Source: Novethic
35% des sommes logées dans les paradis fiscaux proviennent de l’Union européenne.
C’est une première. Au cœur de l’été, les Nations-Unies se sont accordées sur une feuille de route pour lutter contre l’évasion fiscale. Près de 12 000 milliards de dollars sont toujours logés dans des paradis fiscaux selon l’Observatoire européen de la fiscalité, dont une partie échappe à l’impôt. Les pays du Sud sont ceux qui en pâtissent le plus.
La nouvelle est passée inaperçue au cœur de l’été, elle pourrait pourtant bien rebattre les cartes de la fiscalité mondiale. Mi-août, un comité ad hoc des Nations-Unies s’est mis d’accord sur un futur cadre pour réformer le système fiscal international. Cette première étape pour l’adoption d’un nouveau traité mondial prévoit pour la première fois d’inclure des mesures pour assurer une taxation équitable des entreprises multinationales, ainsi que pour éviter l’évasion et l’optimisation fiscale.
Les chiffres de l’évasion fiscale demeurent en effet impressionnants. Selon l’Atlas du monde offshore, un centre de ressource alimenté par l’Observatoire européen de la fiscalité, près de 12 000 milliards de dollars étaient logés dans des paradis fiscaux ou des pays à la fiscalité légère par des personnes non-ressortissantes de ces pays. Cela représente près de 12% du PIB mondial que des grandes entreprises multinationales ou des individus très fortunés décident de placer à l’étranger.
36% des profits des multinationales logés dans des pays offshore
Le centre de recherche, cofinancé par la Commission européenne, estime que les entreprises transfèrent environ 36% de leurs recettes réalisées hors du pays où elles ont leur siège social dans des paradis fiscaux, ce qui a représenté la somme de 1000 milliards de dollars sur la seule année 2022. Cette fortune cachée provient à 35% de pays de l’Union européenne, à 35% du reste des pays développés et à 30% du reste du monde. En Europe, des endroits comme Monaco, l’Irlande, la Suisse, le Luxembourg, ou encore les îles anglo-normandes font partie des principaux pays d’accueil de ces milliards.
La totalité de ces sommes n’échappent toutefois pas entièrement aux impôts. L’OCDE, l’organisation qui regroupe principalement des pays développés, a réussi à mettre en place des dispositifs comme l’échange automatique d’informations bancaires entre pays, ou encore la mise en place d’un impôt minimal de 15% sur les sociétés, pour tenter de ramener une partie de justice fiscale.
L’accord obtenu aux Nations-Unies espère toutefois aller plus loin que celui de l’OCDE, critiqué notamment pour l’opacité des débats et par le fait qu’il avait été élaboré principalement par des pays développés. “C’est un jour mémorable, se félicite ainsi Alex Cobham, directeur général du Tax justice network, en réaction au vote à l’ONU. Les pays en ont plus fait pour réparer le système fiscal international en quelques mois de négociations à l’ONU, que ce que l’on a vu en soixante ans de travaux à l’OCDE”.
Encore un long chemin pour une réforme de la fiscalité globale
Le comité des Nations-Unies a notamment inscrit dans sa feuille de route des engagements pour une répartition plus juste des droits à taxer entre les pays. Il ambitionne de s’assurer que les multinationales paient des impôts quel que soit le pays où elles opèrent, ce qui devrait générer des impôts supplémentaires pour de nombreux pays, notamment ceux du Sud, et permettre au final d’augmenter les financements en faveur des Objectifs de développement durables des Nations-Unies (ODD).
Les pays développés demeurent toutefois encore méfiants vis-à-vis de l’initiative de l’ONU. Les 110 voix obtenues lors du vote du texte le 16 août, provenaient en grande partie de pays émergents. Huit pays ont au contraire voté contre : l’Australie, le Canada, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Les pays membres de l’Union européenne ont quant à eux préféré s’abstenir.
La réforme de la fiscalité mondiale risque toutefois de prendre encore un peu de temps pour voir le jour. Le texte voté par le comité ad hoc doit encore être ratifié par l’assemblée générale des Nations-Unis, un vote devant se tenir à la prochaine session de l’organisation à partir de septembre prochain. Si cette étape est franchie, un nouveau comité de négociation devra plancher pour les trois prochaines années sur un texte définitif, qui pourrait être présenté au vote de l’assemblée générale de l’ONU dès 2027.■