Dans cette tribune, Patrick Chesneau interroge la portée réelle de l’hommage rendu par Emmanuel Macron au groupe Kassav, récemment célébré à l’Élysée. Entre reconnaissance symbolique et instrumentalisation politique, il décortique le sens caché d’un discours présidentiel ponctué d’un possessif appuyé – « nos Outre-mer » – et s’interroge sur la frontière ténue entre valorisation culturelle et récupération républicaine. Un texte qui appelle à la vigilance, et rappelle que la créolité ne saurait être mise en vitrine sans précaution ni profondeur.
Pour exister à la face du monde, aucune autre voie que d’en passer par là?
Réception, petits fours et déclamations sirupeuses.
Mise à l’honneur ou récupération?
Quand Macron présente Kassav comme un groupe français… et ajoute…
” Nos Outre-Mers…”
Tout est dans le ” nos “.
Est-ce un ” nous ” d’appropriation? D’ingestion? D’incubation?
De domestication?
Dans la harangue présidentielle, y a-t-il quoi que ce soit qui équivaudrait à attribution, dévolution, libération?
Quelle signication à cette parenthèse dédiée en façade aux décibels de la diversité?
La place d’honneur est-elle vraiment accordée aux sonorités de la créolité?
Ou s’agit-il d’une accumulation de faux-semblants? Pour la galerie.
En vrai, le scénario programmé c’est quoi?
En route vers un futur d’assimilitation à parachever ou un avenir d’émancipation à inventer?
Il y a évidemment un phénomène antillais. Magistral. Irrévocable.
Alors, cette réception dans l’antre du pouvoir, au coeur de la centralité dite républicaine…. reconnaissance pleine, entière, irréversible ou affadissement, dilution voire négation?
C’est curieux, moi qui ne suis pas natif natal de cette terre péléenne, j’éprouve un malaise bien au-delà de la sémantique
Quelque chose d’indéfinissable qui, pourtant, vrille ontologiquement en moi.
Une situation paradoxale de plus.
Une fois encore, il faut affronter la contradiction intrinsèque.
Kassav c’est la chanson-djok, la musique d’un biotope culturel et identitaire unique.
Le zouk, autant dire les tripes et l’âme de la Martinique et la Guadeloupe.
Kassav ne doit jamais servir de caution.
Dans ce genre d’événementiel, il faut donc user d’une infinie précaution.
Patrick Chesneau