restoration ».
« J’ai entendu parler de ce projet par un ami qui a joué un rôle de facilitateur et mis en relation les autorités maltaises avec les artisans locaux. « En en apprenant davantage, j’ai su que je voulais m’impliquer », explique Babanova. « Cette restauration m’a fascinée non seulement par son côté artistique, mais aussi par sa profonde signification historique et diplomatique.»
Babanova a pu immortaliser le travail de restauration tandis que les artisans restituaient soigneusement à l’armure son éclat d’antan. La première du documentaire est prévue au Pavillon de Malte cet été (la date sera annoncée ultérieurement).
Alors que deux des trois armures sont actuellement entreposées à Kyoto, l’une d’elles est désormais exposée au Pavillon de Malte à l’Expo. Chika Horiki, chef d’équipe au Pavillon de Malte et ayant étudié à Malte, affirme que l’armure est pour elle bien plus qu’un simple objet.
« Lorsque je la vois exposée, j’ai l’impression qu’elle porte en elle des dons invisibles : les pensées de tous ceux qui y ont participé, l’histoire commune et l’amitié entre nos deux pays », confie Horiki. « Pouvoir admirer une pièce aussi importante ici, au Pavillon de Malte, me remplit d’un profond sentiment d’émerveillement et de gratitude. »
Afin de mettre en lumière l’histoire et l’artisanat militaires des deux pays, l’armure de samouraï est présentée aux côtés de celle portée par un chevalier de l’Ordre de Saint-Jean, un ordre religieux qui a régné sur Malte de 1530 à 1798. « À première vue, de nombreux visiteurs perçoivent cette exposition comme une simple comparaison entre les armures maltaises et japonaises », explique Horiki. « Cependant, lorsqu’ils entendent l’explication – l’armure a en fait été offerte à Malte par le Japon et y est conservée depuis de nombreuses années – ils sont visiblement surpris et se mettent souvent à prendre des photos. »
Deux des trois armures retrouvées sont actuellement entreposées à Kyoto, tandis qu’une autre est désormais exposée au Pavillon de Malte à l’Exposition universelle de 2025 à Osaka.
Kevin LOGNONÉ