Dans cette tribune, Maurice Laouchez nous invite à dépasser les rancœurs historiques et les blocages intérieurs pour renouer avec une ambition collective forte. Sans nier les blessures du passé colonial ni les réalités persistantes du racisme, il met en lumière une entrave plus insidieuse encore : le manque de confiance en soi. Selon lui, cette autocensure nuit à la pleine réalisation des talents antillais. C’est donc un appel à l’audace, à l’action et à la fierté que nous livre ici l’auteur, convaincu que l’heure est venue d’habiter pleinement le monde, sans complexes.
Il y a chez beaucoup d’Antillais une attitude de réserve, voire de franche hostilité vis-à-vis de la France et de l’Europe.
Les raisons le plus fréquemment mises en avant pour justifier cette attitude tiennent au passé colonial et au racisme quotidien.
Nul ne peut nier que ce passé colonial fut l’une des manifestations les plus graves de la barbarie.
Nul ne peut nier non plus qu’au quotidien, dans l’Hexagone et ailleurs, d’innombrables Antillais sont victimes de multiples manifestations de racisme qui leur empoisonnent la vie.
Cela dans l’indifférence de tribunaux qui ne sanctionnent pratiquement jamais les rares cas qui arrivent jusqu’à eux.
Mais il est une autre cause de cette réserve, de cette hostilité de nombreux Antillais vis-à-vis de la France et de l’Europe.
Cette autre cause, trop rarement rappelée, tient à une insuffisante confiance en nous-mêmes.
Il s’agit d’une sorte d’autocensure, consistant à ne pas engager certaines actions, à ne pas ambitionner certaines responsabilités, parce qu’on se croit battu d’avance à cause de la couleur de sa peau.
Devenir Banquier, Ingénieur, Préfet, Ambassadeur, Maire d’une grande ville, PDG de multinationale, Ministre, président de la République : non ! On n’y arrivera jamais, croient certains, souvent soutenus dans cette erreur par leurs parents.
Pourtant, Barack Obama est devenu l’un des meilleurs présidents des Etats-Unis, Gaston Monnerville fut président du Sénat, de nombreuses inventions scientifiques ont été le fait de Noirs, de nombreux artistes ou sportifs Noirs enchantent et fascinent le monde entier.
Que dire de l’Afrique, Terre – Mère bien avant la Grèce, véritable matrice de notre Civilisation contemporaine, beaucoup plus égypto-chrétienne que judéo-chrétienne, n’en déplaise aux mystificateurs de tout poil encore à l’oeuvre aujourd’hui.
Il importe donc, au lieu de rester bloqué dans des bouderies stériles ou dans une hostilité qui ne sont finalement que des formes inconscientes de dépendance, d’assumer une totale confiance dans nos propres talents et dans le fruit de nos efforts.
Il s’agit d’embrasser frontalement les défis du 21 ème siècle avec la certitude de pouvoir, autant, voire plus que d’autres grâce à nos racines multiples, contribuer à les résoudre.
Là encore, dans cette mondialisation qui s’impose vaille que vaille, en participant, sans aucun complexe, à construire, ici et là, le plus large, nous pouvons et devons améliorer le plus étroit, et nous améliorer nous-mêmes.
« Entre le plus large et le plus étroit, je choisis le plus large », nous dit le poète…
Écoutons-le.
Maurice Laouchez