Trop souvent reléguée au second plan des priorités politiques, la justice est pourtant un enjeu fondamental des démocraties contemporaines. Entre le manque criant de moyens et les limites de son efficacité, elle est confrontée à des défis qui compromettent autant la sécurité que les libertés des citoyens. Maurice Laouchez invite à une réflexion sur l’état de notre système judiciaire et l’urgence d’une réforme en profondeur.
L’un des mots souvent utilisés dans la vie courante est celui de justice. Depuis l’enfant déçu qui se plaint à ses parents en disant: « c’est pas juste », jusqu’à l’innocent injustement condamné par les tribunaux des adultes.
Ce mot désigne à la fois un objectif permanent de la vie en société, et une administration.
Lourde responsabilité pour une administration que de porter le nom d’une vertu!
Avoir à faire à la justice est rarement considéré comme une chance; même si on en prend l’initiative.
Les décisions de justice, parfois surprenantes, créent chaque fois des situations nouvelles et modifient souvent la vie de ceux qui en sont l’objet, pour le meilleur ou pour le pire.
En temps de guerre, c’est à l’armée que les démocraties confient le soin de protection de chacun.
En temps de paix, c’est aux forces de police et de gendarmerie, placées autant que de besoin sous les ordres des magistrats, qu’il revient d’assurer liberté et sécurité.
Deux questions se posent alors.
La première question est de savoir les magistrats disposent des moyens nécessaires à l’exécution de leur mission.
La deuxième question est de savoir si ils font le meilleur usage possible des moyens mis à leur disposition.
A la première question, la réponse est bien connue.
Comparativement à des pays de même niveau économique, il manque à la France autant de magistrats qu’il y en a actuellement. Il y en a 9000, il en faudrait 18.000.
Cette situation est le résultat direct d’une politique sciemment menée par les présidents, les gouvernements et les majorités parlementaires des 50 dernières années.
D’où une situation inévitable de totale insatisfaction, chez les juges comme chez les justiciables.
La réponse à la deuxième question, à savoir l’efficacité de ce Ministère, est évidemment plus difficile à trancher.
Pour vous aider à vous faire votre propre opinion, je vous invite à prendre connaissance d’ un document élaboré en 1974 par un magistrat du nom d’ Oswald BAUDOT.
Ce document est communément appelé « La harangue de Baudot ».
Cinquante ans après, il conserve une totale actualité, car il inspire de nombreuses décisions de justice.
Elaboré à une époque où la justice étouffait sous le poids de la hiérarchie, il a contribué, au fil du temps, à créer une situation inversée, où le poids de la hiérarchie est quasiment nul, comme l’illustre le fait que le Ministre de la Justice ait pu être mis en examen par les propres fonctionnaires de son Ministère.
Ainsi s’est créée, avec le puissant concours du statut de la fonction publique, une situation qui n’est considérée par personne comme satisfaisante.
Le problème des conditions dans lesquelles la justice est rendue est un des principaux défis que doivent relever d’urgence les démocraties contemporaines.
Ce problème contribue à la crise de plusieurs d’entre elles, car il met en cause à la fois notre sécurité et nos libertés.
Maurice Laouchez