Jean-Max Léonard est président du cluster ILOM (Innovation Logement Outre-Mer) créé en 2015. L’objectif de cette organisation est d’aider à la structuration et à la pérennisation de la filière du logement social privé en Martinique. Agissant avec les acteurs du logement, ce regroupement d’acteurs économiques de l’amélioration de l’habitat propose des projets et des idées pour mieux structurer et pérenniser cet écosystème du logement social privé en Martinique. Rencontre avec Mr Jean-Max Léonard le président de ce laboratoire d’idées.


Que peut-on dire encore d’ILOM ?

ILOM est un groupement constitué d’une dizaine d’acteurs économiques directement concernés par l’amélioration de l’habitat et le logement social et travaille avec un panel d’entreprises, d’artisans du BTP de façon régulière, sur des opérations de réhabilitation ou de construction.

Aujourd’hui notre axe de travail est très orienté sur l’adaptation des outils à notre territoire. Le logement social tel que nous le vivons en Martinique n’est pas le logement social hexagonal et pourtant nous avons des produits, des dispositifs, des politiques qui viennent directement sont élaborés à Paris ; il y a un vrai problème d’adaptation, c’est sur quoi nous travaillons depuis un certain temps, parce que nous avons des spécificités en Martinique qui méritent des adaptations sérieuses : le vieillissement de la population, les risques climatiques, les risques naturels, la plus grande précarité des familles sur notre territoire … Tout cela ce sont des spécificités qui mériteraient qu’on adapte mieux nos outils et parfois qu’on les pense ici. ILOM a un rôle d’ambassadeur auprès des institutions et acteurs du logement, avec ce message très fort à faire passer.

Selon vous, qu’est-ce qui a changé dans le secteur du logement social ? Comment ce secteur a-t-il évolué ?

Cette adaptation du logement social aux besoins desterritoires, on l’a vu bouger depuis un certain temps, nous sommes des acteurs plus entendus qu’auparavant et mieuxstructurés. Aujourd’hui ILOM est également membre de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) et nous défendons nos projets et intérêts et diffusons nos idées à Parisau niveau des ministères par le biais de la FEDOM. Nous sommes plus écoutés et mieux entendus.

On peut dire que les activités liées à l’amélioration de l’habitatont évolué au fil du temps. Les outils mis à la disposition des Martiniquais pour les accompagner sont mieux connus aujourd’hui. Nous avons contribué à faire connaître les différents dispositifs et acteurs même si ça n’a pas toujours été facile. Certains acteurs se sont adaptés à la dématérialisation, même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous nous efforçons de faire cette bascule vers le digital sans sacrifier l’expérience client. Même si 2020 nous a mis dans un contexte encore plus difficile que les années précédentes, nous regardons l’avenir avec lucidité et optimisme.

Selon vous, 2021 ne pourra pas être pire que 2020 ?

Aujourd’hui ce qui nous fait le plus défaut c’est la visibilité, pour un acteur économique c’est très compliqué, mais nous allons devoir apprendre à vivre dans l’incertitude. Nous aurions aimé être mieux et plus entendu localement. ILOM a fait des propositions dans le cadre du plan de relance, nousavons été reçus par le Préfet et avons fait remonter nos propositions, j’espère que ce plan de relance n’oubliera pas l’amélioration de l’habitat. Il y a déjà une LBU qui mérite, sur certains aspects d’être renforcés notamment sur la partie confortement parasismique, où nous considérons qu’en Martinique on n’en fait pas assez. Les outils qui existent ne sont pas suffisamment adaptés, le confortement parasismique n’est pas suffisamment financé. Cette orientation permettrait de sécuriser les ménages vulnérables et servirait de levier à l’activité économique. Ce sont nos artisans qui vont faire ce travail, c’est dans ce sens que nous avons fait cette proposition au Préfet de consacrer une part du plan de relance qui concerne le bâtiment sur ce domaine du confortement parasismique. Ces risques-là sont permanents, malheureusement pas encore suffisamment traités selon nous, ni assez bien financés notamment dans les dispositifs existants.

Des souhaits pour le futur ?

Nous souhaiterions fortement que les acteurs du logement institutionnels avec lesquels nous travaillons, se mettent au diapason de la dématérialisation et de la transformation digitale de nos activités. Avec cette crise sanitaire, le digital prend une part importante dans la vie et la gestion de nos entreprises. Certaines, avec cette crise, ont réussi à tenir parce qu’elles étaient organisées, elles pouvaient dématérialiser, télétravailler. Aujourd’hui il existe toujours des administrations qui ne sont pas du tout dans la dématérialisation, heureusement elles ne sont pas les plus nombreuses. Nous aimerions qu’on se serve de ce qui s’est passé en 2020, de cette crise, pour se dire que c’est maintenant qu’il faut prendre ce virage de dématérialisation. Les acteurs institutionnels comme économiques doivent travailler de façon concertée et performante pour améliorer les collaborations avec les tiers.Ils devraient tous être efficacement digitalisés, cela permettrait de gagner du temps, de faire un geste pour l’environnement, d’éviter les déplacements pour dépôt de dossiers, d’éviter d’imprimer du papier. J’espère que cette crise sera un déclencheur dans les mentalités et enfin, se dire qu’on ne peut plus attendre. Nous sommes aussi en train de faire ce travail avec les artisans. Certaines structures au sein d’ILOM, ne travaillent qu’avec les artisans qui peuvent transmettre des éléments dématérialisés (messages, documents photos), par exemple. Ceci pour plus d’efficacité et de gain de temps, nous encourageons de plus en plus à tous ceux qui souhaitent obtenir un marché dans l’amélioration de l’habitat à s’équiper et à s’organiser pour dématérialiser la partie administrative et financière de leur activité et nous accompagnons la montée en compétence des acteurs économiques qui le souhaitent, dans ce domaine.

Quelles sont les relations d’ILOM avec Action Logement ?

Avec Action Logement il y a deux aspects :

Action Logement Services propose des dispositifs que nous utilisons pour répondre aux besoins de nos clients, c’est-à-dire adaptations de salles de bain, travaux performance énergétique…, ce sont des dispositifs intégralement digitalisés. Le particulier s’inscrit sur le site Action Logementet choisit son assistant à la maîtrise d’ouvrage, ce que nous sommes et nous l’accompagnons. Nous allons l’aider à comprendre la démarche administrative, à trouver un maître d’œuvre pour faire son diagnostic, à trouver des entreprises pour réaliser ses travaux. C’est cela notre accompagnement. Sur la plateforme d’Action Logement les entreprises sont payées directement, c’est très intéressant. Il faut enregistrer l’entreprise de travaux, son Kbis, son RIB doivent être connus. Action Logement procède au paiement des travaux effectués par l’entreprise et paie également les honoraires des AMO.

Martinique Habitat c’est une interface sociale bancaire. Nos clients ont des restes à charge sur le financement de la construction par exemple ou sur la rénovation, nous les orientons vers Martinique Habitat pour qu’ils souscrivent à des prêts sociaux ; ils clients deviennent clients de Martinique Habitat. En tant qu’opérateur social nous remplissons le dossier Martinique Habitat pour le client. Le métier d’opérateur social AMO est très précis, c’est de l’accompagnement de personnes qui se décline sous plusieurs formes :

– La partie enquête sociale : Ecouter les clients pour essayer de faire un diagnostic social et voir comment nous pouvonsl’aider au mieux.

– La partie administrative : L’instruction des dossiers

– La partie financière : Qui consiste à rechercher auprès des financeurs de logement social le ou les financements adaptésen liaison avec la situation familiale et sociale du bénéficiaire.

– Chercher les maîtres d’œuvre pour diagnostiquer ses besoins et trouver les entreprises de travaux capables de réaliser les projets techniques préconisés par celui-ci.

Quelle est la démarche d’ILOM pour recruter les clients ?

Nous sommes répertoriés par l’Etat en tant opérateurs sociauxagréés. Chaque fois qu’un client ira auprès d’une administration et qu’il demandera la liste des opérateurs agréés – ces dispositifs ne fonctionnent qu’avec des opérateurs agréés – il pourra choisir ; les membres d’ILOM et tous les autres opérateurs martiniquais font partie de cette liste. Nous avons également un réseau de prescripteurs, ça peut être les CCAS. Quelqu’un qui a des difficultés et qui a besoin d’aide, en général s’oriente vers son CCAS. Nous sommes en lien avec eux et y réalisons des permanences. Les EPCI aussi sont en charge du logement sur l’intercommunalité. Il existe aussi le bouche à oreille, les outils réseaux sociaux, incontournables de nos jours. Beaucoup d’opérateurs ont des pages Facebook et sont sur ces réseaux, donc identifiables.

Vous faites aussi de l’isolation ou de la rénovation énergétique ?

Ce sont d’autres dispositifs, accessibles également auxopérateurs sociaux que nous sommes, qui sont financés pardes grands acteurs du logement. Les acteurs économiques pouvant mobiliser ces dispositifs ont une l’obligation d’avoir une habilitation, du type label RGE.Dans les projets d’amélioration de l’habitat on peut intégrer de la performance et de la rénovation énergétiques, notamment avec des dispositifs Etat qui viennent de sortir mais qui ne sont pas forcément très adaptés et très utilisés pour l’instant. Il existe, le dispositif MaPrimeRénov, sorti en janvier 2020, il n’est pas encore très utilisé en Martinique car on ne sait pas le mobiliser. On interroge les services de l’Etat afin d’envisager au plus tôt son utilisation. Personnellement je suis convaincu que la maitrise de l’énergie, la performance énergétique et l’écologie sont très importantes, pour notre environnement, nos territoires et globalement pour la planète et notre avenir. Je pense également que l’axe concernant mise en sécuritéaux regards des risques naturels et technologiques devrait être fondamental pour notre territoire et bénéficier d’un traitement urgent. Je pense qu’on devrait faire avancer les deux thématiques en même temps. Les risques sont omniprésents sur notre territoire : cyclone, séisme, tsunami, laars, volcan, raffinerie de pétrole. Il existe désormais une profusion de dispositifs liés à la performance énergétique et très peux financement pour la sécurisation des ménages aux regards des risques naturels et technologiques, il y a quelque chose qui m’échappe

A l’époque il existait le GIDOS ?

Le GIDOS existe toujours. Il y a au GIDOS d’autres types d’opérateurs. La particularité d’ILOM c’est qu’il regroupe les opérateurs sociaux AMO (Assistant à la Maitrise d’Ouvrage). A un moment l’Etat a souhaité que les opérateurs sociaux s’orientent vers de l’AMO et à ILOM nous avons fait ce choix et avons transformé nos entreprises en structure AMO. Au GIDOS il y a des opérateurs avec un agrément Entreprise générale ; ils peuvent réaliser l’accompagnement tel que je l’ai décrit précédemment et également, effectuer les travaux. Ce sont des acteurs économiques avec lesquels on travaille sur des problématiques communes. Quand il s’agit de défendre les intérêts de l’activité on le fait ensemble, cependant nous restons différents sur la forme et sur l’accompagnement.

Le mot de la fin…

Nous souhaiterions regarder vers l’avenir tout en traitant les problématiques d’aujourd’hui, que l’on se dise que la relance de l’activité passe par la résolution des problèmes pouvant êtretraiter tout de suite. C’est à dire adapter et sécuriser l’habitat des ménages les plus vulnérables. Ensuite il faut aider l’activité et la filière dans son ensemble à passer le cap du digital en imaginant des systèmes où on n’exclut personne.Dans l’écosystème il y a le client, les acteurs institutionnels et les acteurs économiques. On dit souvent qu’il y a fracture numérique dans certaine catégorie de la population. Nous sommes bien placés pour le savoir, avec les particuliers ; cependant tous les particuliers ont un smartphone, tout le monde d’une manière ou d’une autre, a accès aux réseaux et àinternet. Nous constatons cependant, que la fracture numérique est parfois plus importante dans l’administration qu’ailleurs. Il faut que notre écosystème s’adapte à notre monde d’aujourd’hui.

Ce monde a redécouvert que le logement était un sanctuaire, parce que nous y avons été confinés durant plusieurs phases de cette crise sanitaire, mais s’il est insalubre ou insécure, il devient particulièrement anxiogène.

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version