La riposte énergique de la Chine aux accusations des États-Unis

Richard Arzt —
Si les autorités chinoises commencent à reconnaître des «lacunes» dans la prévention des maladies infectieuses, elles se défendent vigoureusement contre les accusations de Donald Trump.
Dès lors, il y a des mises en cause de son action contre le Covid-19 que le pouvoir chinois refuse d’admettre. En particulier, il ne reconnaît pas que l’alerte, donnée en janvier, avait sans doute plus d’un mois de retard sur l’apparition de la maladie à Wuhan. Par ailleurs, le nombre de décès provoqués par l’épidémie en Chine –4.633 selon les autorités–, est peu crédible aux yeux de nombreux scientifiques internationaux.
Cependant, le 8 mai, Hua Chunying, une des porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré que la Chine était favorable «après la fin de l’épidémie» à ce que soit créé une commission sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’évaluer la réponse mondiale au Covid-19.
Du point de vue de Pékin, il s’agirait d’évaluer l’attitude de l’ensemble des pays du monde face à la pandémie et non, bien sûr, de la seule Chine. Il n’est évidemment pas neutre de proposer que cette vaste évaluation se fasse dans le cadre de l’OMS, Donald Trump ayant annoncé en avril que les États-Unis suspendaient leur contribution à cette organisation qu’il considère trop proche de la Chine.
Pékin marque des limites au triomphalisme, reconnaissant même que Li Wenliang était un «héros».
Pour l’instant, ce qui importe à la propagande officielle chinoise, c’est d’affirmer que la lutte contre le Covid-19 a été convenablement menée et que les effets du virus ont été stoppés. Ces préoccupations sont apparues très officiellement dans un symposium organisé à Pékin le 8 mai par le Comité central du Parti communiste en présence du «camarade Xi Jinping».
La Chine reconnaît des erreurs
D’ailleurs, Pékin marque des limites au triomphalisme, allant jusqu’à reconnaître des erreurs. En particulier à propos de Li Wenliang, médecin ophtalmologiste à l’hôpital de Wuhan qui est devenu un «héros».
Il avait, en janvier, été réprimandé pour avoir tenté de donner l’alerte contre la pandémie. Il est mort du coronavirus le 6 février. Les autorités ont décrété fin mars que la réprimande qu’il avait subie était «inappropriée». D’autres médecins, comme Ai Fen, la cheffe centrale de l’hôpital de Wuhan, qui, en janvier, avait elle aussi signalé l’apparition d’un virus inconnu, a enfin donné des nouvelles.
Sur le terrain médical, le régime chinois s’efforce de décrire les difficultés qu’il y a à cerner ce qu’est véritablement ce coronavirus. Le 9 mai, Li Bin, vice-ministre de la Santé, déclare au cours d’une conférence de presse: «La lutte contre l’épidémie de Covid-19 aura été un grand test pour le système et les capacités de gouvernance du pays.» Ce haut responsable du système de santé chinois admet qu’il y a des «lacunes» en Chine dans la prévention des maladies infectieuses. Pour anticiper les épidémies, il estime qu’il vaudra mieux utiliser l’intelligence artificielle et la big data.
Sur le front diplomatique
Des usines chinoises se sont reconverties dans la confection de masques chirurgicaux tandis que d’autres accélèrent la fabrication d’appareils respiratoires ou de scanners. Avec deux sites, l’un à Pékin, l’autre à Tianjin, le Naton Medical Group fabriquait des prothèses orthopédiques et des implants dentaires. Depuis février, l’entreprise produit des masques au rythme de 10 millions par jour. Ce qui représentera un peu plus de 10% des 2 milliards de masques que le ministère de la Santé français a commandés en Chine. Globalement, des entreprises chinoises exportent des masques vers soixante-quatorze pays.
Pékin a beau faire des efforts pour mettre en avant sa diplomatie du masque, son image reste écornée. | Wang Zhao / AFP
Début avril, des exemplaires défectueux apparemment produits dans des entreprises incompétentes sont arrivés en Espagne et aux Pays-Bas. Le ministère chinois du Commerce assure que cela ne se reproduira pas.
Sur le plan diplomatique, la Chine a également décidé d’aller de l’avant. Entre autres, avec les pays du Proche-Orient avec lesquels, depuis une vingtaine d’années, ses relations reposaient sur des fondements avant tout économiques. Elles sont en train de devenir beaucoup plus politiques. Les États-Unis de Donald Trump ont décidé de prendre leurs distances avec cette partie du monde et la Russie de Vladimir Poutine est retenue par son soutien quasi exclusif au régime syrien.
Tensions entre Pékin et Washington
Il est cependant un pays qui n’entend pas renforcer sa coopération avec la Chine à l’occasion du Covid-19: ce sont les États-Unis. Le 27 mars, Xi Jinping lui-même avait abordé la question par téléphone avec Donald Trump, en insistant sur l’idée que la Chine et les États-Unis devaient «s’unir contre la pandémie». Selon les médias chinois, le numéro 1 du parti communiste a indiqué pendant cette conversation que «la Chine est disposée à poursuivre son partage sans réserve d’informations et d’expériences avec les États-Unis» et que la coopération entre les deux pays est «l’unique bonne décision à prendre».
À la suite de quoi, Donald Trump a tweeté: «Je viens d’avoir une très bonne conversation avec le président chinois Xi.» Précisant: «Nous avons discuté en détail du Coronavirus qui ravage de grandes parties de notre planète. La Chine a beaucoup souffert et a acquis une solide connaissance du virus. Nous travaillons en étroite collaboration.»
Just finished a very good conversation with President Xi of China. Discussed in great detail the CoronaVirus that is ravaging large parts of our Planet. China has been through much & has developed a strong understanding of the Virus. We are working closely together. Much respect!
Depuis cette conversation, Donald Trump a cessé de qualifier le Covid-19 de «virus chinois» ou de «virus de Wuhan». Mais le 13 mai, il a parlé de «peste de Chine». Après avoir déclaré huit jours plus tôt que la crise provoquée par le coronavirus est «pire que Pearl Harbour et le 11 septembre», les deux pires traumatismes subis par les États-Unis dans l’histoire moderne.
Du côté chinois, des éléments de riposte se mettent en place. Sans doute dans une certaine confusion. Certaines tensions entre l’entourage de Xi Jinping et des dirigeants qui estiment que les débuts de la pandémie ont été mal gérés par le parti sont possibles. Comme c’était l’armée populaire qui gérait en grand secret la situation sanitaire à Wuhan au mois de décembre, il est probable que quelques généraux chinois soient visés par de vives critiques. Mais le système politique chinois est parfaitement opaque et rien de ce qui se passe et se dit au bureau politique du parti communiste n’est connu.
Le 6 mai, Chine nouvelle publie une dépêche consacrée aux «accusations et mensonges» qui, selon l’agence officielle chinoise, ont été «fabriqués par certains politiciens américains afin de rejeter le blâme sur la Chine ». Après avoir indiqué que «les mensonges s’évaporent à la lumière de la vérité», une série de réponses chinoises à de nombreuses accusations et soupçons sont énumérées sous l’appellation «réalités rétablies». Exemple, sur le laboratoire P4 de Wuhan: «Cet institut n’a pas la capacité d’inventer et de synthétiser un nouveau coronavirus, et il n’y a aucune preuve d’une fuite pathogène ou d’une infection du personnel dans l’institut.» Ou, à propos des chauves-souris qui seraient à l’origine de la contamination: «Les chauves-souris ne font pas partie de l’alimentation des Chinois.» Certaines informations peuvent étonner. Ainsi, lorsqu’il est écrit que «la Chine est toujours ouverte et transparente en matière de publication des informations». Mais au moins, avec cet article, Chine nouvelle montre ce que peuvent être, en Chine, les tentatives de réponses à des questions qui se posent dans le monde.
Tout semble s’organiser à Washington pour que lors de sa campagne électorale Donald Trump accuse la Chine de ne pas avoir su bloquer l’expansion de l’épidémie.
Par ailleurs, le Quotidien du peuple, l’organe du Parti communiste chinois, s’en prend régulièrement aux hommes politiques en poste aux États-Unis, en évitant de nommer Donald Trump. Un éditorial en date du 9 mai répond en termes virulents aux mises en cause de la Chine: «Les politiciens américains, au mépris de la vie, n’ont pas le droit de se qualifier de “défenseurs des droits de l’homme.” Par les mensonges et les pièges sophistiqués, ils ont imputé leurs fautes à autrui afin d’obtenir les gains politiques. Mais ils ne sont pas en mesure de répondre à une question simple que l’humanité pose au fond du cœur: face aux dizaines de milliers de morts, votre conscience ne vous condamne-t-elle pas? Encore faut-il qu’ils aient la conscience!».
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