Il vous encore du temps pour voir cette exposition ! Consciente des difficultés vécues par le « monde artistique » quant aux conséquences de la pandémie de Covid-19, la direction et les équipes de la Fondation Clément organisent, jusqu’au 31 mai prochain, un « marché d’art » via une exposition collective, réunissant les œuvres de quarante artistes plasticien.ne.s.* Les précisions de Florent Plasse, le chargé des expositions et du patrimoine à la Fondation Clément. L’occasion également d’évoquer les répercussions de deux ans de pandémie sur l’activité et les projets…

Florent Plasse :

« On s’est dit ‘’faisons un marché d’art’’, ce que nous n’avions jamais fait » 

Florent Plasse, chargé du patrimoine à la Fondation Clément (MI)

Antilla : Comment l’équipe de la Fondation Clément a-t-elle vécu les conséquences de ces deux ans de pandémie ?

Florent Plasse : L’année 2021 a été plus difficile que 2020. On a eu de la difficulté à monter les projets qu’on avait imaginés : c’est très difficile de faire voyager les artistes et les œuvres, et le ‘’passe sanitaire’’ a limité la fréquentation du public martiniquais – le taux de vaccination étant ce qu’il est – or le public de la Fondation Clément est essentiellement martiniquais. Donc toute notre programmation a été très perturbée : l’an dernier nous n’avons fait que 3 expositions. Et les perspectives pour 2022 n’étaient pas évidentes. En effet on aurait dû commencer la saison avec une très grande exposition, montée en partenariat avec le Musée du Quai Branly (à Paris, ndr), le Musée de Nouvelle-Calédonie et le Centre Tjibaou, à Nouméa. Cette grande exposition s’appelait Présence Kanak et présentait de l’art traditionnel et contemporain – un peu dans l’esprit de ce qu’on a fait il y a 4 ans avec l’exposition Afriques – avec comme commissaire d’exposition Emmanuel Kasarhérou, le président du Musée du Quai Branly. Tout était prêt mais on a été obligés d’annuler en décembre dernier, parce que la situation sanitaire et sociale ne permettait pas de s’engager et de prendre des risques.

Cette exposition collective s’inscrit donc dans une volonté de la Fondation Clément de relancer sa saison ?

Oui et suite à une période difficile pour les artistes, on s’est dit ‘’faisons un marché d’art’’, ce que nous n’avions jamais fait. Les œuvres de nos expositions sont parfois à vendre, c’est le choix de l’artiste, mais on n’avait jamais fait la démarche d’être à l’initiative d’une action commerciale. Nous avons choisi ces 40 artistes, qui ont choisi les œuvres qu’ils et elles présenteraient, puis nous avons publié un catalogue présentant toutes ces œuvres, avec les coordonnées de l’artiste et le prix de l’œuvre, ce qu’on ne fait jamais habituellement. Les ventes sont faites directement par les artistes, nous ne sommes pas intermédiaires, nous n’avons ni commissions ni intérêts, on met juste à disposition le lieu, la communication, l’organisation, la production etc. C’est la première fois qu’on fait ça, on verra ce que ça donne ; les prix ont été fixés par les artistes et il y a une grande diversité de prix.

« Le transport des œuvres devient de plus en plus compliqué… » 

En termes de datation de création, les œuvres composant cette exposition sont-elles relativement récentes ?

Cela dépend. Par exemple Ernest Breleur présente ici des œuvres qui datent de sa période du ‘’Groupe Fwomajé’’, donc des oeuvres qui ont 30 ans. Et il y a des œuvres très récentes.

Avec des incertitudes qui demeurent quant à la pandémie et les conséquences de la guerre en Ukraine, notamment sur le transport international, les équipes de la Fondation Clément arrivent-elles à se projeter dans l’avenir ?

C’est difficile parce que les obstacles sont multiples. Oui le transport des œuvres devient de plus en plus compliqué, donc pour l’instant on avance avec prudence. Beaucoup de nos projets ont été annulés ou suspendus ; des projets qui nécessitent par exemple qu’un commissaire d’exposition puisse voyager dans la Caraïbe : or aujourd’hui c’est plus facile d’aller aux USA ou en France que dans la Caraïbe, par rapport à la fermeture des frontières etc. Donc on a présenté, à plusieurs reprises, la collection de la Fondation – environ 800 œuvres d’artistes caribéens – ce qui est une sorte de préfiguration de ce qu’on fera dans le bâtiment qui est construction à l’extérieur de cette salle. En effet l’objet de ce futur bâtiment sera de présenter, en permanence, cette collection de la Fondation Clément.

Propos recueillis par Mike Irasque

*Quarante artistes parmi lesquel.les Valérie John, Victor Anicet, Chantal Charron, Ronald Cyrille, Luz Sévérino, Raymond Médélice, etc.


 Alain Aumis, plasticien ravi de cette initiative  :

« En tant qu’artiste, on a la chance de pouvoir participer à une opération comme celle-là, qui vaut toutes les expositions du monde. Je suis très fier d’être là (sourire).

Le plasticien martiniquais Alain Aumis fait partie des 40 artistes dont les œuvres sont actuellement exposées à la Fondation Clément. « Comme je n’arrête pas de travailler, j’avais des toiles qui étaient déjà prêtes », nous expliqua-t-il, « le confinement a impliqué pour moi de passer beaucoup de temps à créer dans mon atelier. »

Précisément, que pensez-vous de cette initiative née notamment de cette période de confinement inhérente au Covid-19 ? « Je pense que M. Bernard Hayot a eu le courage – il n’y a pas d’autre mot – de dire que nous sommes dans une situation de détresse », glissa l’artiste dans une émotion quasi palpable, « alors les retraités comme moi n’ont pas de grands besoins au niveau financier, mais d’autres artistes, particulièrement des jeunes, ont besoin de pouvoir travailler et d’étendre leur travail à d’autres milieux. M. Hayot a eu cette idée extraordinaire de dire ‘’je mets un espace comme celui-là à votre disposition : faites quelque chose avec’’. » Et quel est votre regard sur la diversité des œuvres composant cette exposition ? « Déjà, arriver à placer ensemble 40 artistes d’univers si différents, est un sacré challenge. Il y a eu un gros travail de préparation, et concernant le temps que l’équipe de la Fondation Clément a pris pour monter cette exposition, je dis respect ! ».

Puis Alain Aumis de glisser : « En tant qu’artiste, on a la chance de pouvoir participer à une opération comme celle-là, qui vaut toutes les expositions du monde. Je suis très fier d’être là (sourire). » MI

Mardi gras, d’Alain Aumis (MI)
Haïlé Sélassié, de Bruno Pédurand
Ago lé kiltivatè, de Patricia Donatien
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