Dans ce “Repère”, Maurice Laouchez soulève un cri d’alarme face à la situation catastrophique de la production de sucre en Martinique, mettant en lumière les causes profondes de ce désastre économique. Depuis la colonisation, le sucre a été au cœur de l’économie de l’île, générant des fortunes, mais aussi des souffrances. Malgré des efforts comme la reprise de l’usine du Galion en 1984, la Martinique n’a jamais produit aussi peu de sucre qu’en 2024, avec des chiffres accablants : à peine 700 tonnes de sucre produites sur 26 000 tonnes de canne broyées. Dans cette analyse, Monsieur Laouchez interroge la gestion actuelle, les choix politiques, et surtout les opportunités perdues d’intégrer cette production dans un projet plus large de souveraineté alimentaire pour l’île. Un appel à une prise de conscience collective et à des actions concrètes face à un modèle économique en crise….à lire
LE VRAI DÉSASTRE DE LA PRODUCTION DE SUCRE EN MARTINIQUE
BEL BONJOU TOUT’MOUN’!
Dès le début de la colonisation, la production de sucre a été l’une des activités essentielles, et des plus lucratives de la Martinique.
Le sucre a fait la fortune des planteurs de canne, des sucreries, des exportateurs, des importateurs, des raffineurs et des commerçants de l’Hexagone.
N’oublions-pas qu’il fut aussi l’instrument de souffrances humaines inouïes, dont toutes les plaies ne sont pas encore entièrement refermées.
En prenant le contrôle de l’usine du Galion, en 1984, le Conseil Général de la Martinique s’engageait à redresser une situation alors difficile.
Sans attendre de miracle, au moins pouvait-on espérer que l’île parvienne à produire les 12.000 tonnes de sucre nécessaires à la consommation industrielle et à la consommation de bouche.
Depuis plusieurs mois, tout le monde s’étonne de ne pas trouver, dans les rayons des commerçants, un seul kilo de sucre du Galion, fabriqué en Martinique.
Les résultats maintenant connus de la campagne de 2024 montrent la réalité : nous sommes face à un nouveau désastre économique.
L’usine du Galion a produit l’an dernier à peine 700 tonnes de sucre, après avoir broyé 26.000 tonnes de canne, alors que l’outil industriel peut en broyer 200.000 tonnes.
Jamais dans son histoire la Martinique n’a produit aussi peu de sucre.
Ni la Guadeloupe ni la Réunion n’accusent un tel fiasco.
Les déficits successifs de l’usine sont comblés par la CTM, avec nos impôts.
La survie de la seule unité de production de sucre est clairement en jeu.
Les raisons de cette situation sont connues : insuffisance des surfaces plantées, difficultés culturales des planteurs, concurrence du rhum, délais inadmissibles de paiement des livraisons de canne.
Une question se pose.
Il y a en Martinique plus de 10.000 Ha de terres en friche.
Il y a plus de 30.000 demandeurs d’emploi.
Il y a dans l’usine un personnel performant.
Il y a des banques dont le métier est d’accorder les crédits nécessaires au paiement comptant des planteurs, « au cul du camion », après mesure de la richesse saccharine.
Est-il trop tard pour mettre en place le maillon SUCRE dans la chaîne de la souveraineté alimentaire dont nous prétendons nous préoccuper ?
Ce dossier confirme une réalité maintes fois constatée, ici et ailleurs.
Les élus en charge de présider aux destinées des satellites des collectivités territoriales ont rarement les compétences nécessaires.
Les dirigeants salariés qu’ils choisissent ne sont pas toujours désignés sur les critères de compétence, mais sur des critères de proximité idéologique ou personnelle.
De plus, et on l’a vu en Martinique à de multiples reprises, le changement de majorité dans la principale collectivité est souvent accompagné de changements de dirigeants dans les satellites ; un « spoil system » à l’américaine.
Quand, de surcroît, comme c’est le cas dans plusieurs territoires d’outre-mer, il n’existe aucune politique pluri-annuelle écrite, chiffrée et datée, pour chaque filière d’activité, la gestion qui s’ensuit ne peut être que chaotique.
Il devient même délicat de reprocher aux présidents, pourtant généralement indemnisés, la véritable responsabilité de l’échec.
Les organisateurs des manifestations contre la cherté de la vie savent parfaitement que le pouvoir d’achat n’est pas l’apanage des seules grandes surfaces.
La principale cause de l’insuffisance de revenus tient à la gravité du chômage, étrangement absent des débats, chômage qui provient de l’insuffisance d’investissements et des graves insuffisances du système de formation.
Dans des territoires marqués par les retards coloniaux, il y a beaucoup à faire, tous ensembles, en termes de matière grise et d’infrastructure ; or, des milliers de personnes sont payées à ne rien faire !
Sans doute y a-t-il là l’un des mystères impénétrables de la politique contemporaine.
MANMAY, AN NOU GADÉ DOUVAN!