Les niveaux de confiance dans les institutions mais aussi envers les autres citoyens varient d’une région européenne à l’autre. Alex Castellon / Shutterstoc
Repéré sur The Conversation
Dès les premiers cas signalés en Europe, début 2020, certaines études ont souligné que les régions européennes n’étaient pas également touchées par l’épidémie de coronavirus. La cartographie des taux de mortalité cumulés liés à la Covid-19 à la fin du mois de juillet 2020 révèle de fortes différences entre les territoires périphériques, où le taux d’infection reste limité, et les régions centrales où les taux atteignent plus souvent des niveaux élevés. Les cas de la France, de l’Italie et de l’Espagne sont emblématiques de ces disparités.
Différents groupes d’indicateurs peuvent expliquer l’hétérogénéité spatiale de la mortalité due à la pandémie de Covid-19 : les facteurs démographiques et de concentration (densité de population, proportion de la population âgée de 65 ans et plus, espérance de vie), les indicateurs du revenu et de la richesse (PIB par habitant, indice de pauvreté), les caractéristiques du système de soins (lits d’hôpitaux). La combinaison de ces indicateurs calculés à l’échelle locale (NUTS 2 ou 3) à partir de sources diverses offre une vision d’ensemble de la situation et des écarts observés.
Parmi les variables démographiques (densité de population, part de la population de plus de 65 ans et espérance de vie), une seule est significative. Une proportion plus élevée de personnes ayant une espérance de vie élevée entraîne une plus forte prévalence de décès liés à la Covid-19, ce qui confirme le facteur de risque de l’âge fréquemment mentionné dans la littérature et le rôle essentiel de la démographie, en particulier la façon dont la structure d’âge d’une population peut contribuer à expliquer les différences de taux de mortalité entre les régions et le déroulement de la transmission.
Facteurs intangibles
La qualité du système de soins explique également les différences de mortalité liée à la Covid-19 entre les régions. Celles dont le système de santé, ici décrit par le nombre de lits hospitaliers, est insuffisant sont plus susceptibles de présenter une mortalité associée à la Covid-19 plus élevée. Avec un besoin d’hospitalisation en unités de soins intensifs pour plus de 15 % des patients infectés, le nombre de lits disponibles a été un problème critique dans la gestion de la crise sanitaire. Même si, à court terme, les thérapies pharmacologiques d’appoint ont constitué une solution essentielle pour faire face à la pandémie, les services de soins ont été déterminants dans le traitement des personnes infectées. C’est pourquoi les tensions dans le secteur hospitalier ont été surveillées de près et leur évitement a expliqué nombre de choix en matière de confinement.
Des facteurs plus intangibles tels que la confiance dans les autres et la qualité des institutions ont plus rarement été considérés alors même que se protéger les uns les autres et adhérer aux mesures décidées est essentiel dans la gestion de l’épidémie et ses conséquences. Les intégrer dans une combinaison d’éléments explicatifs calculés à l’échelle locale permet de dégager une vision d’ensemble de la situation et des écarts observés.
En tant que composante du capital social, l’éducation se révèle essentielle dans la compréhension des inégalités locales en matière de Covid-19. Elle diffuse la connaissance, composante de base du capital humain, et cultive les normes sociales qui sont au cœur du capital social. Les résultats obtenus montrent que plus la confiance est faible, plus les taux de mortalité dus à la Covid-19 sont élevés. Il est raisonnable de considérer que la confiance sociale fonctionne de manière similaire à la confiance institutionnelle dans la mesure où une crise intensifie la culture de confiance primaire.
Les personnes ayant une faible confiance ont donc tendance à identifier les aspects négatifs des situations ambiguës, à considérer que les autres ne respectent pas les règles et, donc, à essayer de les contourner, ce qui amplifie la gravité de l’épidémie. Au contraire, dans les endroits où une grande majorité de citoyens fait preuve d’un niveau élevé de confiance en autrui, les autres sont censés correctement respecter les règles si bien que, par un processus d’imitation, celles-ci finissent par l’être par tous, entraînant une baisse du taux de mortalité. Ce résultat confirme qu’un aspect essentiel de la propagation de l’épidémie est la confiance de citoyen à citoyen, un actif intangible capable de façonner les conséquences du phénomène Covid-19.
Conforter la confiance
Plusieurs types de confiance sont en jeu dans un tel processus. La confiance des citoyens à l’égard des gouvernements d’abord comme le signale l’OCDE qui s’inquiète du déclin de la confiance dans les gouvernements et souligne qu’à tous les stades de la pandémie Covid-19, la confiance dans les institutions publiques est cruciale. Mais, au-delà de la confiance dans les institutions qui sont pour la plupart nationales, les relations sociales locales comptent également.
Influencées par la culture et les habitudes locales, elles façonnent également la propagation de la maladie. En effet, la disposition des personnes à adopter des comportements protecteurs et à respecter les règles de verrouillage dépend de la conviction que les autres agissent de la même. La propagation du virus pourrait donc être plus difficile dans les endroits où les relations interpersonnelles et la confiance sociale sont élevées que dans les régions où la confiance sociale est faible. Ces résultats confirment que la pandémie façonne la confiance et la solidarité entre les citoyens et, par ailleurs, le degré de respect des règles édictées par le gouvernement.
La diffusion mondiale de la Covid-19 s’est accompagnée d’une vague de désinformation qui mine les réponses politiques et amplifie la méfiance et l’inquiétude des citoyens. Dans le monde entier, les gouvernements tirent parti de la communication publique pour contrer la désinformation et soutenir les politiques. L’efficacité de ces actions dépendra de leur ancrage dans des principes de gouvernement ouvert, principalement la transparence, afin de renforcer la confiance dans les institutions publiques. Dans ce contexte, la gouvernance au niveau infranational est un facteur explicatif fondamental de la prévalence de la pandémie.
Le caractère global de la pandémie a placé les gouvernements en première ligne de la gestion de la crise. Ils sont responsables de l’organisation des mesures d’endiguement, des soins de santé, des services sociaux, du développement économique et des investissements publics. Leur rôle ne se limite toutefois pas à cela. Il est aussi de leur ressort de faire adhérer les citoyens aux politiques décidées nationalement et mises en œuvre localement.
Les différences de confiance non seulement dans les institutions mais aussi dans les tiers ont souvent été laissées de côté dans l’explication de l’intensité et de la propagation de la Covid-19 au profit d’une approche purement technique. Alors que la bataille de l’information sur ce sujet fait rage, il serait tout aussi important de s’interroger sur les différences d’adhésion aux normes et voir comment conforter la confiance des citoyens