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Pauline John : l’héritage d’une femme dans l’agriculture
À l’approche de la Journée internationale des femmes, nous célébrons la résilience et le dévouement des femmes dans l’agriculture. L’une d’entre elles est Pauline John-Denis, une agricultrice chevronnée de la communauté de Grand Baie, qui a consacré sa vie au travail de la terre. Son histoire reflète à la fois les défis et les triomphes des femmes dans l’agriculture, mettant en lumière l’évolution de l’agriculture et le rôle essentiel que les femmes continuent d’y jouer.
Pauline John-Denis est agricultrice depuis son plus jeune âge, ayant appris le métier auprès de son père. « J’allais à l’école, mais mon père m’a appris », se souvient-elle. L’agriculture n’a jamais été pour elle un simple métier.
C’était une passion. « Avez-vous toujours voulu être agricultrice ? », lui a-t-on demandé. Sans hésiter, elle a répondu : « Depuis toujours, toujours. J’adore l’agriculture. Je ne sais pas pourquoi, mais j’adore l’agriculture. »
Pour John-Denis, l’agriculture ne consiste pas seulement à faire du profit, mais aussi à nourrir sa famille et à assurer la durabilité. « Mon message aux femmes : elles doivent cultiver pour leur famille », affirme-t-elle. Elle estime que l’agriculture est une pratique essentielle pour l’autosuffisance et la survie. « Pour cultiver, vous cultivez pour manger ou pour gagner de l’argent », dit-elle, soulignant le double rôle de l’agriculture dans la subsistance et l’autonomisation économique.
John-Denis est très fière de ses cultures, en particulier des pommes de terre, des dasheen et des plantains. « J’adore les pommes de terre. Je peux faire bouillir des pommes de terre avec du lait. Je mets du lait avec, tout en écrasant le tout, et je peux ensuite les manger », explique-t-elle avec enthousiasme. Son lien avec la terre se manifeste dans son engagement à cultiver des aliments nutritifs et à maintenir les traditions agricoles.
Comme de nombreuses femmes dans le secteur agricole, John-Denis a dû faire face à des défis considérables, notamment des exigences physiques, des difficultés économiques et la reconstruction après des catastrophes naturelles. L’un des plus grands obstacles qu’elle a rencontrés a été la reconstruction après un ouragan. « Après l’ouragan [l’ouragan Maria 2017], c’était dangereux parce que les arbres tombaient. J’ai dû payer quelqu’un pour nettoyer à ma place, les nettoyer correctement », se souvient-elle.
Sa résilience est évidente dans la façon dont elle a surmonté ces difficultés. Malgré une blessure au genou, elle continue de travailler la terre. « Je l’ai cogné sur ma marche pour descendre les escaliers. Je suis allée à l’hôpital, ils m’ont donné quelque chose pour le maintenir, et je continue à travailler », dit-elle.
L’agriculture a beaucoup changé au fil des ans et John-Denis a pu constater ces changements de ses propres yeux. Elle constate que de moins en moins de jeunes s’intéressent à ce métier. « Certains ne veulent pas travailler. Ils ne veulent pas faire de l’agriculture. Ils préfèrent rester sur la route », dit-elle, déplorant le déclin de l’agriculture chez les jeunes générations.
Elle estime que les jeunes devraient apprécier la valeur de l’agriculture, non seulement pour le gain économique, mais aussi pour l’autonomie. « Quand votre mère et votre père ne seront plus là, vous devriez garder à l’esprit ce qu’ils vous ont montré pour le faire », conseille-t-elle. Ses mots sont un appel à l’action pour que les jeunes adoptent l’agriculture comme moyen de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs communautés.
John-Denis a un message puissant à transmettre aux femmes : « Vous devez cultiver la terre pour votre famille. » Elle estime que les femmes devraient être fières de cultiver la terre.
L’appel lancé par Pauline John-Denis aux femmes pour qu’elles se lancent dans l’agriculture ne se limite pas aux cultures traditionnelles. Dans divers secteurs de l’agriculture, les femmes font preuve de résilience et d’innovation. L’une d’elles est Charlene Xavier, une éleveuse de volaille qui a transformé une petite entreprise en une entreprise florissante.
Charlene Xavier « Éleveuse de volailles »
En tant qu’avicultrice et propriétaire d’Allen’s Poultry dans la vallée de Roseau, son parcours, qui a commencé avec seulement 40 poules pondeuses dans une petite entreprise, s’est maintenant étendu à 300 volailles, avec des aspirations de croissance encore plus grande. Elle a repris l’entreprise de son beau-père qui lui a demandé de conserver le nom, son héritage.
La journée de Xavier commence avant le lever du soleil. À 6h15,
À 6h15, elle visite sa ferme et s’assure que les lumières, qui restent allumées la nuit pour favoriser la production, sont en place.
« Quand je me réveille, je visite la ferme vers 6h15 puis j’allume les lumières, car je les laisse allumées la nuit pour elles. Cela les aide à produire. Je surveille la ferme. J’ai deux cages, une pour les pondeuses blanches et une pour les pondeuses brunes. Je les nourris, je leur donne de l’eau, tout ce dont elles ont besoin. »
La collecte des œufs est une autre étape cruciale de sa routine, car elle garantit une production constante. À midi, elle répète le processus pour assurer le bien-être de son troupeau. À l’approche du crépuscule, elle retourne à la ferme pour rallumer les lumières et préparer le cycle suivant. Avec le soutien d’une équipe réduite mais efficace, elle maintient une ferme propre et organisée, garantissant les normes les plus élevées de production d’œufs.
Comme de nombreux éleveurs, Xavier est confrontée à des défis importants dans son travail. L’un des problèmes les plus récurrents est celui des poules qui picorent leurs propres œufs, ce qui entraîne une perte de productivité. Pour y remédier, elle veille à ce que les boîtes à œufs soient bien rembourrées avec des copeaux, ce qui minimise les risques de casse des œufs et dissuade les oiseaux de les picorer. Une autre préoccupation majeure pour Xavier et d’autres éleveurs de volailles est la menace potentielle de la grippe aviaire, qui touche les élevages de volailles aux États-Unis.
Les difficultés financières demeurent également un obstacle, car l’augmentation de la production nécessite des investissements importants. Malgré ces difficultés, Xavier continue d’avancer, prouvant qu’avec de la résilience et une résolution stratégique des problèmes, les femmes dans l’agriculture peuvent surmonter les obstacles et prospérer.
Xavier s’engage à assurer la durabilité et l’efficacité de ses activités agricoles. Elle utilise un éclairage à économie d’énergie la nuit pour améliorer la productivité tout en réduisant les coûts d’électricité. Pour optimiser l’alimentation, elle utilise des systèmes de gouttières, garantissant une distribution uniforme de la nourriture et de l’eau. De plus, elle recycle les déchets en vendant du fumier de volaille à d’autres agriculteurs, favorisant ainsi une économie circulaire au sein du secteur agricole.
Zethra Baron « Briser les barrières de l’économie bleue »
Dans le paysage en constante évolution de l’économie bleue, un nom se démarque à la Dominique : Zethra Baron. Agent de liaison pour les pêches auprès du ministère de l’Agriculture, de l’Économie bleue et verte, et
Entrepreneur visionnaire derrière Seafood Mistress, Baron fait des vagues dans un sous-secteur traditionnellement dominé par les hommes.
Pour les femmes qui s’aventurent dans les industries basées sur l’océan, le message de Baron est clair : continuer à avancer, continuer à briser les barrières et, surtout, construire des alliances avec d’autres femmes.
« À mes consœurs des industries océaniques, mon conseil est de continuer à faire des efforts. Continuez à faire des percées dans ces domaines. Continuez à nouer des partenariats avec des consœurs, à l’échelle nationale, internationale et régionale. Ce sont elles qui peuvent être vos mentors, les meilleures en la matière », a-t-elle partagé.
Malgré les défis auxquels les femmes sont confrontées dans ces secteurs (contraintes financières, préjugés sexistes et obstacles opérationnels), le parcours de Baron prouve que le succès est possible avec de la détermination, du mentorat et des systèmes de soutien.
« J’ai enregistré Seafood Mistress en 2020 et j’ai lancé mes activités en 2022. Ce n’était pas une promenade de santé », a-t-elle admis. « Vous avez tous ces défis, mais je suis là pour vous dire que vous pouvez y arriver. Si vous vous en tenez à votre objectif, faites preuve de discipline et maintenez votre vision, vous réussirez. »
En tant qu’agente de liaison pour les pêches, Baron comprend la complexité des politiques et des réglementations dans l’économie bleue. Elle souligne l’importance de l’engagement communautaire, en particulier dans les zones côtières, pour garantir que les efforts de durabilité soient compris et respectés. « Les politiques et les réglementations ne peuvent fonctionner efficacement que si tout le monde est pris en compte, en particulier les personnes vivant dans les communautés côtières. La communication est essentielle : si les gens ne savent pas quelles sont les politiques, comment peuvent-ils les respecter ? »
Au-delà de son rôle au sein du gouvernement, Baron intègre la durabilité dans son modèle d’affaires. Seafood Mistress privilégie l’approvisionnement auprès de pêcheurs qui utilisent des pratiques durables et vise à passer à des emballages respectueux de l’environnement et à des solutions d’énergie renouvelable.
« L’objectif est d’avoir des emballages entièrement respectueux de l’environnement et de fonctionner à l’électricité solaire. La croissance économique et la durabilité environnementale doivent aller de pair », a-t-elle affirmé.
L’un des principaux enseignements du parcours de Baron est la nécessité pour les femmes de s’encourager et de se soutenir mutuellement. « Je tiens à féliciter les sœurs comme moi qui continuent à travailler dans des secteurs dominés par les hommes, à les encourager à continuer de se battre et à être un soutien et une force pour d’autres sœurs comme moi et celles à venir. »
Son action de plaidoyer s’étend au-delà des affaires et de la politique ; elle s’engage activement auprès des écoles, sensibilisant les jeunes étudiants à la conservation marine et aux pratiques de pêche durables. Grâce à ces initiatives, elle espère inspirer la prochaine génération de femmes dans l’économie bleue.
Tout comme Baron s’est engagé à donner plus de pouvoir à la prochaine génération dans l’économie bleue, Callister Sango remodèle le secteur agricole grâce au réseautage et à l’innovation. Par le biais de sa société, Agrivertise, Sango a créé une plateforme qui comble le fossé entre les agriculteurs et les acheteurs, garantissant aux producteurs locaux, en particulier aux femmes, un meilleur accès aux marchés et aux opportunités.
Callister Sango : « Donner du pouvoir aux femmes dans l’agriculture grâce à Agrivertise »
Ayant grandi dans la communauté agricole de Penville, Callister Sango a été exposée à l’agriculture dès son plus jeune âge. L’agriculture n’était pas seulement une occupation pour les habitants de son village, c’était un mode de vie. Lorsqu’elle est allée à l’université et a exploré ses options de carrière, elle s’est tournée vers l’agriculture, y voyant un domaine offrant de vastes opportunités au-delà des rôles traditionnels.
« Je ne voulais pas me contenter d’un travail administratif. J’avais le sentiment d’être plus que cela, et l’agriculture m’a donné des défis qui m’ont enthousiasmé », explique Sango.
Au cours de ses études, elle s’est découvert un vif intérêt pour les aspects commerciaux et marketing de l’agriculture. Cette passion l’a conduite à mener un projet de recherche sur le terrain, dans le cadre duquel elle a étudié les difficultés rencontrées par les agriculteurs pour accéder aux marchés. Elle a découvert une lacune dans le système : les agriculteurs avaient du mal à entrer en contact avec les acheteurs, ce qui les privait souvent de revenus potentiels. Voyant une opportunité de résoudre ce problème, Sango a lancé Agrivertise, une place de marché agricole en ligne destinée à faciliter ces connexions.
Agrivertise fournit une plateforme où les agriculteurs peuvent répertorier leurs produits disponibles et les acheteurs peuvent facilement trouver et acheter ce dont ils ont besoin.
« Nos agricultrices sont très occupées. Beaucoup d’entre elles jonglent avec de multiples responsabilités, notamment la gestion de leur foyer et parfois des emplois supplémentaires. Agrivertise leur permet de vendre plus facilement leurs produits sans avoir à passer plus de temps à chercher des acheteurs », explique Sango.
Grâce à la plateforme, les acheteurs peuvent voir les produits disponibles et passer des commandes, ce qui permet aux agriculteurs de se concentrer sur leur activité principale : cultiver et récolter les cultures. La commodité offerte par Agrivertise est particulièrement avantageuse pour les femmes, qui assument souvent le fardeau du travail non rémunéré en plus de leurs tâches agricoles.
L’un des plus grands défis du secteur agricole est l’intégration des technologies. Si les plateformes numériques peuvent améliorer l’efficacité, de nombreux agriculteurs ne connaissent pas les outils en ligne ou n’ont pas le temps de s’engager dans des systèmes complexes. Sango a reconnu ce problème et a adopté une approche simplifiée.
« L’essentiel est de faciliter la vie des agriculteurs, pas la nôtre. S’ils préfèrent passer un appel téléphonique plutôt que de s’inscrire sur une application, nous nous adaptons à leur situation. Nous les rencontrons là où ils se trouvent », explique-t-elle.
En adoptant une approche conviviale, Agrivertise veille à ce que même les agriculteurs les plus occupés puissent bénéficier de ses services. L’entreprise privilégie également la vente de produits à valeur ajoutée comme l’huile de ricin et l’huile de coco, qui sont moins périssables que les produits frais, réduisant ainsi la pression exercée sur les agriculteurs pour réaliser des ventes rapides.
Comme de nombreuses femmes entrepreneures, Sango a dû faire face à des obstacles, notamment pour obtenir des ressources financières et humaines.
« L’agriculture est un secteur vaste et il est difficile d’entrer en contact avec des agriculteurs qui se trouvent souvent dans des zones reculées. Sans financement adéquat et sans équipe dédiée, il est difficile de se développer », admet-elle.
Malgré ces difficultés, Agrivertise a eu un impact significatif, en particulier pendant la pandémie de COVID-19. En collaboration avec quatre grands groupes d’agriculteurs de la Dominique, Sango a aidé les agriculteurs à utiliser sa plateforme pour vendre leurs produits à un moment où les marchés traditionnels étaient perturbés.
« C’était l’un des moments dont je suis la plus fière : voir les agriculteurs recevoir des appels et des commandes simplement en publiant leurs produits sur ma page Facebook. Ma propre mère, qui est vendeuse, a utilisé la plateforme pour s’approvisionner auprès des agricultrices », raconte-t-elle.
Les femmes jouent un rôle crucial dans la production alimentaire, mais elles sont souvent confrontées à des obstacles en matière de propriété foncière, de financement et d’accès au marché.
« L’agriculture est la base de tout : notre alimentation, nos vêtements et notre logement. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger la contribution des femmes dans ce secteur. Elles ont besoin d’un meilleur accès aux ressources et aux plateformes qui simplifient leur travail et augmentent leurs revenus », souligne-t-elle.
Le message de Sango aux femmes du secteur agricole est un message de persévérance et d’innovation : « N’abandonnez pas ce secteur. Modernisez votre approche et trouvez des moyens d’adapter l’agriculture à l’économie d’aujourd’hui. Restez concentrée et n’ayez pas peur d’explorer la technologie pour rendre votre entreprise plus efficace. »
Grâce à Agrivertise, Sango ne se contente pas de créer une entreprise : elle favorise un mouvement qui autonomise les femmes, renforce les communautés et garantit que l’agriculture reste un domaine durable et gratifiant pour les générations à venir.