Le collectif des ouvrières et ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides a publié un document intitulé “Mémorandum et revendications” dans lequel il décrit de façon détaillée le désastre provoqué depuis des décennies par l’usage massif d’une vingtaine de pesticides et autres produits de synthèse hautement toxiques dont le fameux chloredécone, si dangereux pour notre organisme et l’environnement.

 

Le document retrace l’historique des faits criminels qui ont provoqué cet empoisonnement à grande échelle. Il pointe du doigt la responsabilité de l’Etat et du patronat qui ont conjointement fermé les yeux sur la dangerosité extrême de ce redoutable pesticide. Surtout, il expose clairement les 11 revendications du collectif en faveur des réparations pour les graves préjudices causés aux ouvriers et ouvrières agricoles ainsi qu’à l’ensemble de la population. Il faut rappeler, comme cité dans le document, que 92% de la population martiniquaise sont infectés par le chlordécone. Ce bilan qui fait froid dans le dos, justifie le combat mené par ces ouvriers (ère) en activité, les retraités (es), leurs familles et leurs soutiens. C’est la raison pour laquelle nous sommes solidaires de l’action de ce collectif et de tous ceux qui se battent pour obtenir de l’Etat français une juste réparation du préjudice subi par ceux qui ont œuvré durant de longues années pour assu- rer la production intensive de bananes et permettre l’enrichissement de quelques-uns.

L’Etat français coupable d’avoir laissé faire.

L’une des principales informations apportées par ce mémorandum est le comportement de l’État face à ce problème qu’il a lui- même créé en ne prenant pas des mesures strictes pour protéger les travailleurs des plantations et la population. Malgré une connaissance des risques sanitaires découlant de l’usage et de la manipulation de cette molécule qui reste si longtemps présente dans les organismes et dans les sols, des dérogations multiples ont été accordées aux importateurs et aux planteurs. En effet, en 1974 déjà, aux États-Unis, un accident industriel avait entrainé l’arrêt définitif de la production et de l’utilisation du produit. Une trentaine d’ouvriers ainsi que l’environnement du site avaient alors été empoisonnés. Comment une molécule classée cancérogène possible dès 1979 par l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé, a-t-elle pu se retrouver dans nos plantations jusqu’au début des années 2000 ? Il semblerait bien que la puissance de quelques-uns l’ait emporté sur le bien-être de tous. Grands propriétaires également qui tardent encore à reconnaître leur responsabilité dans cet empoisonnement.

Une mobilisation qui commence à porter ses fruits

Après des années de répressions violentes et d’intimidation des ouvriers agricoles, une vague de protestations et d’indignation

d’élus et de militants força l’État à mettre en place divers “Plans chlordécone” visant le règlement de ce scandale sanitaire sans précédent. Douze ans après le premier, le dernier “plan chlordécone IV” qui est actuellement présenté, même s’il contient quelques avancées, n’est toujours pas à la hauteur des attentes du collectif. Il semble même inviter la population à la résilience. Nous serions donc conviés à apprendre à vivre avec la molécule qui a infesté nos sols et nos organismes. Pourtant, même après la reconnaissance en 2018 par l’actuel président français Emmanuel Macron de “la responsabilité de l’État”, le gouvernement persiste dans le déni en répétant que “le lien n’a pas été établi entre les produits et les pathologies”.

Les solutions proposées par le collectif.

Rappelons que ce collectif a été créé en Septembre 2019 sous l’impulsion d’ouvriers et d’ouvrières qui s’étaient déjà soulevés, en 1974, contre l’utilisation des pesticides dans les bananeraies. Aujourd’hui, en activité ou à la retraite, ils parcourent la Martinique pour appeler les ouvriers et leurs ayants droits dont les droits ont été bafoués à réclamer une juste prise en compte de leur situation. Le collectif a également rencontré les parle- mentaires, élus , conseillers territoriaux qui ont réaffirmé

leur soutien à cette cause. Dernièrement, c’est le préfet Sta- nislas Cazelles et le directeur de l’Agence Régionale de Santé qui ont été invités par le collectif. Ils ont indiqué avoir découvert avec émotion des aspects humains qu’ils ignoraient. Les représentants de l’Etat ont également indiqué que le Plan chlor- décone 4 proposé par le gouvernement visait à porter des ré- ponses concrètes à ce qu’eux considèrent comme un “aveuglement collectif”.

La France qui se veut être le pays des droits de l’Homme, se voit rappeler à son devoir de réparation par des ouvriers qu’elle a si longtemps ignorés.

Une délégation du Collectif se rendra en France en Janvier afin de rencontrer tous les partis politiques français (à l’exception de ceux d’extrême droite) ainsi que des parlementaires Français et Européens.

Quelles sont leurs exigences ? :

D’abord, la prise en charge, par l’Etat, de tous les frais médi- caux des ouvriers agricoles en activité ou à la retraite et/ou de leurs ayant-droits. Une campagne de dépistages sanguins pour ces travailleurs ainsi que pour le reste de la population. Une re- valorisation des retraites pour cette main-d’œuvre qui a sou- vent travaillé dans un système défavorable à un juste calcul de leurs droits. Une maigre retraite consacrée en partie au paie- ment des taxes foncières, injustee par rapport à leur condition d’occupants de petites parcelles qui leur ont été concédées. Ils exigent également une indemnisation pour les préjudices phy- siques ou moraux subis par les travailleurs et leurs familles, la création de centres de recherche consacrés à l’étude des effets des pesticides et à la dépollution des sols ainsi que l’ “interdiction totale” de produits toxiques dans notre agriculture pour éradiquer cet empoisonnement.

Ce document mérite en effet d’être consulté car il évoque une question qui concerne la santé et l’avenir de la totalité du peuple martiniquais.

Repéré sur Justice.

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