Jusqu’au 24 novembre prochain, la Fondation Clément vous propose deux cheminements intimes dans la vie, l’œuvre et l’écriture d’Aimé Césaire : ‘’Nous, laminaires’’, dialogues entre la poésie césairienne et les travaux de trois artistes photographes, et ‘’Aimé Césaire, un homme de ruptures’’, mot ici entendu comme un « préalable indispensable à des accomplissements supérieurs. » Entretiens avec Nicolas Derné, un des trois photographes*, puis avec Colette Césaire, commissaire de ‘’Nous, laminaires’’ et co-commissaire de ‘’Aimé Césaire, un homme de ruptures’’. (*à voir sur le magazine Antilla de ce mois-ci)

Nicolas Derné :

« Dans toutes mes séries j’ai toujours montré la Nature plus forte… » 

Nicolas Derné vit et travaille en Martinique. Il s’inscrit dans une pratique artistique croisant divers processus créatifs et développe des séries d’une « force quasi mythique », mettant l’Homme face à une Nature toujours souveraine.

Antilla : Aviez-vous déjà vécu l’expérience de photographies en pleine nature, dans les forêts ?

Nicolas Derné : Dans la forêt oui parce que j’ai fait une résidence en Guyane, sur les carbets abandonnés. Mon ‘’fil rouge’’ depuis longtemps c’est la place de l’Homme dans son environnement. Dans tout ce que j’ai fait il y avait toujours un rapport Homme-Nature ; il y avait toujours une trace de l’Homme, contre une Nature plus grande. Là c’était la première fois que j’étais confronté juste à la Nature, donc ça a été un exercice assez compliqué au début, de ne plus pouvoir mettre l’homme dans le paysage. J’ai exprimé ma volonté à notre guide, René Dersion, d’aller au coeur de la forêt, dans des endroits où je n’ai pas forcément l’habitude d’aller mais que lui connaît bien. C’est ce que je cherchais. Ces balades avec René c’était aussi beaucoup de discussions sur des petits détails, pour m’imprégner de tout, pour sentir les énergies, etc. Le but pour moi c’était aussi de montrer ce côté vivant : montrer que ça bougeait, ce qu’on n’a pas dans la photo de l’instant.

Votre série s’appelle « Je ne nierai point » : pourquoi ce titre ?

J’ai beaucoup travaillé sur ce rapport de l’Homme à son environnement et il y a toujours cette notion d’anthropocène, c’est-à-dire mettre l’Homme au cœur de la destruction, alors que dans toutes mes séries j’ai toujours montré la Nature plus forte. Je n’ai jamais voulu mettre l’Homme au coeur de la discussion. Aujourd’hui quand tu dis ne pas être ‘’partisan’’ de l’anthropocène, on va presque de traiter de négationniste. Donc j’ai joué sur ça avec cet extrait de la Bible – vous connaissez mon appétence pour le fait religieux (sourire) -, je fais un clin d’œil aux ‘’dix commandements’’ et ça devient ‘’Je ne nierai point’’, dans le sens de ne pas nier la force de la Nature.

Cette immersion dans la Nature vous a-t-elle donné d’autres envies en tant que photographe ?

De continuer à aller chercher de l’énergie. Mais c’est assez compliqué parce que c’est tellement vaste… . Il y a beaucoup de moments où je posais l’appareil sur un trépied et je faisais des ‘’expos’’ de 20 secondes de jour, avec un filtre. Quand tu te poses comme ça, la lumière change sur un arbre. Et ça a donné d’autres qualités à la photo, puisque pendant le temps où tu l’as prise, même si l’arbre ne bouge pas la lumière change : ce qui donne une texture différente. En tout cas c’est hyper dur de montrer que la Nature est un seul être vivant (sourire).

Le choix « final » pour cette exposition a dû être très difficile, non ?

Ah oui… j’ai des ‘’tonnes’’ de photos. J’étais parti dans plein de directions, comme pour toute exposition. Mais c’est une série qui ne s’arrête pas à ces photos-là et qui peut continuer. Ce n’est jamais totalement clos (sourire).

 Propos recueillis par Mike Irasque

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